« Je te demande d’adopter le rapport tel que modifié par le conseiller Debbasch »
 
Tchitchao Tchalim, Charles Debbasch, Yotroféï Massina, Atcha Titikpina…voilà des noms qui furent cités dans la falsification du rapport de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh) sur les allégations de torture faites par les codétenus de Kpatcha Gnassingbé lors du procès en septembre 2011. Après le tripatouillage, c’est l’ancien défenseur des droits de l’Homme qui a bouffé sa conscience, Me Yacoubou Hamadou qui s’était chargé de défendre le faux sur les ondes. Jusqu’ici, l’opinion devrait penser que ce sont seulement ces personnes qui sont impliquées dans cette affaire. Mais elles ont bel et bien bénéficié de la complicité de…Faure Gnassingbé. Ce dernier avait demandé à Koffi Kounté « d’adopter le rapport tel que modifié par le conseiller Debbasch ». C’est ce que nous apprend La Chronique d’Amnesty International de juin 2012 signée par le confrère Yves Hardy. Et c’est l’ancien président de la Cndh en personne qui en a fait la révélation.
 
En effet, le 17 février 2012, un rapport concluant à l’inexistence de torture et autres traitements inhumains, cruels et dégradants, contrairement aux allégations faites par les détenus de l’affaire Kpatcha Gnassingbé, avait été publié comme celui de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh). Mais quelques heures plus tard, l’opinion saura qu’il s’agissait d’une version tripatouillée du rapport original. Mais ce que le commun des Togolais ignorait, c’est que cette forfaiture avait bénéficié de la bénédiction de Faure Gnassingbé en personne. Koffi Kounté réfugié en France depuis la publication du rapport authentique désavouant le gouvernement, s’est confié au confrère Yves Hardy qui a abordé le film des événements, avec des détails à profusion, dans sa Chronique de juin 2012 qu’il anime pour Amnesty International, sous le titre : « Koffi Kounté, une conscience ».
 
« Le 25 janvier 2012, Koffi Kounté remet en main propre son projet de rapport au président de la République. « Il me l’avait demandé, je ne trouvais pas anormal de lui donner la primeur du texte ». Une semaine après, il apprend que le doyen Charles Debbasch, conseiller à la présidence, veut le rencontrer…Le conseiller attaque sans détour le contenu du rapport : « À sa lecture, j’ai eu le sentiment que certains rédacteurs en voulaient au chef de l’État». « Doyen, je ne comprends pas, réplique Koffi Kounté, j’ai rédigé personnellement le rapport». « Ne nous énervons pas, reprend Charles Debbasch, en lui tendant un document écrit et une clé USB, voici le rapport révisé», lit-on. Cette clé USB contenait donc la version tripatouillée du rapport qu’on demandait ainsi à l’ancien président de la Cndh d’avaliser et ensuite de publier. « En découvrant le texte à son bureau, Koffi Kounté tombe des nues. L’analyse des faits est dénaturée et les conclusions inversées : les allégations de torture ne sont plus fondées. La voix douce s’efface au profit de l’indignation : « C’était inadmissible. Comme si au moment de rendre un jugement, on me tendait un papier : voici le verdict que tu dois rendre ! En contradiction totale avec mon serment de magistrat », continue la chronique. Les pressions s’étaient multipliées les jours qui suivirent : « Le Garde des Sceaux, le président de la Cour constitutionnelle, puis Charles Debbasch reviennent à la charge en dramatisant la situation : « Je risquais rien moins que de faire sombrer le régime, résume Koffi Kounté. Pourtant, je précisais dans mon rapport que si l’Agence nationale de renseignement (ANR) dépendait du chef de l’État, elle disposait d’une autonomie de gestion et que nous n’avions aucune preuve de consignes venues du sommet de l’État» ».
 
Koffi Kounté crut un instant à une initiative individuelle de Charles Debbasch et son réseau et pensait pouvoir compter sur le soutien de Faure Gnassingbé. Mais il sera lourdement désillusionné. « Le président de la CNDH tente un dernier recours auprès de Faure Gnassingbé. Ce dernier a cette fois choisi son camp : « Je te demande d’adopter le rapport tel que modifié par le conseiller Debbasch » », rapporte la Chronique.
 
Le mot est lâché, l’« Esprit nouveau » a donc demandé à Koffi Kounté d’accepter le rapport falsifié, qui concluait que « l’accusation de torture doit être rejetée ». Faure Gnassingbé était donc la caution morale, sinon le commanditaire de ce tripatouillage visant à tronquer la vérité, celle selon laquelle « il a été commis sur les détenus des actes de violences physique et morale à caractère inhumain et dégradant », comme conclut le rapport authentique publié le 19 février 2012. Nous étions d’ailleurs de ceux qui soupçonnaient Faure Gnassingbé de complicité du fait qu’une arme a été pointée sur la tempe du président de la Cndh au Palais de la Présidence en son absence, pour l’obliger à signer le faux rapport, et que le locataire des lieux n’a pas sanctionné les auteurs de ces faits à son retour au pays. De là à conclure qu’il était bien au fait des tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants dont étaient l’objet les détenus de l’affaire Kpatcha Gnassingbé durant plus de deux ans dans les locaux de l’Anr, de la Gendarmerie et du Camp Gal Gnassingbé Eyadéma, ou qu’il en était même l’ordonnateur, il n’y a qu’un pas qu’on aurait vite fait de franchir.
 
Au demeurant, ce n’est pas étonnant que les recommandations du rapport restent lettres mortes jusqu’à ce jour, même si le gouvernement argue avoir appliqué le rapport à 90 %. Avec ces révélations qui éclaboussent, au-delà des falsificateurs connus, Faure Gnassingbé en personne, pas sûr que Koffi Kounté ait l’intention de revenir de si tôt au pays, comme le quémande le pouvoir de Lomé qui a clamé avoir pris toutes les dispositions de sécurité pour lui et sa famille. En tout cas il le ferait à ses risques et périls, parce que c’est tout le système qu’il se mettrait à dos, du sommet jusqu’aux sécurocrates.
 
Tino Kossi
 
source : liberte-togo.com
 

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