Christian-Trimua


Il fut l’un des ministrables sur la « liste d’attente » – on emprunte l’expression au Col Yark Damehame – à être nommés par décret le vendredi 11 octobre 2013, un mois après la formation du gouvernement Ahoomey-Zunu II. Une nomination qui a surpris plus d’un Togolais, au regard de ses relations assez mouvementées ou de ses déboires avec le pouvoir ou son incarnation. Et si Christian Trimua était plus qu’un simple Secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Justice chargé des Relations avec les Institutions de la République ?
 
De l’enfer au paradis
 
Brillant étudiant et juriste confirmé mais illustre inconnu du grand public, Christian Trimua s’est révélé à l’opinion à l’occasion des élections législatives du 14 octobre 2007. L’homme s’était illustré comme un spécialiste des élections, expliquant avec assez de maitrise le mode de scrutin, la proportionnelle de liste. Il avait parcouru presque tous les médias pour prester et laissé entendre que ce mode allait favoriser l’entrée à l’Assemblée nationale de petits partis. Mais seulement, il fut démenti par les résultats qui donnèrent seulement trois (03) formations élues.
 
Après ce service rendu, le brillant juriste est entré en hibernation ; mieux, mis sous éteignoir. Les indiscrétions l’ont dit avoir fait « taper dos » au Prince, commis l’erreur de manger son plat– hum -, une ancienne ministre miam-miam. Ce qui lui a valu des misères. Et lorsque l’opinion devrait entendre de nouveau parler de lui, en tout cas officiellement, c’est dans l’affaire de tuerie des jeunes filles dans laquelle Kpatcha Simliya a été récemment reconnu comme assassin principal et condamné à la perpétuité. Il est cité et même inculpé formellement. Loin d’une réelle implication, beaucoup de Togolais y avaient beaucoup plus vu la manifestation de la vengeance du Prince cocufié, une punition de sa part. C’était en tout cas déshonorant pour Christian Trimua, et nombre d’admirateurs – il faut avouer que l’homme séduit par ses démonstrations qui montrent une maitrise du sujet – et d’observateurs craignaient sa fin avec son implication présumée dans cette affaire, car c’est un crime de manger le plat du Prince. Mais ils seront démentis par la tournure des événements.
 
A la faveur des législatives du 25 juillet 2013, l’homme est revenu sur la scène, avec les mêmes prestations offertes en 2007. Mais personne ne voyait un retour bien organisé et progressif en grâce. C’est un Christian Trimua reprenant progressivement du poil de la bête que l’on voyait, et la consécration sera sa nomination au gouvernement le 11 octobre 2013 comme Secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Justice chargé des Relations avec les Institutions de la République, même toujours sous le coup de l’inculpation dans l’affaire de tuerie des jeunes filles. La justice étant d’ailleurs aux ordres du pouvoir, il sera soustrait du dossier à travers des contorsions juridiques. Le vendredi 08 novembre 2013, à la Cour d’appel de Lomé, alors que la Chambre d’accusation planchait sur le dossier, le Premier substitut du Procureur général, Wyao Essohana a requis non seulement la disjonction du dossier Trimua du dossier principal, mais aussi un non-lieu le concernant. Et la suite, tout le monde la connaît. Le nouveau ministre a été disculpé avant l’heure, et son nom n’a été cité nulle part au cours du procès tenu en janvier 2014 ayant condamné Kpatcha Simliya et ses supposés complices. C’était là la fin de la traversée du désert pour Christian Trimua.
 
Christian Trimua, le Charles Debbasch version tropicale ?
 
Secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Justice chargé des Relations avec les Institutions de la République. Officiellement, c’est ce poste qu’occupe le brillant juriste au gouvernement. Mais pour les observateurs avisés de la scène politique togolaise et des manœuvres politiciennes du pouvoir Rpt/Unir, il est plus que ça. Et ils le voient dans le rôle d’un certain Charles Debbasch qui n’est plus à présenter en matière de nuisance juridique, surtout dans la perspective de la très cruciale élection présidentielle de 2015.
 
En effet ce Français est aussi comptable des malheurs du peuple togolais depuis l’avènement au pouvoir de Faure Gnassingbé. S’il ne joue pas les premiers rôles et n’est pas souvent au-devant de la scène, il n’est pas moins nuisible à la démocratie, tout comme un certain Barry Moussa Barqué. Tripatouillage de la Constitution dans la nuit du 5 au 6 février 2005, traficotage du rapport de la Commission nationale des droits de l’Homme (Hcdh) sur les allégations de torture dans l’affaire Kpatcha Gnassingbé, contorsions juridiques pour faire passer les hold-up électoraux…il est cité comme la tête pensante des pires manœuvres juridiques du pouvoir Faure Gnassingbé. Etant à l’automne de sa vie et sa santé déclinant, c’est évident qu’il ne soit plus en possession de toutes ses capacités intellectuelles pour remplir ces missions qu’on lui connaît. Et Christian Trimua ne manque pas de compétences pour jouer ce rôle. Il a d’ailleurs le même profil que le Français, aussi juriste talentueux. En plus de maitriser les rouages du Droit, l’homme s’illustre comme un spécialiste des élections. Un bon cocktail pour se rendre utile en 2015. Certains suspectent sa forte présence autour de Faure Gnassingbé lors de son audience avec Jean-Pierre Fabre et y voient le début de cette mission secrète.
 
Il faut tout de même avouer que le retour en grâce de Christian Trimua a été tellement facile qu’on est fondé à voir de bonnes raisons derrière. L’homme revient presque de l’enfer, avec ses déboires et surtout son implication présumée dans l’affaire de tuerie des jeunes filles. Il faut de bonnes raisons pour ses détracteurs qui le tenaient par les c…de le ramener à la vie. « Ce revirement me donne l’image d’un prisonnier condamné à perpétuité, mais à qui ses geôliers proposent une mission secrète difficile contre sa liberté, comme on en voit dans les films », glose un observateur. C’est un véritable gâchis que des intellectuels aussi brillants et vertueux finissent toujours dans les bras du pouvoir et au service de causes pas nobles – la petite histoire raconte que l’homme est un démocrate dans l’âme, en tout cas qu’il avait, au début des années 95, vanté les vertus de la démocratie au Lycée de Pya, et cela lui avait valu des maltraitances de la part d’Ernest Gnassingbé, tout-puissant à l’époque. Il n’est malheureusement pas le premier à franchir ce pas, et ne sera sûrement pas le dernier.
 
Tino Kossi
 
LIberté Togo
 

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