Luc Abaki
Luc Abaki

Lorsque deux éléphants se battent dans une forêt, ce sont les petits animaux qui en payent la prix. Cet adage formulé à partir de la science qu’enseigne l’école de la vie parait anodin ou simplement imagé, mais en vérité, il est porteur d’un contenu puissant que nous expérimentons presque tous les jours dans notre existence.

Loin de nos pays d’Afrique, en Asie orientale, deux éléphants ont fait le pari de se battre, la Russie et l’Ukraine, ou plutôt, la Russie et l’OTAN avec pour instrument de prétexte l’Ukraine, et les retombées seront immanquablement sur l’Afrique demain ou après demain.

En effet depuis le 24 février 2022, Vladimir Poutine, après plusieurs avertissements sans suite à ses adversaires de l’Occident, a fait le pas décisif d’une intervention militaire en Ukraine, avec des bombardements massifs des sites militaires stratégiques de son voisin qu’est l’Ukraine puis, des opérations au sol en vue de “démilitariser” et de “dénazifier” ce pays qui, en réalité, n’est pas autre chose qu’une simple ablation de la Russie d’hier.

Causes de l’affrontement

Cette option fait suite à un jeu dangereux que le nouveau président ukrainien, Volodmir Zelensky, parvenu par des détours au pouvoir en 2019, a cru utile de jouer avec son aîné Poutine en voulant, dans un élan narquois, rentrer dans le camp ennemi que constitue entièrement l’OTAN qui, à son tour, instrumentalise cet ancien comédien du cinéma, pour pousser trop loin le bouchon de la provocation à travers d’interminables bombardements des russophones à Donbass et des manœuvres guerrières en mer noire.

Il n’en fallait donc pas plus pour excéder le président russe qui, sûr de sa puissance militaire et de la légitimité de son action, a vertement ouvert le feu sur l’Ukraine. Finalement, au bout de trois semaines d’intenses interventions, l’Ukraine est quasiment en lambeaux, Kiev sa capitale est sur le point d’être totalement prise pendant que des millions d’ukrainiens ont emprunté la voie du refuge dans des pays voisins alors que le pays désemparé, fait désespérément appel à ses pseudos alliés de l’OTAN sans aucune suite déterminante. Au contraire, les pays occidentaux, vrais instigateurs ayant joué depuis toujours un rôle catalytique extrêmement dangereux qui a fini par pousser à bout le redouté Poutine, ont décidé, de guerre lasse, de ne brandir que l’arme économique pour sévir contre la Russie.

En conséquence, des sanctions économiques “inédites” sont prises contre le pays de Poutine en vue pense-t-on, de déstructurer l’économie de ce pays, de la démanteler avec cet espoir presque vain, de contraindre le leader russe au renoncement.

Conséquences de la crise

Les conséquences de toutes ces mesures ainsi que de l’acte guerrier lui-même ne se font plus attendre: hausse vertigineuse des prix des produits pétroliers et gaziers, du blé et de bien d’autres matières dont la Russie et l’Ukraine sont les principaux exportateurs au monde. Forcément la suite pour les pays aussi bien d’Europe et qu’ailleurs devient de plus en plus sombre. Leurs économies, désormais désorganisées, vont subir un coup dur, alors qu’elles avaient à peine commencé à reprendre un regain de vitalité après plus de deux ans de douloureuses peines consécutives à la pandémie de Covid-19.

L’Afrique dans une impasse totale

Dans un tel contexte de chamboulement total des économies du monde, à quoi doit alors s’attendre l’Afrique dont la dépendance littérale des puissants du monde n’est plus à rechercher ni à démontrer ?
Naturellement au pire dès lors qu’il est établi que la plupart de nos pays n’ont aucune espèce de résilience, surtout qu’ils ont tous été fragilisés hier par la fameuse pandémie à Corona virus, surtout encore qu’il est de notoriété publique que nos dirigeants sont passés maîtres dans l’attentisme, le manque de vision et d’action plongeant ainsi nos pays dans une frustrante apathie et une monstrueuse léthargie, surtout enfin que la plupart d’entre eux, souffrant d’illégitimité dans leur propre pays, ne s’arcboutent que sur la France pour s’assurer vie dans le fauteuil présidentiel alors même que cette même France désormais acculée par plusieurs pesanteurs, suffoque et se cherche à tous points de vue.

Oui l’Afrique va assurément récolter directement ou indirectement, les pots cassés de cette guerre sur plusieurs plans à la fois.

D’abord sur le plan économique, dès lors que l’Afrique importe tout de ces pays alors qu’elle est le vivier par nature de toutes les matières premières et des sols les plus arables possibles du monde, son économie va forcément s’ébranler et se désorganiser sous le diktat des prix insupportables qui sont désormais pratiqués à l’échelle mondiale. Il faut absolument craindre ce lourd tribut que nos pays devront payer surtout que les géants qui les ont souvent tenus à bout de bras, font eux-mêmes l’amère expérience d’une perte drastique de leur puissance économique.

Il va s’en suivre que les appuis budgétaires auxquels se sont habitués nos États seront sensiblement revus à la baisse, pour ne pas dire réduits à néant, alors que, comme rappelé plus haut, nos pays ne produisent pratiquement rien de conséquent dont la vente permettrait de compenser le vide budgétaire causé par le manque de subventions, d’aides et d’assistance traditionnellement acquis auprès des colons d’hier et néocolons d’aujourd’hui.

Au regard de ce risque presqu’évident qui profile à l’horizon, la perspective des crises sociales, des révoltes ou même des révolutions n’est pas à écarter dans les prochains mois dans nos pays.

Sur le plan géopolitique, la donne risque elle-aussi de changer littéralement. Selon que la Russie sorte par la grande porte de cette opération militaire ou non, son influence ou celle des pays de l’OTAN sur Afrique ne sera plus la même. La Russie risque, si elle s’en sort bien, de devenir le principal recours des fragiles pays d’Afrique. Beaucoup d’États du continent, à l’image du Mali et de la Centrafrique, n’hésiteront pas à basculer irrésistiblement dans le camp de la Russie et de ses alliés stratégiques comme la Chine, l’Iran, l’Inde etc.

Évidemment, la France, quoique fragilisée, ne regardera pas impassible une telle migration politique qui sonnerait le glas de son hégémonie sur plusieurs pays du contient Africain. D’une manière ou d’une autre, et connaissant sa capacité habituelle à défendre farouchement ses intérêts partout où ils sont ou sont supposés être, elle ne lésinera pas non plus sur les moyens, pour démanteler les régimes audacieux qui se permettront un tel basculement vers l’Est.

Solution idéale pour Afrique

L’idéal pour l’Afrique ne doit aucunement être de se blottir dans les bras d’un quelconque puissant du monde à qui elle conférerait un pouvoir tutélaire puérile. La vocation de tout individu, de toute société ou de tout pays étant par essence de se suffire par lui-même, les pays du continent africain ne devront avoir d’autres choix que d’apprendre à arpenter les marches de l’ascension par eux-mêmes.

Ceci exigera de leurs dirigeants, des choix politiques audacieux, éclairés et réellement lucides qui mettent au cœur de leurs actions, le citoyen en tant que moteur déterminant dont l’oeuvre permet de construire des États solides. Mais pour être en mesure d’une telle politique basée essentiellement sur l’homme dans sa posture de mesure de toute chose, les dirigeants eux-mêmes devront d’une part travailler sur leur propre légitimité, et de l’autre, sur certaines valeurs essentielles qui déterminent le vivre-ensemble.

En lieu et place de leurs égos mesquins qui ne cessent de s’affronter frontalement au quotidien, ils leur faudra un minimum d’humilité et une ouverture d’esprit qui les pousseront à s’unir entre dirigeants en vue de mutualiser leurs forces autour des idéaux communs. C’est alors que les organisations sous-régionales, régionales ou même continentales auront réellement leur raison d’être et serviront de créneaux intéressants pour refaire l’identité de l’Afrique.

Sans la correction de ces plaies ayant piteusement rongé et fragilisé notre continent, sa vulnérabilité va nécessairement s’accentuer et même se pérenniser au grand désarroi des peuples d’Afrique qui ne cherchent légitimement qu’à se faire valoir en tant qu’êtres humains se distinguant des autres espèces par leurs facultés exceptionnelles, leurs atouts et qualités.

Luc Abaki

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