Au Togo, Faure Gnassingbé gagne avec un score de 70% aux élections du 22 février 2020. La France de Macron a fini par lui envoyer un message de félicitations…
On ne peut pas appeler « élection » la reconduction automatique d’un Président telle qu’on la voit se passer en Afrique Francophone au Togo et ailleurs. Fondé sur la censure de l’opposition, sur la violence, avec le trucage des votes, ce maintien indéfini au pouvoir de la même personne est le signe même de l’absence de la démocratie. La France est complice de cette parodie par l’influence qu’elle conserve au Togo, par sa collaboration étroite avec les institutions togolaises particulièrement avec l’armée et la police.
Comment expliquez-vous ce soutien indéfectible de tous les présidents français de gauche comme de droite à une seule famille au Togo depuis 53 ans ?
Maintenir une domination de type colonial sur l’Afrique francophone est un trait essentiel de la politique de la France, quel que soit son gouvernement. Il s’agit de préserver une influence internationale dont l’Afrique est le pilier, de préserver les intérêts multiples des sociétés françaises. Un régime démocratique au Togo ne permettrait pas de perpétuer cette domination économique et politique.
«Je ne me sens pas l’âme d’un dictateur», avait déclaré Faure Gnassingbé peu avant le vote, dans un entretien accordé au Monde et à l’Agence France-Presse. Que répond l’écrivaine Odile Biyidi qui a beaucoup écrit sur les dictatures en Afrique ?
Les mots ne changent rien à l’affaire puisque Faure Gnassingbé, en réalité, possède tous les traits qui caractérisent un dictateur. Mais, plus encore qu’un dictateur c’est un prédateur. Ce qui caractérise l’histoire de la famille Gnassingbé c’est l’enrichissement pharaonique du clan, alors que, le peuple togolais souffre très majoritairement de la pauvreté. Les services publics, santé, éducation, sont indigents. Le pays est très dépendant des « aides » extérieures, qui ne sont que des subventions à la dictature.
La France continue à former les Forces Armées Togolaises qui tuent les populations togolaises….
Le signe le plus manifeste du maintien de la domination coloniale est en effet la présence de l’armée française en Afrique. On voit aussi le recyclage de ses hauts gradés en conseillers des présidents africains inamovibles.
A « Survie », votre association, l’ombre de Vincent Bolloré est dans tout le système de soutien aux dictatures. Comment expliquez-vous que dans son pays, la France il ait maille à partir avec la justice et qu’en Afrique il se sente si à l’aise ?
Bolloré est le fleuron du système colonial françafricain. En France il arrive que la justice, théoriquement indépendante, s’intéresse à lui, sans grande conséquence pour l’instant. Mais lui par contre se sert de la justice pour intimider quiconque s’intéresse de trop près à ses affaires. Il a les moyens de soutenir de nombreuses procédures, contrairement à ceux qu’il attaque, journalistes indépendants ou militants associatifs. C’est ce qu’on appelle les « poursuites baîllons ». Surtout il peut agir sur l’information par les médias qu’il possède : L’agence Havas qui peut donner ou retirer la publicité à un journal, les chaînes de TV Canal +, C 8, qu’il contrôle directement. En Afrique, dans les pays dictatoriaux, c’est évidemment encore plus facile de gagner à sa cause le pouvoir politique, la justice et les médias. Mais la donne peut changer quand accède au pouvoir un dirigeant plus conscient des intérêts nationaux
Mme Tobner, c’est comme si toute l’Europe banalisait les élections truquées en Afrique. Comment expliquez-vous le soutien de l’Union Européenne à d’autres hommes politiques africains au détriment de la volonté des peuples ?
C’est cruel de le dire mais l’Europe, pas plus que telle ou telle puissance, n’est un bureau de bienfaisance. Les peuples doivent se doter de présidents et de représentants capables de défendre les intérêts de la nation dans son ensemble et ils doivent les remplacer quand ils ne le font pas. Personne ne le fera à leur place. C’est l’enjeu de la démocratie dans tous les pays, pas seulement africains. Dans un monde où les multinationales de la finance sont plus puissantes que les États c’est évidemment difficile mais il n’y a pas d’autre solution.
Entretien Camus Ali pour Lynxtogo.info