Pour combien de temps encore le siège de NSIA laissera la situation des agents de cette compagnie d’assurances se dégrader ? Après les stagiaires et les agents sous contrat à durée déterminée (CDD), la paire Constant Djeket – Chantal Bosso, Directeur général et Adjointe a décidé de licencier désormais une dizaine d’employés permanents. Et tout était en marche pour déguiser cette cabale ourdie contre ces agents qui ont le malheur de dire la vérité. Presque tout. Sauf que le Syndicat des banques vient de faire sa part, au vu des chiffres en sa possession. « Eu égard à ces analyses, nous pouvons affirmer qu’il s’agit bien d’un problème de gouvernance et non de difficultés économiques, et ce licenciement économique n’est pas acceptable par le Syndicat et comme le recommande la loi », vient de décider le syndicat sans l’aval duquel aucun licenciement n’est possible dans ce secteur. Constant Djeket a donc menti aux employés et aux délégués du personnel le 22 octobre 2018.

Depuis mercredi 23 janvier, le SYNBANK a réagi, et de fort belle manière. Dans un courrier daté de ce jour, avec comme objet « Votre plan de licenciement pour motif économique », ce syndicat, par l’entremise de sa Secrétaire générale, a pris ses responsabilités comme l’espérait le journal. Le projet de mettre des agents sur le carreau ne convainc pas le SYNBANK. Et les arguments n’ont pas manqué.

« Monsieur le Directeur général, Nous avons l’honneur de faire suite à notre rencontre du 28 décembre 2018 au cours de laquelle vous aviez autorisé les délégués du personnel de votre institution de mettre à notre disposition les documents internes relatifs au licenciement économique.

Après notre rencontre avec les délégués du personnel et à l’analyse de votre argumentation, les motifs utilisés pour soutenir votre décision ne nous paraissent pas justifiés pour les raisons suivantes :

  • La loi du travail Togo autorise le licenciement économique dans les cas suivants : difficultés économiques ou changement technologique ;
  • les difficultés économiques sont caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation; ce qui n’est pas le cas pour votre Institution car on note une augmentation du chiffre d’affaires de 3.1% à 3.2% entre 2016 et 2017 ;
  • une dégradation du compte d’exploitation par des charges extérieures et des charges indirectes volontairement entretenues par les Dirigeants à l’analyse des états financiers de votre institution ;
  • aucune mention n’a été faite sur étude comparative du secteur des Assurances et mentionne le poids du chiffre d’affaires de NSlA-ASSURANCES par rapport au marché des assurances au Togo. Ce qui peut nous convaincresur les supposées difficultés économiques que traverse votre institution ;
  • aucune donnée officielle n’a été ressortie sur la santé financière des compagnies d’assurances dans votre correspondance ;
  • la nouvelle règlementation qui impose aux compagnies d’assurances de disposer d’un capital social de 3 milliards de francs d’ici 2020 n’est pas spécifique à votre institution ;
  • nous notons que plusieurs compagnies d’assurances au Togo restent bénéficiaires sur plusieurs années ;

Enfin, l’article 73 du Code du Travail que vous évoquez, parle de licenciement inévitable. Or, dans le cas d’espèce de l’entreprise NSIA ASSURANCES, les conclusions des analyses que nous avons pu mener, permettent de dire que ce licenciement est évitable.

Eu égard à ces analyses, nous pouvons affirmer qu’il s’agit bien d’un problème de gouvernance et non de difficultés économiques, et ce licenciement économique n’est pas acceptable par le Syndicat et comme le recommande la loi. Nous demanderons à la Direction générale du Travail et des Lois sociales de commettre une expertise indépendante pour ressortir les non valeurs que vous connaissez déjà et qui ont entraîné les déficits répétés pour votre institution.

Espérant que notre requête trouvera un écho favorable, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur Général, l’assurance de notre considération distinguée ».

Et pourtant, le Directeur général et son Adjointe avaient servi un plat truffé de contre-vérités, si on doit s’en tenir aux écrits du Synbank. C’était le 22 octobre, lorsqu’ils devaient annoncer la mesure qui avait déjà coûté des postes aux agents sous CDD et quelques mois avant, à des stagiaires. Devant tout le personnel, Constant Djeket s’était ainsi justifié.

Des justifications aujourd’hui tirées par les cheveux

« Nous avons tenu à vous rencontrer ce matin pour vous faire part de la situation dans laquelle se trouve notre entreprise. On a eu l’occasion de communiquer au comité de Direction sur les résultats de l’entreprise, je ne sais pas si ça a suffisamment été relayé, mais je vais quand même rappeler quelques petits points.

La société a fait en 2016 une perte de 1,5 milliard, ce qui a porté les fonds propres de la société fin 2016 à 902 millions. Je vais expliquer brièvement ce que c’est que les fonds propres.

Quand on crée une société, on met en place un capital, on décide de commencer une société avec par exemple un capital de 100. Au fur et à mesure que la société fait des pertes, les pertes viennent grignoter le capital. Au départ, si on prend une société qui fait 100 de capital, on va dire au départ que les fonds propres sont aussi de 100. Si elle fait des bénéfices, elle peut augmenter les fonds propres ou bien donner les bénéfices aux actionnaires. Si elle fait des pertes, les pertes viennent bouffer le capital donc les fonds propres diminuent. Donc pour ce qui nous concerne, les pertes faites en 2015 ont ramené les fonds propres qui étaient de 2,4 milliards à 902 millions.

Ensuite en 2017, il y a eu 3,5 milliards de pertes. Donc les fonds propres sont aujourd’hui négatifs fin 2017 de 2,167 milliards. Les règles disent que lorsque dans une société les fonds propres deviennent inférieurs à la moitié du capital, la société est obligée peut-être de recapitaliser, c’est-à-dire les actionnaires qui ont mis l’argent pour créer la société, on les réunit et on leur dit « remettez de l’argent, sinon la société est déclarée en faillite ». Je simplifie les choses pour que ce soit facilement compréhensible. Donc en ce qui nous concerne, notre capital social aujourd’hui étant de 2,4 milliards, normalement nos fonds propres ne devraient pas être inférieurs à 1,2 milliard. Mais nos fonds propres sont aujourd’hui non seulement inférieurs à 1,2 milliard, mais aussi sont négatifs de 2,167 milliards. Ça veut dire concrètement que la compagnie doit être recapitalisée si on veut qu’elle survive ».

Alors, contre une injection de capital frais, il tente de mettre à contribution les employés et d’impliquer l’inspection du Travail.

Demande de réinjection de liquidités avec contrepartie

« Lorsque nous avons eu la société en 2018, après une première analyse, nous avions pensé qu’en faisant un peu le toilettage, en étant rigoureux au niveau des frais généraux, on allait réussir à redresser la barre. Vous avez vu tout ce qu’on a voulu faire en termes d’appels d’offres, en termes de réduction des frais généraux –cette année on n’a quasiment pas communiqué, pour réduire nos frais. Malgré cela, 2018, avec les prévisions d’atterrissage, risque de se terminer encore avec une perte, un peu moins que celle de 2017, mais une perte quand même. Ça veut dire qu’on continue de creuser. Alors nous sommes arrivés à une situation où la société risque de disparaître si on continue comme ça, avec comme conséquence la perte bien évidemment de tous les postes. Si la société ferme, chacun rentre chez lui. Pour qu’une société qui est à ce niveau de fonds propres ne disparaisse pas, il faut que les actionnaires acceptent de remettre de l’argent.

Mettez-vous à la place des actionnaires, certains d’entre vous ont des petites affaires, ils ont des petites boutiques de quartier ou des petits investissements. Si trois ans après avoir investi votre argent, la société ne produit rien, qu’est-ce que vous faites ? Vous continuez, vous arrêtez ? Dans notre cas, ce qu’on demande aux actionnaires, c’est « remettez de l’argent pour qu’on puisse continuer ». Mais pour faire ça, nous sommes obligés de restructurer la société pour la rendre bénéficiaire ou pour donner une tendance bénéficiaire à la société, parce que si on continue comme ça avec encore des pertes en 2019 en 2020, aucun actionnaire ne va accepter de suivre une société pendant plus de trois ans sans gagner de dividendes. »

L’inspection du travail comme caution à la forfaiture

« Alors la restructuration qui va se faire va être douloureuse puisque ça va nécessiter la suppression de certains postes. Nous sommes obligés de supprimer certains postes. Nous sommes obligés de revoir aussi notre business modèle. Quand on se rend compte qu’aujourd’hui il y a des branches qui ne sont pas du tout rentables, ni à court terme, ni à moyen terme, ni à long terme, pas seulement au Togo, mais des branches qui ont montré dans tous les pays où on fait de l’assurance que ces branches-là ne sont pas rentables. Il y a des secteurs d’activité comme la santé que nous allons redimensionner complètement.

Aujourd’hui, un des gros soucis qu’on a, c’est que la santé fait plus de 50% de notre portefeuille ; donc il va falloir ramener la santé dans des proportions qui tiennent la route, voire la supprimer complètement comme l’ont fait certaines sociétés pour qu’elle redevienne rentable. Alors, pour être plus précis, c’est qu’il s’agira d’un licenciement économique ; il y aura suppressions de postes et réorganisation de la société. Le Code du travail togolais en termes de licenciement économique fait appel à une procédure qui est très claire et très rigoureuse que nous allons suivre à la lettre, bien sûr avec les délégués du personnel qui seront partie prenante dans la restructuration. Les délégués du personnel, en cas de restructuration, sont l’interlocuteur privilégié des salariés qui ont des préoccupations, qui ont des doléances ; la Direction Générale informera aussi régulièrement les délégués du personnel et fera part des propositions des délégués du personnel qui seront analysées et discutées. La procédure se fera aussi avec l’inspection du travail, on ne peut pas faire une restructuration, un licenciement économique de cette ampleur sans l’Inspection du travail. L’Inspection du travail sera contactée juste après cette réunion ».

Ce sont là quelques extraits de son adresse du 22 octobre 2018.

Que conclure entre les propos de Constant Djeket et le courrier du SYNBANK ?

Quand on veut noyer un chien, on l’accuse de rage. Si un Directeur Général en arrive à mentir sur les chiffres pour justifier des licenciements, c’est grave pour la réputation de la compagnie. On se rappelle ce que ce couple a semé au Mali et qui lui a valu un départ précipité de la tête de NSIA dans ce pays. Aujourd’hui, c’est au Togo qu’ils tentent de transposer leur gestion précambrienne du secteur des assurances. Et certains agents auraient déjà volontairement rendu leur tablier, juste pour échapper au stress imposé dans le travail depuis janvier 2018, date d’arrivée de Constant Djeket et Chantal Bosso. Des heures impossibles de travail, des pressions morales de toutes sortes, de la dévaluation humaine, toutes choses qui conduisent à une démotivation de la part des agents et à des chutes d’employés dans les escaliers. De là à apprendre qu’il y a eu suicide à NSIA, on ne sera pas étonné ni surpris.

Avec la réaction du Syndicat des banques, il sera difficile pour ce duo de chercher à amadouer la Direction Générale du Travail et des Lois sociales afin que celle-ci cautionne ce qu’il convient d’appeler une forfaiture. Mais alors, qu’attend le siège avant de réagir devant cette chasse à l’homme orchestrée ?

Le secteur des assurances se porte bien, selon le SYNBANK, et plus tôt le PDG de NSIA fera arrêter l’hémorragie, mieux le personnel de NSIA-Togo se portera, car avec la démonstration du SYNBANK, des agents qui seraient déjà ciblés par ce licenciement pourraient gagner tout procès qu’ils intenteraient contre le groupe NSIA, parce qu’en lieu et place de licenciement pour motif économique, ce seront des actions en justice pour « licenciement abusif », purement.

Abbé Faria

 
Source : Liberté No.2851 du Lundi 04 Février 2019
 

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