Révérend Père Pierre Marie Chanel Affognon


Une conférence de presse a été animée hier à Lomé par le Mouvement des Forces Vives « Esperance pour le Togo », des organisations de la société civile et des partis politiques. C’est en prélude à la tenue, le 1er juin prochain, de la manifestation pacifique silencieuse organisée pour reconquérir la liberté de manifestation au Togo.

La rencontre a permis aux organisateurs de donner des précisions sur les motivations de la manifestation. Pour le Mouvement des Forces Vives, il s’agit, à travers cette manifestation, de tirer la sonnette d’alarme, d’alerter l’opinion et ne pas attendre le pire avant de réagir. Et pour cause. Rien que pour l’année en cours, le gouvernement a déjà interdit au moins trois manifestations pacifiques. « Nous n’allons pas minimiser l’enjeu de cette liberté fondamentale », a prévenu Père Pierre-Marie Chanel Affognon, l’un des responsables du mouvement des Forces Vives.

Répondant à une question sur l’opportunité ou non de la manifestation dans un contexte de préparatifs des élections locales, le Père Affognon a indiqué que la liberté de manifestation garantit aux populations le droit de dénoncer d’éventuels écarts des élus locaux. « Si on ne peut pas manifester dans une commune, on donne la liberté à ceux qui sont élus de ne pas se sentir responsables devant le peuple », a-t-il expliqué.

Par rapport à la manifestation, en attendant de donner des précisions sur les itinéraires, les organisateurs ont souligné que la marche va sillonner les artères de la capitale. Elle passera par « des lieux symboliques et qui ont un sens dans l’histoire de notre pays», ont-ils assuré. Le point de chute prévue est La Place de l’Indépendance.

La déclaration liminaire ci-dessous a été lue lors de la conférence de presse.

G.A.

Déclaration liminaire

Lorsque des citoyens togolais se rassemblent pour manifester pacifiquement dans les artères d’une ville, ils ne font que ce qui correspond à leur statut d’êtres humains qui ont des droits. C’est bien ce que leur reconnaît l’article 30 de la Constitution de notre pays qui stipule : « L’Etat reconnait et garantit dans les conditions fixées par la loi, l’exercice des libertés d’association, de réunion et de manifestation pacifique et sans instrument de violence ».

Mais qu’a fait le gouvernement togolais, installé depuis 2005 après la mort de plusieurs centaines de citoyens, lorsqu’à chaque échéance électorale, la population n’arrive pas à manifester sa réprobation à cause d’un processus entaché d’irrégularités, lorsque, en 2017, à Lomé les forces de l’ordre assistées de milices ont molesté, battu, blessé des citoyens qui manifestaient contre un système de gouvernance inacceptable pour eux, lorsque, en 2017, à l’intérieur du pays, le déploiement des forces de l’ordre a été tel que des villes comme Sokodé, Bafilo, Mango étaient pratiquement en état de siège, lorsque des personnes ont été jetées en prison, et certaines y sont encore ?

L’Etat a-t-il joué le rôle de protection des Droits humains que lui assigne la Constitution togolaise en son article 10 : «Tout être humain porte en lui des Droits inaliénables et imprescriptibles. La sauvegarde de ces droits est la finalité de toute communauté humaine. L’Etat a l’obligation de les respecter, de les garantir et de les protéger? » NON ?

Lorsque des citoyens togolais demandent à manifester en informant les autorités de la date et des itinéraires conformément à la loi en vigueur au Togo, ils exercent leurs droits de citoyens conformément à l’article 30 de la Constitution de notre pays qui dispose : « L’Etat reconnait et garantit dans les conditions fixées par la loi, l’exercice des libertés d’association, de réunion et de manifestation pacifique et sans instrument de violence ».

Mais

  • Lorsque les autorités répondent par une interdiction à la Ligue des Consommateurs Togolais, qui suite à la hausse des prix du carburant intervenue le 19 mars 2019, informe les autorités de son désir de manifester contre la vie chère ;
  • Lorsque le 13 avril 2019, à l’appel du PNP, les citoyens ont voulu manifester selon l’itinéraire qu’ils avaient choisi, et qu’ils ont été durement réprimés par les forces de l’ordre ;
  • Lorsque depuis des années, systématiquement les itinéraires sont interdits ou remaniés en fonction des desiderata des autorités, alors même que les organisateurs s’en tiennent au strict respect de la loi ;

L’Etat a-t-il joué le rôle de protection des Droits humains que lui assigne la Constitution en son article 10 : « Tout être humain porte en lui des Droits inaliénables et imprescriptibles. La sauvegarde de ces droits est la finalité de toute communauté humaine. L’Etat a l’obligation de les respecter, de les garantir et de les protéger»? NON !

  • Lorsque des citoyens se réunissent pour traiter de tout sujet dans un local d’un quartier, ils le font conformément aux textes internationaux en vigueur, notamment la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, que le Togo a ratifiée le 5 novembre 1982 qui précise en son article 11 : « Toute personne a le droit de se réunir librement avec d’autres, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi» ;

Mais

  • Lorsque, en 2017, le mouvement En Aucun Cas organise une conférence publique, et que ses membres sont arrêtés sur les lieux même de la conférence ;
  • Lorsque le mouvement Espérance pour le Togo projette un rassemblement de prière le 16 décembre 2018, et qu’on lui notifie une interdiction dans la soirée du 15 décembre 2018 ;
  • Lorsque ce même mouvement tente de donner une conférence de presse le 24 décembre 2018 dans une salle qui se trouve dans une enceinte privée et qu’une interdiction lui est encore donnée par un courrier parvenu le 23 décembre au soir, lorsque dès le matin du 24 décembre 2018, on a noté un déploiement des forces de l’ordre autour de l’enceinte;

L’Etat a-t-il joué le rôle de protection des Droits humains que lui assigne la Constitution en son article 10 : « Tout être humain porte en lui des Droits inaliénables et imprescriptibles. La sauvegarde de ces droits est la finalité de toute communauté humaine. L’Etat a l’obligation de les respecter, de les garantir et de les protéger»? NON ?

Alors, à cette situation, il faut apporter une réponse nette et claire, car, comme le dit Jean-Jacques ROUSSEAU, « quand un peuple ne défend plus ses libertés et ses droits, il devient mûr pour l’esclavage ».

Ainsi

  • Considérant que le gouvernement agit au mépris des droits des citoyens Togolais qu’il s’est pourtant engagé à protéger ;
  • Considérant que les décisions et dispositions des autorités gouvernementales togolaises, concernant notamment la liberté de réunion et de manifestation, sont de nature à semer la terreur, au lieu de garantir la sécurité à tous les citoyens ;
  • Considérant que la situation actuelle de restriction et de violations des libertés des citoyens ne peut guère promouvoir l’instauration d’un vivre-ensemble harmonieux et même du développement économique et social du pays.

Nous, Togolaises et Togolais, jeunes et moins jeunes, de toutes les religions, issus de toutes les régions du pays, vivant sur le territoire national ou hors du pays, provenant de diverses couches sociales, membres d’organisations de la société civile, et de partis politiques, refusant l’esclavage dont nous sommes menacés, avons donc décidé, au nom de notre mission de veille citoyenne, d’alerter et surtout de nous lever pour élever une vigoureuse et unanime protestation contre les violations de notre liberté de manifester.

  • Nous en appelons à la communauté africaine, à la communauté internationale ;
  • Nous en appelons à toutes les organisations dédiées à la défense des libertés publiques ;
  • Nous en appelons à tous les hommes et femmes de bonne volonté qui luttent comme défenseurs des droits humains.

On tente de bâillonner le peuple togolais, on tente de le priver de toute parole!

Citoyens togolais, c’est surtout à vous que nous en appelons, nous sommes les premiers concernés :

Au nom de toutes les victimes et des enfants injustement tombés à cause de la répression des manifestations depuis 2017, Anselme SINANDARE, Douti SINALENGUE, Rachid Maman AGRIGNAN, Bastou Ouro-Kéfa, Joseph ZOUMEKEY (Jojo), Issoufou Idrissou MOUFIDOU, etc. ,nous vous appelons, venez nous rejoindre pour une grande marche de protestation le 1er juin 2019. Ce sera une marche pacifique, citoyenne, silencieuse pour manifester notre totale indignation face à la violation de cette liberté fondamentale en danger dans notre pays. Le lieu du rassemblement et l’itinéraire vous seront communiqués dans les jours à venir.

 

Fait à Lomé le 21 Mai 2019

Pour le Mouvement des Forces Vives Espérance pour le Togo

Maryse QUASHIE
 
source : Liberté
 

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