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Libéralisation des prix, inflation et baisse du pouvoir d’achat, les autorités togolaises à la manœuvre, les populations victimes ou coupable ? Depuis quelques années, les togolais sont confrontés à une hausse des prix des produits de première nécessité pendant que leurs revenus sont restés quasi constants. Naturellement, la situation engendre la cherté de la vie et accentue la dégradation des conditions de vie dans le pays. Par rapport à la vie chère et à ses implications, à défaut d’une opposition efficace et socialisante, des acteurs de la vie socio-économique actifs et d’organisations fortes de la société civile, il est important aux victimes, quelque résignées qu’elles soient, d’en connaître les tenants et les aboutissants.
 
Plongée dans une paix de cimetière.
 
La vie chère, l’inflation et le pouvoir d’achats sont intimement liés. Si à un moment donné le système national des contrôles des prix, sur fond d’une nette séparation entre le monde politique et le monde des affaires, a permis de maintenir raisonnable l’évolution de ces notions socio-économiques, depuis l’instauration de la libre concurrence et donc de la levé du contrôle sur les prix dans le monde des affaires, les données ont changé. Comme si cela n’était pas assez, dans le contexte togolais, les hommes politiques ont violé la barrière entre l’action politique et les affaires. Pris en étaux entre ces deux feux croisés, le consommateur togolais, victime des calculs intéressés des hommes d’affaires au sommet de la République et des opérateurs économiques véreux, se déploie comme un diable dans un lieu de culte. L’inflation est la hausse du niveau général des prix. Elle peut être modérée, moyenne, élevée, mais au Togo, si rien n’est fait, elle risque d’être exponentielle. Elle est une des causes principales de la baisse du pouvoir d’achat lorsque les revenus ne sont pas indexés sur son évolution. Il n’y a que l’action de l’Etat pour juguler la baisse du pouvoir d’achat. La perte du pouvoir d’achat peut être liée à la monnaie et au revenu. A la lumière des définitions proposées par le consultant Kouglo Boèvi LAWSON BODY, qui a travaillé à faire comprendre la vie chère au Togo, « Le pouvoir d’achat de la monnaie mesure ce qu’il est possible d’acheter avec une quantité fixe d’unités monétaires. Si le niveau général des prix augmente, alors le pouvoir d’achat de la monnaie baisse. La hausse des prix entraîne de ce fait une baisse du pouvoir d’achat, la baisse des prix, une hausse du pouvoir d’achat et la stabilité des prix, le maintien du pouvoir d’achat ». Au regard donc de ces définitions, la tendance au Togo est à la baisse du pouvoir d’achat puisque, même si la libération des prix n’aide pas le consommateur final, les décideurs ne font rien pour contrôler les prix qui sont encore contrôlables. Faure Gnassingbé et sa minorité dirigeante sont devenus de véritables hommes d’affaires. Du haut de leur trafic d’influence, ils mélangent les serviettes et les torchons au sommet de la République. Entre autres exemples, s’il est vrai qu’au nom de la libre concurrence la libéralisation des prix ne rend plus possible le contrôle sur les produits de consommation, il n’est pas moins vrai qu’au Togo, les prix des produits et services tels que les produits pétroliers, l’eau, l’électricité et le ciment sont encore sous contrôle de l’Etat. Mais que fait l’autorité pour que ces prix respectent les revenus et le niveau de vie du Togolais ? Rien, si ce n’est un aveu d’impuissance et une démission intéressée, lâchement affichée. Si les hommes politiques n’ont pas pu raisonner les prix des biens et services que l’Etat vend aux populations, qu’ils ne demandent pas aux commerçants de raisonner leur business. Entre autres exemples, il ne fait l’ombre d’aucun doute que le Togo est le plus grand producteur et exportateur du ciment des pays de l’UEMOA. Mieux, il est l’un des plus grands exportateurs de la CEDEAO. Mais l’année 2008 a connu une augmentation inexpliquée des prix du ciment. Pour cause, à la lumière de la publication de PANA, dans African Manager, le 09 – 07 – 2008, «Le gouvernement togolais a décidé d’augmenter le prix du ciment sur toute l’étendue du territoire national, pour lutter contre les spéculations qui créent des pénuries volontaires dans le pays, selon une décision prise en Conseil des Ministres». Hummmm, pour lutter contre la spéculation du ciment, les alchimistes togolais n’ont trouvé pour solution que d’ajuster le prix au Togo au prix des spéculateurs à l’étranger. Ainsi, le prix de la tonne du ciment est passé à 81.000 F CFA contre 69 600 F précédemment (pour le ciment produit par CIMTOGO), tandis que celui produit par le West African Cement (WACEM), passe de 66.000 F CFA à 80 000 F CFA. Par cette décision, le gouvernement a voulu aligner le prix du ciment au Togo sur les prix de la spéculation pratiqués dans les pays voisins (Bénin, Burkina-Faso, Ghana ) où sont convoyés illégalement ce produit.
 
Pourtant, à l’époque et précisément le 18 avril, suite à des concertations entre les deux producteurs de ciment dans le pays, il a été mis en place un dispositif dénommé « Opération Togo d’abord ». Elle consistait à suivre le ciment depuis sa sortie de l’usine jusqu’au consommateur final en passant par le distributeur agréé.
Dans ce système, les forces de sécurité (gendarmerie et police) assurent le convoyage du produit afin de permettre son arrivée à sa réelle destination pour empêcher les spéculateurs de le détourner. Si dans la première semaine le système a plus ou moins fonctionné, il a montré par la suite des failles. Alors, les voleurs de la République au sommet n’ont trouvé que ce raccourci pour étouffer les Togolais et prétendre trouver une solution à une spéculation. La corruption a du passer par les forces de l’ordre et de sécurité.
 
A l’époque, le porte-parole du gouvernement a, sans vergogne, expliqué que « Cette situation est due à la spéculation que pratiquent certains distributeurs agréés et revendeurs qui exportent illégalement le ciment destinés à la consommation nationale vers les pays voisins où le prix de vente du ciment est plus élevé que celui pratiqué au Togo ». Des sources proches du ministère du Commerce, « CIMTOGO et WACEM, les deux unités de production du ciment d’alors au Togo ont une capacité mensuelle totale de 105.000 tonnes et la consommation moyenne du Togo se situe entre 45.000 et 50.000 tonnes ». Ne devient pas grossiste ou distributeur de ciment qui veut, les autorités togolaises, elles-mêmes, leurs proches et nombreuses maîtresses, étant les premiers spéculateurs, elles n’ont trouvé pour solution que d’augmenter les prix pour palier à la spéculation. Depuis donc le début de l’année 2008, le prix de vente d’un paquet de ciment qui était de 3 300 F CFA, selon le prix homologué en 2006, est vendu entre 4.000 et 4050 F CFA. Ce n’est pas tout, les prix des besoins publics ne font que grimper. Ainsi, dans le domaine énergétique, le prix du KW/H a grimpé et le dernier rapport du FMI a bel et bien mentionné que « les entreprises opérant dans le domaine de l’énergie, des mines et des télécommunications souffrent de retard dans les reformes structurelles ». Toujours à s’en tenir au même rapport, comme si la consommation d’énergie dans l’administration n’était pas budgétisée, quand les services de l’Etat consomment, ce sont les populations qui paient la facture. C’est ainsi que présentement, l’Etat reste devoir « 20 milliards de CFA à la CEET ». Pourtant, ces différents prix, le ciment et l’énergie, ne sont pas laissés au bon vouloir de la libre concurrence.
 
Les produits pétroliers
 
L’autre exemple qui crève les yeux par rapport à la vie chère porte sur le prix des produits pétroliers. Comme un effet boomerang, les flambées répétées des prix des produits pétroliers ont une incidence directe sur les autres biens de consommation. A la lecture des évolutions sur le terrain, on peut lire :
Le 10 octobre 2005: le Super, le Pétrole Lampant, le Gaz Oïl et le Mélange étaient respectivement à 525, 375, 515 et 560 FCFA.
 
Le 09 novembre 2006 : ces produits étaient respectivement à 505, 370, 500 et 550 FCFA.
Le 13 août 2008, ils sont à 595, 370, 590 et 575
Le 19 juin 2010, ils sont à 580, 475, 575 et 650
Le 02 juillet 2010, ils sont à 560, 455, 555 et 630
Le 14 janvier 2011, à 540, 445, 570, et 615
Le 04 juin 2011, à 567, 467, 599 et 639
Le 17 juillet 2011, à 595, 490, 629 et 665
Le 16 janvier 2014, à 655, 490, 679 et 745
 
Depuis le 21 juillet dernier, alors que le baril était à 50,15 dollars, ces produits ont grimpés respectivement à, 592, 514, 638 et 687 FCFA. Et ce sont ces derniers prix qui sont appliqués malgré que le baril soit à moins de 40 dollars.
La flambée des prix des besoins de base, elle, a naturellement suivie. Ainsi, l’alimentation, le logement, le transport et l’habillement ne sont pas épargnés mais le panier de la ménagère sera le plus touché. C’est alors que de 2008 à nos jours, à la lecture des réalités que nous avions recueilli sur le marché, la viande à os de mouton et de chèvre est passée de 2000 à 2500 FCFA le kilogramme, la viande à os de bœuf de 1800 à 2500, le poulet congelé de 1500 à 2000, le poisson frais de 900 à 1500, le bol de farine de blé de 500 à 1000 F, le bol d’haricot de 1200 à 1600, le riz ordinaire de 25 Kg de 15.500 à 18.500, le pain de savon de 200 à 300, le sucre saint Louis de 800 le paquet à 1200FCFA. Ce ne sont que des exemples parmi tant d’autres.
 
Au Togo, la vie chère est délibérément entretenue par l’Etat. S’il est vrai que la flambée des prix du pétrole entraine celle des prix des autres biens, même quand les prix du pétrole baissent sur le plan international, son prix à la pompe au Togo n’est souvent pas affecté. L’érosion continue du pouvoir d’achat est donc aggravée par la mauvaise volonté politique. Du 10 octobre 2005 au 16 janvier 2014, la structure des prix des produits pétroliers a connu huit (09) aménagements à la pompe dont six (06) à la hausse.
 
S’il est vrai que parfois la hausse du prix du baril a joué un rôle, ces aménagements successifs à la hausse opérés par le gouvernement ont été, en bonne partie, causés par l’introduction des nouvelles taxes et impôts et autres frais aux charges du contribuable. La modification successive de la structure des prix des produits pétroliers ne permet pas la réalisation de la vérité des prix. Même quand il y a baisse, elle ne profite pas aux consommateurs. C’est plutôt le gouvernement qui profite de la baisse du prix d’achat pour procéder à des réaménagements de la structure des prix des produits pétroliers. Le Gouvernement togolais a élargi son assiette fiscale en multipliant les lignes des impôts et taxes, introduisant de nouvelles et augmentant la valeur de celles existantes. Le 14 janvier 2011, le gouvernement joue sur la baisse du cours international des produits pétroliers pour faire introduire la TVA sur d’autres lignes d’impôt. Ainsi, les lignes Crédit d’Enlèvement, Fonds Routiers, Mécanisme Ajustement, Programme d’Urgence Social, PADSP, Marge des Détaillants connaissent à leur tour la TVA. Il apparaît pour la première fois dans la structure des prix des produits pétroliers des taxes comme : PGR d’urgence sociale, qui est 445,60f CFA/HL Sur le super, pétrole lampant et sur le Gaz oïl, soit 4,4560F/L. Le business pétrolier est devenu une vache laitière pour les politiques. Ce n’est pas par hasard que depuis l’avènement de Faure Gnassingbé au pouvoir, l’importation des produits pétroliers est retirée aux privés. C’est l’Etat qui importe, qui gère la structure des prix, fixe les taxes et décide du sort des consommateurs à la pompe. La fameuse vérité sur les prix est devenue une lumière noire qui éclaire le business, les populations s’embourbent, la minorité avance. A l’heure où nous mettions ces informations sous presse, le baril est à moins de 40 dollars sur le marché international, mais au Togo les produits pétroliers ont connu une hausse il y a seulement quelques semaines.
 
Toujours dans la veine des causes de la vie chère, nos recherches, à la lumière des travaux effectués par les spécialistes, révèlent aussi que l’évolution de l’indice des prix sur les périodes 1978–1993 et 1993-2010 est imputable à la dégradation du pouvoir d’achat de la monnaie et des revenus en tendance continue comme l’indiquent les faits suivants tirés des recherches d’experts de l’ONG Vision Solidaire:
– En 15 ans entre 1993 et 1978, le F Cfa a perdu 51,2% de sa valeur; 1000 F Cfa de 1993 ne valent que 488 F de 1978 car les prix ont augmenté de 104,2% sur cette période.
– En 7 ans entre 2000 et 1993, en deux fois moins de temps, le F Cfa aurait perdu autant et même plus; 1000 F de l’an 2000 n’équivaudraient que 476 de 1993 (en effet, sur cette période, les prix ont accru de 110% environ).
– De 2001 à 2003 en tenant compte des taux d’inflation de 3,9%, 3,1% et 1,8% (estimation) pour 2001, 2002 et 2003, les prix auraient augmenté de 9% soit (1,039) (1,031) (1,018). Si l’on considère 1993 comme année de référence sur la période 1993-2003, la hausse aurait été de 121% environ. Dans ces conditions, la perte du pouvoir d’achat liée à la dépréciation de la monnaie serait en dix ans de 548 F car 1000F de 1993 ne valent que 452 F en 2003 (1000F/2,21).
-De 2004 à juillet 2010, en tenant compte de l’évolution suivante des prix à la consommation, respectivement, 2,2%; 5,4%; 1,5%; 3,4%; 4%; 2% et 3% pour 2004, 2005, 2006, 2007 et janvier 2008, les prix se sont accrus en moyenne de 15,83% entre 2004 et juillet 2010 soient (1,022); (1,054); (1,034); (1,04); (1,02); (1,03)%. Ainsi, 1000F de 2004 ne valent que 822 F en juillet 2010.
– Entre 2000 et 2010, l’augmentation des prix serait d’environ 33%. Ce qui entraînerait une réduction du pouvoir d’achat de près de 24% car 1000 F de l’année 2000 ne valaient que 752 F en juillet 2010, soit une baisse du pouvoir d’achat de 25%.
– Par ailleurs, si l’on considère 1993, l’année avant la dévaluation du franc CFA comme année de référence, entre 1993 et 2010, la hausse cumulée des prix serait de 146%. Ce qui correspondrait à une dégradation de 594 F du pouvoir d’achat. 1000 F de juillet 2010 ne valant que 406 F de 1993.
 
De ce qui précède, la vie chère exprime une situation de hausse de prix des principaux produits de consommation alors que les revenus sont stables ou augmentent peu. Elle se manifeste donc par l’accroissement relativement important des dépenses de consommation du à l’augmentation des prix des produits de première nécessité. La cherté de la vie et la dégradation du pouvoir d’achat ont des implications négatives sur la vie des togolais. On comprend alors pourquoi, aujourd’hui, la plupart des togolais vivent dans la précarité. Ils sont non seulement des pauvres, mais aussi des exclus et des marginalisés qui ne peuvent satisfaire leurs besoins fondamentaux. De plus en plus, dans beaucoup de familles, les repas sont limités à un ou deux par jour. Avec la hausse du prix des produits pétroliers ainsi que des prix des transports qui s’en sont suivis, certains togolais ne peuvent non seulement manger à leur faim, mais aussi se déplacer.
 
Somme toute, avec l’accroissement du prix du carburant, de nombreux togolais sont obligés de réduire leurs dépenses de transport. Les travailleurs des banlieues lointaines dans les grandes villes principalement à Lomé, pour les déplacements de leur domicile vers les lieux de travail et vice versa, sont obligés de devenir des champions forcés de la marche. En conséquence, le secteur des transports, notamment le sous secteur des taxi-motos, qui était devenu une bouée de sauvetage pour les diplômés chômeurs et une roue de secours pour certains travailleurs, connait une baisse de demande. Appauvrir pour régner, la formule marche à merveille avec les peuples couchés. En attendant que les Togolais se réveillent de leur profond sommeil, rendons hommage à cette activiste afro américaine, Assata Shakur qui déclare que « Personne dans le monde, personne dans l’histoire, n’a jamais obtenu sa liberté en faisant appel au sens moral de l’oppresseur ».
Abi-Alfa Izutou
 
source : togonews
 

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