Au lieu de rendre efficaces les institutions en charge de la lutte contre la corruption et de créer celles prévues par la Constitution, Faure Gnassingbé veut s‘attacher les services de l’avocat camerounais Akéré Muna. Une façon de brouiller les pistes pour garantir l’impunité aux criminels économiques.   

Il se mélange les pédales. Faure Gnassingbé a eu, hier, un entretien avec l’ancien bâtonnier camerounais, Akere Muna, actuellement engagé auprès de la République démocratique du Congo (RDC) comme expert indépendant recruté par le PNUD sur les questions de lutte contre la corruption.

L’information a été publiée par le confrère 24heureinfo.com qui a rapporté que l’avocat camerounais aurait eu une audience chaleureuse avec Faure Gnassingbé. « Très impressionné par son insistance à lutter contre la corruption et à promouvoir la bonne gouvernance », a déclaré l’avocat avec qui le chef de l’Etat aurait exploré la lutte contre la corruption sur tous les plans, insistant même sur sa détermination à faire en sorte que la corruption ne rende pas inefficace la lutte contre la pandémie de la Covid-19.

A priori, c’est une initiative louable. En tant que chef de l’Etat, Faure Gnassingbé est en droit de chercher les solutions pour enrayer le phénomène de la corruption dans son pays. Avoir donc recours à des expertises extérieures, cela ne constitue pas une mauvaise chose. Mais des questions surviennent quand on sait qu’au Togo, ceux qui constituent les plus grands acteurs de la corruption sont à rechercher dans les sérails du pouvoir.

Cet appel à l’expert camerounais est d’autant plus étonnant que des institutions ont été mises en place dans le but de lutter contre la corruption dans le pays. La Cour des Comptes du Togo a été mise en place en juillet 2009, conformément à l’article 107 de la Constitution du 14 octobre 1992. Son organisation et son fonctionnement ont été réglementés par la loi organique n° 98-014 du 10 juillet 1998.

En dehors de cette cour, le Togo a instituée le 15 septembre 1972, l’Inspection Générale d’Etat (IGE), organe de contrôle administratif des finances publiques. Il a fallu attendre septembre 2019 pour voir le Conseil des ministres adopter un décret portant attribution, organisation et fonctionnement de l’Inspection générale d’Etat, placée sous l’autorité du président de la République. Le décret indique que cet organe est « investi d’une mission générale et permanente de contrôle, d’audit, d’enquête, d’évaluation et de promotion de la bonne gouvernance ».

Il y a également, dans le cadre de la lutte contre la corruption, la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) créée par la loi n° 2015-006 du 28 juillet 2015. Elle est opérationnelle et a adopté en février 2019, son plan stratégique quinquennal 2019-2023.

A ces institutions, on peut ajouter la Haute cour de justice prévue par les articles 126 à 129 de la Constitution. Elle est composée du président et des présidents de chambres de la Cour suprême et de quatre députés élus par l’Assemblée nationale. « La Haute Cour de Justice est la seule juridiction compétente pour connaître des infractions commises par le Président de la République et les anciens Présidents de la République. La responsabilité politique du Président de la République n’est engagée qu’en cas de haute trahison. La Haute cour de justice connaît des crimes et délits commis par les membres du Gouvernement et les membres de la Cour suprême », précisent les articles 126 et 127 de la loi fondamentale. La Haute Cour de justice n’est pas encore créée et rien ne montre que Faure Gnassingbé envisage sa création.

En réalité, la main tendue de Faure Gnassingbé à l’avocat camerounais démontre qu’il a l’intention, non pas d’enclencher une véritable lutte contre la corruption, mais seulement de brouiller les pistes. Sinon, à quoi cela sert-il de faire recours à une personne, aussi expert soit-elle, si les institutions requises par la Constitution ne sont pas créées et celles qui existent ne sont pas mises dans les conditions optimales d’accomplir leur mission ?

On peut aussi comprendre que le chef de l’Etat tente de décrédibiliser les institutions existantes qu’il a contribué à affaiblir. Dans tous les cas, ces actes montrent que Faure Gnassingbé est conscient qu’en mettant en place des institutions efficaces, il se met un couteau sur la gorge. Brouiller les pistes simplement pour se protéger et garantir l’impunité à ses collaborateurs reste l’alternative pour paraître.

source : G.A. / Liberté Togo

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