Réunis en « séance plénière unique » ce mercredi dans la matinée, les députés togolais ont analysé une demande du Procureur de la République tendant à auditionner l’ancien président de l’Assemblée nationale, Messan Agbéyomé Kodjo dans le cadre des enquêtes ouvertes sur la série d’incendies qui a frappé des marchés du pays entre le 10 et le 12 janvier 2013. Par soixante-huit (68) voix pour et quatre (4) abstentions, les parlementaires ont accordé leur OK à la justice afin de procéder à l’audition du président du parti politique dénommée Organisation pour bâtir dans l’union un Togo solidaire (OBUTS), a constaté l’Agence Afreepress.
La séance s’est déroulée dans une ambiance « surchauffée » ce qui a conduit les députés de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) à claquer la porte et à quitter les travaux protestant contre cette procédure qu’ils qualifient d’« incohérente ». Ceux-ci soutiennent que l’ancien président de l’Assemblée nationale avait été arrêté le 13 juin 2012 et auditionné par la gendarmerie sans qu’aucune procédure de levée de son immunité n’ait été enclenchée. Il n’est pas « raisonnable » de demander cette fois cette levée, ont-ils argumenté.
Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Me Tchalim Tchitchao, qui a pris part à cette séance extraordinaire de levée d’immunité a souligné la « nécessité » pour le gouvernement de permettre à la justice « d’auditionner M. Agbéyomé Kodjo » dans le cadre de l’affaire d’incendie des marchés de Kara et de Lomé pour que « justice soit rendue ». « Nous demandons de laisser libre cours à l’enquête sur laquelle, ni vous ici, ni moi n’avons un contrôle absolu et technique. Toute enquête, toute instruction en matière pénale est secrète, ceci pour préserver le principe sacro-saint de la présomption d’innocence de toutes les personnes que la justice souhaiterait entendre. Vous donnez la chance à la justice de mener l’enquête convenablement pour informer le pays de ce qui s’est passé de si grave et à partir de ce moment, permettre à la justice de travailler, mais aussi permettre à toute personne sur qui pourrait planer un petit soupçon de pouvoir s’expliquer », a indiqué aux parlementaires M. Tchalim qui a souligné au passage que le « droit à la présomption d’innocence du détenu va être respecté ».
Il est « hors de question », a fait savoir Amégnona Kossi, président du groupe parlementaire du Comité d’action pour le renouveau (CAR), groupe qui s’est abstenu de vote, de se « prononcer sur cette demande de levée de l’immunité lorsque les droits de cette personne ont été abondamment violés dans le passé ». « Un député a posé la question de savoir si Agbéyomé Kodjo n’a pas une fois été interpellé et amené à la gendarmerie sans qu’on n’ait demandé la levée de son immunité. Si aujourd’hui ils nous le demandent, nous nous posons la question de savoir pourquoi ? La situation que nous vivons actuellement est préoccupante pour nous tous, et les suspicions viennent de tous les côtés, on n’a pas seulement à regarder vers un seul côté, il faut regarder dans toutes les dierctions pour voir d’où peut venir justement tout ce que nous vivons ? Nous ne savons pas de quel côté viennent ces malheurs pour nos populations. Les réponses que nous souhaitons avoir nous ne les avons pas eues, c’est pourquoi nous nous sommes abstenus », a confié à la presse, Amégnona Kossi .
Si l’Union des forces de changement (UFC) a décidé de s’associer à cette démarche, a dit Nicodème Habia, c’est pour faire éclater toute la lumière sur la situation. « C’est la justice qui a demandé l’autorisation aux parlementaires afin d’auditionner M. Agbéyomé Kodjo. Nous nous battons dans ce pays pour l’État de droit et vous savez que nul n’est au-dessus de la loi. C’est cette raison qui a poussé l’UFC à voter pour cette demande », a laissé entendre le député de l’Avé.
Le vote, selon le président de l’Assemblée nationale Abass Bonfoh, a été effectué conformément à la loi organique n° 2007-07 du 19 juin 2007 déterminant le statut des anciens présidents de l’Assemblée nationale qui dispose qu’aucun ancien président de l’Assemblée ne peut être « poursuivi ou arrêté en raison de faits délictuels par lui commis qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale obtenue après une délibération spéciale votée à la majorité absolue des membres ».
Agbéyomé Kodjo ne siège plus au parlement comme député, mais l’homme bénéficie d’une immunité parlementaire en raison de sa qualité d’ancien président de l’Assemblée nationale de 1999 à 2000.
Gérard ADJA, le Premier Vice-président de l’OBUTS et Mme Nukafu, membre de l’ANC ont été interpellés par la justice dans le cadre de cette même affaire.
Olivier A.
afreepress