Objet : Violation et déni de mes droits
Monsieur le Président de la
Cour constitutionnelle du Togo
Lomé (Togo)
Lomé, le 07 Mars 2013
Monsieur le Président de la Cour constitutionnelle,
Il m’a paru séant de saisir [votre] haute juridiction, en charge entre autres, du respect de la constitution et des droits fondamentaux de tous les citoyens togolais.
La présente saisine a pour objet d’alerter [votre] haute juridiction sur une situation de grave déni de droits dont je suis victime.
En effet, ayant exercé d’éminentes fonctions dans notre pays le Togo, entre autres, celle de Président de l’Assemblée nationale ; cette fonction m’a conféré de facto aux termes de dispositions constitutionnelles, le statut de deuxième personnalité de l’État.
À ce titre, la loi N° 2007-013 du 19 juin 2007, formellement prévue au bénéfice de ceux ayant exercé une telle fonction, des droits et privilèges qui furent et sont manifestement bafoués et sur lesquels je voudrais par la présente attirer votre aimable et républicaine attention.
Il est constant que loi précitée, pris en les dispositions de son article 11 stipule (sic) « aucun ancien Président de l’Assemblée Nationale ne peut être poursuivi ou arrêté en raison des faits délictuels par lui commis qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale obtenue après une délibération spéciale votée à la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale ».
Subséquemment, nul ne saurait se prévaloir des dispositions énoncées à l’article 11 précité, pour faire suite à la une saisine de l’Assemblée Nationale par monsieur le Procureur Général près la Cour suprême en méconnaissance totale des dispositions additionnelles prévues à l’article 79 du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale qui fait expressément obligation à l’instance parlementaire de préalablement entendre le présumé mis en cause dont la levée de l’immunité parlementaire est demandée ou à défaut, d’entendre l’un de ses collègues qu’il aura désigné pour le représenter devant une Commission spéciale expressément créée par l’Assemblée nationale aux fins de statuer précisément sur la demande de levée de l’immunité parlementaire.
Ainsi, toute demande de levée de l’immunité parlementaire est instruite par ladite Commission spéciale, et la levée ne prospère qu’après l’audition du présumé mis en cause.
La Commission spéciale dont s’agit est composée de : – un membre du bureau de l’Assemblée nationale, président ou, à défaut, – un rapporteur de la commission des Droits de l’Homme ; le président ou, à défaut, un rapporteur de la commission des lois Constitutionnelles et de la législation de l’administration générale ; un représentant de chaque groupe parlementaire.
Or, en violation de toutes les règles prescrites dans le cas d’espèce, tant sur la forme que sur le fond, ce qui fut mis en œuvre à l’Assemblée nationale le 16 janvier 2013, paraît en tous points, à tout le moins ahurissant.
Songez monsieur le Président de la Cour constitutionnelle que les députés, furent convoqués en session prétendument ″extraordinaire″ le 16 janvier 2013, sans questions inscrites à l’ordre du jour, ni mention ni point d’un débat relatif à un vote tendant à la levée de l’immunité parlementaire d’un ancien Président de l’Assemblée nationale.
C’est en cours de séance qu’il fut de façon désinvolte et comminatoire indiqué aux députés présents, qu’ils vont devoir instamment se prononcer par vote, non pas à scrutin secret ainsi que le texte réglementaire de l’Assemblée nationale le prévoit, mais à main levée, sur une demande de levée de l’immunité parlementaire d’un ancien Président de l’Assemblée nationale, en complète violation des dispositions pertinentes de l’article 79 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
De surcroît, je ne fus pas réceptionnaire de la notification de la prétendue ″délibération″ portant prétendument levée de mon immunité parlementaire, avant que mon quartier ne fut investi par des éléments du Service de Renseignement et d’Investigation pour m’extraire manu militari de mon domicile, sans un mandat d’amener et sans un permis de perquisition.
Le bureau installé à mon domicile fut ainsi l’objet d’une perquisition illégale et le siège de ma formation politique légalement constituée et en activité au Togo, fut l’objet d’une identique perquisition illégale. Mon ordinateur, un écran plasma, et les fiches de dépouillements des résultats de l’élection présidentielle du 4 mars 2010 furent emportés sans le moindre fondement légal.
Déconcerté par de tels procédés, le 22 Janvier 2013, j’ai adressé une requête à monsieur le Procureur de la République aux fins de relever incidents de la levée irrégulière, irrecevable et illégale de mon immunité. Il a instruit que mon procès-verbal d’audition soit détruit avant de revenir sur sa décision quatre (4) jours plus tard.
Il y a lieu monsieur le Président, de vous faire observer qu’au cours de l’enquête préliminaire de gendarmerie, ni mon audition ni les confrontations n’ont mises à jour, la moindre preuve probante, ni aucun élément concordant établissant d’une quelconque manière, ni d’aucune sorte, mon implication à quelque degré ou niveau que ce soit dans le drame des incendies qui ont attristé notre pays.
En dépit de cette vacuité dans l’enquête préliminaire de gendarmerie, vacuité dûment constatée et formellement actée, je fus néanmoins inculpé sous le chef d’accusation de ″complicité″, et j’ignore à ce jour, avec qui ou de qui j’aurais été le complice dans l’incendie du Grand Marché de Lomé.
Je passerai quarante (40) jours de détention dans les locaux de la gendarmerie nationale, dans des conditions que par pudeur je ne souhaite pas décrire dans les présentes. Je fus libéré sous contrôle judiciaire le 25 Février 2013.
De tout ce que ci-avant exposé, permettez-moi, monsieur le Président de la Cour constitutionnelle d’attirer utilement votre attention sur le fait juridique relatif à la non déchéance de mon immunité parlementaire qui m’est acquise à ce jour et demeure non dépourvue de tous ses effets, droits et privilèges, dès lors que la prétendue levée de mon immunité parlementaire est intervenue dans des conditions de forme et de fond particulièrement, contestables, irrégulières, irrecevables et illégales, en violation de dispositions légales et réglementaires applicables en la matière.
Au surplus, à ces graves manquements qui entachèrent la procédure de la prétendue levée de mon immunité, s’adjoint le fait que je demeure à ce jour, sans aucune notification de la ″délibération″ ayant rendue possible ce qui ne sauraient être qualifiés autrement que mon enlèvement et ma séquestration par des éléments du SRI.
C’est pourquoi, je vous prie, monsieur le Président de la Cour constitutionnelle de bien vouloir prendre les dispositions que vous jugerez utiles et appropriées tendant à me faire rétablir dans tous mes droits et privilèges.
Je sais pouvoir compter sur votre rôle de sentinelle de la Constitution et des Lois de la République.
Vous souhaitant bonne réception de la présente et dans l’attente de la suite satisfactoire qu’il vous plaira de lui accorder, je vous prie de croire, monsieur le Président de la Cour constitutionnelle, à l’assurance de ma haute considération et à l’expression de mon dévouement républicain.
Agbéyomé KODJO
Ancien Premier Ministre
Ancien Président de l’Assemblée Nationale