Samedi devrait être l’apothéose d’un rite initiatique appelé Santem dans le canton de Koka à Niamtougou.

En raison de la pandémie en vigueur, il a été convenu que ceci se fasse de façon symbolique et dans le strict respect des gestes barrières.

Mais à la dernière minute, le chef de canton a d’autorité décrété l’annulation d’un tel événement alors même que les autres cantons dans la même préfecture ont déjà célébré cette fête sans que cela n’heurte la sensibilité de qui que ce soit. Voilà tout le nœud du problème.

Le chef de canton se sentant envahi par sa population, a fait appel à la force Covid qui a usé de la force brute pour étouffer la jeunesse ainsi révoltée. Cet usage de la violence aveugle a engendré mort d’hommes et des blessés graves.

Analysons ensemble les faits.

Primo, il faut retenir qu’en Afrique, les questions de moeurs, de cultures, de traditions… ont un poids déterminant dans le mode de vie de chaque peuple.

L’initiation est le canal par lequel, chaque jeune est inséré dans la sphère sociale, après qu’il eu acquis au cours de celle-ci, les principes et valeurs essentielles qui régissent la vie de la communauté.

En clair, tout jeune non initié apparaît aux yeux des siens comme un acculturé qui ne jouit d’aucune crédibilité et n’a point accès à certains endroits ou même à la parole lors de certaines rencontres.

C’est dire combien l’initiation est le vecteur qui donne du sens à la vie de chaque jeune et même de chaque communauté.

Du coup, interdire une telle pratique ancestrale qui met le peuple vivant en liaison avec le monde invisible regroupant à la fois, les ancêtres, les fétiches, les dieux…, c’est justement enlever à ce peuple, tout le sens de la vie.

Voilà comment les choses sont perçues dans nos milieux traditionnels qui ont un attachement quasi consubstantiel avec le monde invisible qu’il sert au travers d’une série de rituels.

L’on imagine alors très mal, un chef de canton, garant de ces us et coutumes, ignorer royalement la portée des telles pratiques.

Il est clair que si ce chef a pu prendre une telle décision d’annulation à la dernière minute, elle a dû lui être imposée par un cadre zélé du milieu qui, visiblement tenait à plaire au chef de l’État dont l’attachement à la riposte contre la pandémie dans notre pays est sans faille.

Du coup, le chef de canton n’ayant d’autre choix que d’obéir en vue d’être dans les bonnes grâces de ce ou ces cadres, a cru pouvoir faire passer l’amère pilule auprès de ces populations. Ce qui a naturellement mal tourné.

Secondo, reconnaissons quand-même que c’est curieux que malgré tout ce qui s’est dit et continue de se dire sur les bavures policières, celles-ci ont encore cours dans notre pays toutes les fois que les forces de l’ordre doivent intervenir à un endroit.

Il existe, me semble-t-il, des moyens simples et conventionnels de gérer des foules en colère. Le ministre de la sécurité, Yark Damhane, n’a jamais manqué d’occasion pour nous le rappeler.

A plus forte raison, un seul canton à Niamtougou regorge combien d’habitants pour que dans une seule intervention des forces de l’ordre, l’on dénombre des morts et des blessés graves?

A-t-on à faire à des amateurs ou à de vrais policiers et gendarmes effectivement formés pour ce genre d’exercice ? J’ai du mal à comprendre.

Dans tous les cas, il s’impose impérativement un vrai travail de fond sur la manière dont l’on gère cette pandémie dans notre pays.

Je pense très sincèrement qu’il y’a plus de fantasmes, de zèle et de jonglages que d’actions réelles et efficaces en ce qui concerne la gestion de cette pandémie.

Une maladie ne s’éradique pas par une incessante culture de la peur et de la psychose au sein de la masse sociale, tout comme on ne peut prétendre protéger un peuple contre une maladie en le tuant à tout moment.

Le travail doit se faire par une démarche pédagogique d’éveil de consciences sur les enjeux qu’il y’a autour de ce mal.

Ceci est d’autant plus vrai, qu’il s’agit bien ici, d’amener une communauté entière à renoncer à ce qu’il y’a de plus essentiel dans sa vie et qui lui donne justement un sens!

Des semaines plus tôt, les fameux cadres qui aiment bien tirer les ficelles dans l’ombre, auraient dû se donner ce devoir d’aller de canton en canton, pour avoir des échanges intelligents avec les chefs cantons, les leaders d’opinions, les responsables des différentes organisations du milieu, ainsi que les prêtres traditionnels de sorte qu’une position commune soit dégagée avant la date effective de l’événement.

Ceci n’ayant pas été fait, ce malentendu ne pouvait que survenir, malheureusement avec des vies qui se sont encore une fois envolées gratuitement ! C’est triste.

Luc Abaki

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