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Le continent africain, notamment la sous-région ouest africaine est sous le feu des projecteurs, avec des élections qui se tiennent un peu partout pour renouveler les dirigeants et des envies de pérennisation au pouvoir de certains chefs d’Etat. Des processus qui mettent une fois de plus en exergue les nègreries légendaires. Mais en ce moment de perdition, il est opportun de rappeler qu’il y a aussi de bons exemples de présidents responsables que le continent a connus et qui ont laissé des empreintes positives dans l’histoire. Et parmi eux, se trouve en bonne place Mathieu Kérékou au Bénin à l’école duquel devraient aller bien de dirigeants noirs dont Faure Essozimna Gnassingbé.Un continent mal en point…
 
L’Afrique est réputée un continent de tous les vices politiques et démocratiques. Elle se signale généralement en termes de guerres civiles, de conflits et crises politiques interminables, de famine, entre autres. Mais actuellement, ce sont les élections bancales et les manœuvres de pérennisation au pouvoir qui la caractérisent. De la Guinée au Congo Brazzaville en passant par la Côte d’Ivoire ou encore la République démocratique du Congo, le continent occupe la une de l’actualité politique de façon négative.
 
En Guinée, l’élection présidentielle du 11 octobre est restée en travers de la gorge des citoyens. Alpha Condé a réussi à se faire déclarer élu au premier tour, à travers une mascarade électorale marquée par une préparation bancale et des fraudes massives dénoncées par tous ses sept (07) adversaires. Connaissant la partialité légendaire des institutions dans son pays, Cellou Dallein Diallo, son principal adversaire crédité de 31 % des voix ne veut pas perdre du temps à introduire de recours à la Cour constitutionnelle. « (…) Nous avons perdu tout sens de l’honneur, de la probité, de l’étique. J’ai vu des gouverneurs, des ministres falsifier des PV. Notre pays est malade ! Notre société est malade », a-t-il fustigé le 17 octobre dernier.
 
La Guinée devrait se voir sous peu rejoindre par la Côte d’Ivoire d’un certain Alassane Ouattara qui prépare une autre élection bancale le dimanche 25 octobre prochain. En tout cas, le processus est contesté par ses adversaires politiques dont certains se sont même retirés de la course pour, disent-ils, ne pas cautionner la forfaiture.
 
Dénis Sassou Nguesso occupe suffisamment la une de l’actualité, avec le référendum prévu ce dimanche pour modifier la Constitution du Congo Brazzaville et ainsi s’offrir une 3e pige au pouvoir. Ce projet suscite des tensions dans le pays, mais il y tient, prêt à faire couler le sang de ses compatriotes s’il le faut. Son voisin de l’autre Congo, Joseph Kabila est aussi sous l’emprise de cette tentation collective de s’accrocher au pouvoir. Le Rwanda avec un Paul Kagamé insatiable et le Burundi de Pierre Nukurunziza complètent la liste. Mais il n’y a pas que de mauvais exemples donnés par le continent.
 
…mais un bon exemple nommé Mathieu Kérékou
 
L’ancien président béninois est décédé le 14 octobre dernier dans son pays à l’âge de 82 ans. Une semaine de deuil national a été décrétée par le gouvernement pour lui rendre hommage. Pour l’instant, il y a des divergences autour du lieu de ses obsèques. Au gouvernement qui souhaiterait les organiser à Cotonou pour les commodités des invités qui viendraient du monde entier, s’oppose sa famille qui tient à les tenir à Natitingou, chef-lieu du département dont il est originaire, au nom des rites traditionnels. Loin de ce débat, la meilleure façon de rendre hommage à l’homme dans ce continent marqué au noir ces derniers temps, c’est de relever la vertu démocratique dont il a fait preuve et qui devrait faire des émules.
 
Comme la plupart des dirigeants à l’époque parvenus au pouvoir après avoir assassiné ou simplement déchu les pères des indépendances, Kérékou est arrivé à la présidence par un coup d’Etat en 1972. Mais l’homme qui, aux premières heures de son règne, a opté pour le marxisme léninisme, a réussi à faire sa mue et devenir démocrate. Après la Conférence nationale du 19 au 28 février 1990 qui a été en quelque sorte le procès de sa gouvernance de la vingtaine d’années passées au pouvoir, il a accepté mettre en œuvre ses recommandations dont la suspension de la Constitution de 1977 et la rédaction d’une nouvelle Constitution, amorçant le changement du régime. Il perdra l’élection présidentielle de 1991 et fera preuve d’élégance en s’éclipsant au profit de Nicéphore Soglo. Ce qui n’était pas évident. Sous d’autres cieux, ses pairs n’ont même pas accepté l’organisation propre des élections jusqu’à vouloir s’éclipser. Cet acte l’a beaucoup ennobli et l’histoire retient son nom comme l’incarnation de la première transition politique réussie en Afrique noire. « Dans les livres d’histoire, le nom de Kérékou est devenu synonyme de la démocratie, l’homme ayant présidé à la première transition réussie, en Afrique, de la dictature militaro-marxiste à un régime présidentiel multipartite. D’une certaine façon, grâce à lui, le petit Bénin, enclavé entre l’immense Nigeria et le minuscule Togo, est devenu un pays modèle pour l’ensemble du continent (…) En effet, après sa défaite en 1991, l’ex-homme fort fera preuve d’une grande maturité politique en se gardant de toutes critiques à l’encontre de son successeur. Par conséquent, la population porta à son crédit le caractère pacifique de la transition, d’autant que son successeur Nicéphore Soglo s’était lancé dans une politique d’obstruction à la mise en place des institutions démocratiques prévues par la Conférence nationale. L’ex-dictateur profitera aussi de l’érosion du capital politique de Soglo pour revenir aux commandes en 1996 sans donner l’impression de vouloir réhabiliter l’autoritarisme de l’ancien régime (…) Légitimé par la volonté populaire, Mathieu Kérékou saura désormais se situer au-dessus des querelles partisanes, et se fera réélire à la présidence en 2001 pour un dernier mandat de cinq ans. Depuis la fin de son mandat électif, en 2006, il s’est toujours gardé de s’immiscer dans la gestion au quotidien du pays, même si les acteurs de la vie politique venaient régulièrement le consulter. Il ne s’est pas mêlé non plus de la polémique qui n’a cessé d’enfler au Bénin depuis 2013 autour de la révision de la Constitution du 11 décembre 1990 pour permettre à l’actuel chef de l’Etat Yayi Boni de postuler pour un troisième mandat », a écrit de lui le confrère rfi.fr
 
Il a juste fallu un seul quinquennat pour qu’il ne revienne aux affaires en 1996. Certains observateurs disent que ce sont les Béninois eux-mêmes qui l’ont rappelé, jugeant sa gestion bien meilleure à celle de Nicéphore Soglo. Après un premier mandat, il fut réélu en 2001. Beaucoup de ses pairs, le voisin de l’ouest notamment, Eyadema, avaient fait de la résistance à la fin de leur second et dernier mandat post avènement démocratique, en sautant le verrou de la limitation du mandat présidentiel. Mais Mathieu Kérékou, lui, s’est retiré en homme civilisé en 2006, pour laisser la place à un autre fils du pays prendre le relais. Un second fair-play qui l’a fait définitivement entrer au panthéon de la démocratie au Bénin et en Afrique. Une pareille élégance mérite simplement de faire des émules sur le continent.
 
S’inspirer de Mathieu Kérékou pour Faure Gnassingbé
 
L’annonce de la disparition de Mathieu Kérékou a déclenché une vague d’hommages sur le continent et dans le monde entier. Des dirigeants d’Afrique et autres personnalités de la planète ont tenu à l’honorer. Et parmi eux, Faure Gnassingbé aussi qui a adressé un message de condoléances à son homologue béninois Boni Yayi. Dans ce courrier, il « salue la mémoire de ce grand homme politique, artisan de la paix qui a marqué l’histoire de son pays et de la sous-région ». Ce n’est justement rien d’autre que son sens de la démocratie, de l’intérêt commun qui l’a rendu illustre.
 
On le relevait tantôt, l’homme n’a pas cherché à tenir les câbles lorsqu’en 1991, les Béninois ont décidé de confier les rênes du pays à Nicéphore Soglo. Il n’avait d’ailleurs pas verrouillé le processus électoral, bien qu’il en eût les moyens, afin d’empêcher l’alternance au pouvoir. Et après son retour en 1996 et au terme de son second et dernier mandat en 2006, il n’a nullement tenté d’en faire un 3e. Il n’a fait preuve d’aucun égoïsme et ne s’est pas dit qu’après lui, il n’y a plus personne pour diriger le pays. Il a organisé une élection clean où il n’y a pas eu d’achats de consciences, de votes multiples des corps habillés, d’urnes bourrées de bulletins votés à sa faveur, de Vsat saboté, de résultats rendus publics sans vérification, de voix dépassant au décompte le nombre d’inscrits… Il ne s’est nullement attaché les services du patron de la commission électorale pour se faire proclamer, pas plus que celui du conseil constitutionnel pour avaliser son élection. Que fait alors Faure Gnassingbé de toutes ces vertus ?
 
Tout comme ses semblables du continent assoiffés de pouvoir, le meilleur hommage qu’il puisse rendre à Mathieu Kérékou, c’est de s’inspirer de ses vertus politiques et marcher dans ses pas. Même s’il a déjà franchi le Rubicon le 25 avril dernier, il a encore l’opportunité de se reprendre…
 
Tino Kossi
 
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