Le régime RPT- UNIR rejoint en Mai 2010 par les Amis de Gilchrist Olympio ne cesse de créer des surprises au sein de la classe politique togolaise. Pendant que les principaux partis de l’opposition réclament un vrai dialogue inclusif et sincère pour plancher sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles avant d’aller aux élections, le pouvoir semble ne pas s’inscrire dans cette dynamique. Il poursuit comme un « varan » son chemin en créant des situations qui embarrassent l’opposition et mettent en doute la crédibilité du processus. Le dernier acte solitaire en date concerne les modifications le 20 Mars 2013 du Code électoral et de la Loi organique fixant le nombre de députés à l’assemblée nationale, les conditions d’éligibilité, le régime d’incompatibilités et les conditions dans lesquelles il est pourvu aux sièges vacants. Le gouvernement a fait adopter unilatéralement ces modifications par les députés alors que les ténors de l’opposition sont toujours dans l’expectative d’un dialogue sous l’égide d’un prélat et qui devrait impliquer certaines chancelleries occidentales. Preuve suffisante de la mauvaise foi d’un régime qui n’est pas prêt à créer les conditions d’une alternance.
Jusqu’à quand ce régime continuera-t-il à mépriser tous les acteurs ? S’interroge un observateur de la scène politique togolaise, dépassé par les modifications répétitives et non consensuelles des lois du pays.
Il n’est pas d’ailleurs le seul à pousser ce cri de cœur. A un autre de répliquer: « C’est parce que le régime veut s’éterniser au pouvoir qu’il a peur des réformes auxquelles il a souscrit en Août 2006 à travers l’Accord politique Global ».
Ces points de vue ne sont pas des constats isolés mais des avis partagés par beaucoup d’observateurs. En effet, ils sont nombreux ces Togolais qui se posent la question de savoir à quoi ont servi les recommandations de l’Accord politique togolais sinon au seul gouvernement d’union qui n’avait duré qu’un an et les législatives de 2007 qui ont suivi. Depuis lors, les réformes sont rangées dans les tiroirs. L’opposition incarnée depuis belles lurettes par l’Alliance nationale du changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre et les autres partis du Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC) puis la Coalition Arc-en-ciel ne parvient pas toujours à faire accepter les réformes nécessaires à l’assainissement du climat sociopolitique.
Les négociations en doute, les interventions de certains diplomates, les différents rounds au niveau du Cadre permanent du dialogue et de concertation (CPDC) ont tous échoué. Conséquence, on assiste à une impasse politique tendant vers l’infini.
Une dernière tentative de conciliation des différents acteurs de la vie politique togolaise sous l’initiative de l’Ambassade des Etats-Unis s’est révélée comme un échec dont la disparition a été plus rapide que l’apparition. Du coup, l’imbroglio perdure. On était là quand la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dont la composition est contestée par la plupart des partis de l’opposition a annoncé le démarrage d’un des maillons importants du processus électoral : il s’agit du recensement électoral. En signe d’apaisement, les partis politiques rassemblés au sein du Collectif sauvons le Togo (CST) et la Coalition Arc-en-ciel » ont appelé les populations à s’inscrire sur les listes électorales en attendant d’auditer le fichier électoral et lutter pour la recomposition de l’équipe de la CENI.
Ils continuent d’espérer du gouvernement la mise en place d’un cadre de dialogue inclusif, crédible et sincère. Coup de tonnerre, le gouvernement, comme il est de ses habitudes, a introduit des modifications de hautes portées à la loi électorale et à la loi organique fixant le nombre de députés devant siéger à l’hémicycle, ceci pour dire que le chien aboie, la caravane passe. Un véritable coup de force, selon certains responsables de l’opposition qui appellent d’ores et déjà la CEDEAO (Communauté des Etats de la l’Afrique de l’Ouest) à la rescousse pour violation de ses principes sur la démocratie qui interdisent des modifications unilatérales à moins de six mois des élections.
Ces modifications ont été adoptées par les députés de la majorité et de l’Union des forces de changement (UFC) comme une lettre à la poste. Le pouvoir poursuit un objectif, barrer la voie à la mise en place des institutions libres et indépendantes. Donc tous les moyens sont bons pour atteindre cet objectif, même les plus machiavéliques.
Une session extraordinaire pour modifier deux textes de lois.
La multiplication des sessions extraordinaires de l’Assemblée nationale depuis le début de l’année cache des intentions. En effet, elle s’est réunie pour la sixième session extraordinaire le mercredi dernier avec entre autres points à l’ordre du jour la modification du Code électoral et de la Loi organique fixant le nombre de députés à l’Assemblée nationale, les conditions d’éligibilité, le régime d’incompatibilités et les conditions dans lesquelles il est pourvu aux sièges vacants.
Ainsi la loi N° 2012-002 du 29 Mai 2012 portant Code électoral a vu huit (08) de ses articles modifiés. Il s’agit des articles 89, 99, 100, 101, 102, 103, 107 et 142. La nouvelle loi fait obligation de présence dans chaque bureau de vote à tous ses membres pendant la durée des opérations électorales, traite des procédures de dépouillement, énumère les cas de nullité des bulletins de vote, évoque les modalités de centralisation, de recensement et de transmission des procès-verbaux à la CENI, modifie les délais du contentieux des résultats des élections sénatoriales et législatives. Selon l’exposé des motifs, le gouvernement privilégie les méthodes classiques de transmission des résultats plutôt que de miser sur la technologie en faisant référence aux difficultés apparues dans les processus électoraux au Ghana et au Kenya. Mais tout ceci n’est qu’une fuite en avant. L’on ne peut se réfugier derrière les éventuels problèmes de la technologie pour éviter d’introduire ses canaux qui sont plus rapides et plus sécurisés dans la transmission des résultats.
D’ailleurs le fait d’évoquer prématurément ces probables dysfonctionnements n’est pas anodin. Les Togolais ont encore en mémoire le pseudo problème du système VSAT recommandé par les partenaires du Togo. Le Président de la CENI d’alors, Taffa Tabiou avait déclaré lors des présidentielles de Mars 2010 qu’il ne pouvait pas utiliser un système dont il n’avait pas la maîtrise du fonctionnement alors que certains experts ont affirmé que le système a fonctionné bien jusqu’au moment où le régime voyait que les résultats allaient en sa défaveur, il a ordonné l’arrêt de ce système de transmission des résultats.
C’en est suivi le folklore orchestré de mains de maîtres par les caciques du régime sur le site de la Foire Togo 2000 où les présidents de CELI, convoyés de l’intérieur avec avion et moyens de l’Etat, sont venus lire des résultats fabriqués de toutes pièces devant un parterre de journalistes.
L’autre texte modifié au cours de la même séance était la loi organique N° 2012-013 du 06 Juillet 2012 fixant le nombre de députés à l’Assemblée nationale, les conditions d’éligibilité, le régime des incompatibilités et les conditions dans lesquelles il est pourvu aux sièges vacants. Les modifications ont porté sur six articles : 2, 4, 5, 23 ; 24 et 28.
Entre autres modifications, on note le passage du nombre de députés de 83 à 91. La nouvelle disposition de cette loi organique fixe le mode de scrutin, détermine l’attribution des sièges selon le système de quotient électoral, définit ce quotient électoral et fixe par décret en conseil des ministres le nombre et l’étendue des circonscriptions électorales pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale.
Au titre de la déclaration de candidature, la nouvelle loi prévoit les conditions de déclaration de candidatures et réduit de moitié le montant du cautionnement pour les candidats de sexe féminin.
Des modifications qui laissent sur la soif
Les modifications apportées à la loi organique n’ont pas levé les équivoques sur la répartition des 91 sièges dans les circonscriptions électorales.
Beaucoup sont ces Togolais qui se sont empressés de voir si les modifications allaient donner une idée claire sur cette répartition. Ils sont obligés de retenir leur souffle en attendant les délibérations d’un conseil des ministres.
Des sources dignes de foi que nous avons contactées évoquent que le nombre de 50 députés est retenu pour l’ensemble des circonscriptions électorales situées dans les régions Maritime et des Plateaux (à raison de 25 pour chacune de deux régions) contre 41 pour celles situées dans les régions Centrale, Kara et des Savanes.
Reste que le Conseil des ministres confirme ou infirme cette information par le décret qui serait pris dans les tout prochains jours.
Dans les milieux proches du gouvernement, on annonce d’ores et déjà que la répartition des sièges s’effectuera sur la base des critères dits « rationnels, équitables et transparents ».
Ces sources gouvernementales soutiennent que le premier élément de la répartition du nombre de sièges repose sur la conservation des sièges précédemment affectés aux circonscriptions électorales telles qu’elles ont existé lors des élections législatives d’Octobre 2007. Les mêmes sources soutiennent que la répartition des sièges tiendra également compte du nombre d’habitants par circonscription électorale conformément aux résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat. Mais une chose est sûre, les critères que le gouvernement juge « objectifs, équitables et transparents » ne sauraient l’être du côté de l’opposition.
La vérité étant impersonnelle, le gouvernement aurait pu verser les modifications sus mentionnées dans un cadre de discussions avec l’opposition afin qu’elles se fassent de façon consensuelle. Avec le climat de suspicion et de méfiance qui est enraciné dans les milieux politiques, il y a de fortes chances que la répartition des sièges telles que nous l’a révélée la source et que nous avons mentionnée plus haut soit sujette à des contestations.
Le pouvoir RPT-UNIR rejoint par l’UFC ne pouvant offrir des cadeaux sur un plateau d’or à l’opposition, cela signifie en termes clairs que les dés sont déjà pipés, tous les calculs sont déjà achevés sur la portion congrue des sièges à « attribuer » à l’opposition.
Etant donné que ce régime cinquantenaire est une machine électorale à fraudes, le bon sens voudrait que des chances égales soient accordées à tous les candidats afin qu’ils puissent aborder l’électorat à temps.
Voilà que des verrous sont placés çà et là afin d’empêcher le bon déroulement du jeu politique. Pendant que les partis qui sont aux affaires utilisent les moyens de l’Etat pour se faire entendre dans les coins et recoins, ils mettent en œuvre des stratégies pour se maintenir au pouvoir à travers des textes taillés sur mesure.
De surcroît, la justice, par des manèges bien ficelés, est mise à contribution pour impliquer de plus en plus de leaders de l’opposition dans la fameuse affaire sans tête ni queue des incendies. Conséquences, certains d’entre eux sont interdits de quitter le territoire togolais et pire, d’autres comme Jean-Pierre Fabre et Abass Kaboua ne devraient même pas dépasser le périmètre de la capitale.
Qui veut noyer son chien l’accuse de rage. Si la finalité du régime est la conservation du pouvoir, inutile d’organiser des élections dont les résultats sont connus d’avance. Le jeu démocratique rime avec l’alternance et c’est en cela qu’il diffère de la dictature.
Jean-Baptiste ATTISSO
indépendant express