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Le 25 juillet prochain, les Togolais iront aux urnes pour élire 91 députés. Mais en attendant, il sied de revenir sur les stratégies de fraudes qui ont souvent mis en péril la vérité des urnes. Ici, nous tenterons d’approfondir et de compléter la liste publiée hier par notre confrère « Le Regard ».
 
1- L’achat de conscience consistant en la distribution massive de vivres et de gadgets, de matériels payés avec l’argent de l’Etat et présentés comme des cadeaux personnels du parti. Dans le cadre de ces élections, les candidats d’UNIR distribuent du riz griffé Faure Gnassingbé, de l’argent et autres gadgets. L’inauguration de certains édifices publics et les nombreux coups de pioche annonçant la réfection des routes participent de cette stratégie. Sont aussi mises à contribution l’ONG Aimes Afrique et la Fondation Général Gnassingbé Eyadema pour la santé et l’éducation financées par la Directrice générale des impôts et qui opèrent des patients contre leurs voix pour UNIR.
 
2- Retrait des cartes d’électeurs des corps habillés sur ordre des chefs de garnison et vote par anticipation des forces de sécurité et de défense. Cette information de retrait des cartes d’électeur des militaires par leurs chefs a été entre-temps évoquée par Kofi Yamgnane. En pleine campagne électorale, les rumeurs sur le retrait des cartes dans le camp de Niprouma au Nord du Togo font le buzz sur la toile.
 
Le vote par anticipation des forces de sécurité est aussi une bonne occasion pour les fraudes. « En plus de pouvoir voter régulièrement dans le bureau où ils étaient inscrits, les membres des forces de l’ordre étaient également autorisés à voter par anticipation, par dérogation et par procuration. Le vote par dérogation a ouvert la possibilité des votes multiples. En effet, lorsqu’il était fait usage de cette option, les nom des personnes ayant voté n’ont pas été retranchés des listes électorales de leurs bureaux de vote de rattachement. Les observateurs de la MOE UE ont noté que dans plus d’un tiers des bureaux de vote observés, les traces d’encre indélébile sur le doigt des votants n’étaient pas vérifiées. Sur les 50 bureaux de vote visités, les observateurs ont noté 4 132 votants ayant voté par dérogation et 628 procurations sur un total de 6 018 observés. La conduite des opérations électorales a été évaluée négativement dans plus de 15% des bureaux observés. Les problèmes ont été concentrés dans les régions des Savanes et de la Kara où les procédures encadrant le vote par dérogation et le vote par procuration n’ont pas toujours été respectées. A titre d’exemple, dans le bureau de vote 3-07-03-04-D (préfecture la Kozah), les électeurs ont, en grande majorité, voté par dérogation, tout en étant porteurs d’une procuration. Aucun des membres des forces armées togolaises votant par dérogation n’a présenté d’ordre de mission. Par ailleurs, la majorité des procurations étaient incomplètes puisque le nom du mandant et sa signature manquaient, de même que le numéro du bureau de vote du mandant et du mandataire. Sur 322 votants, 245 étaient porteurs de procuration », précise le Rapport de la Mission d’Observation de l’UE pour l’élection présidentielle de 2010. Chose curieuse, la plupart de ces hommes en tenue reviennent voter tranquillement le jour même du scrutin. C’est pourquoi dans certains bureaux de vote, le nombre de votants dépasse largement celui des inscrits. « Au Togo en 2010, tout membre des forces de sécurité ayant voté par dérogation le 1er mars, c’est-à-dire dans un bureau autre que son bureau de vote d’affectation, a pu librement, le 4 mars, voter une seconde fois dans son bureau de vote d’affectation. (…) Dans les bureaux de vote observés par la MOE UE, de nouvelles listes d’émargement ont été utilisées, effaçant ainsi toute trace de vote par les membres des forces de sécurité », poursuit le Rapport de la MOE UE. Vigilance donc à tous les niveaux.
 
3- Erections des bureaux de vote fictifs et donc sans localisation physique.
 
4- Maintien de mineurs et d’étrangers sur les listes électorales. Pour éviter la détection des irrégularités et maintenir les étrangers et mineurs recensés, les listes n’avaient pas été affichées dans les bureaux de vote où les électeurs se sont fait enrôler. Elles ont plutôt été affichées dans les CELI à un seul endroit difficilement identifiable et en milieu de semaine. Deux jours seulement ont été accordés pour consulter les listes de sorte que les citoyens ne puissent pas sacrifier leurs activités et payer leur déplacement pour aller les vérifier et signaler les irrégularités. Selon le Rapport 2010 de la MOE, « Dans 10% des bureaux de vote visités, les observateurs européens ont remarqué des cas de votants dont l’apparence indiquait manifestement qu’ils étaient mineurs ». Lisez cette histoire contenue dans une réflexion d’un huissier de justice que nous avons publiée le 11 juillet dernier (Liberté N°1492) : « A Bassar, courant 2007 également, un jeune homme est déposé à la prison civile de ladite ville pour avoir exercé son droit de cuissage sur une « mineure ». Pour sa défense, le jeune homme présente la carte d’électeur de sa copine pour prouver qu’elle était majeure. Mal lui en prit parce que c’était une façon de léser la majesté du Juge d’Instruction Komi Soumdina actuellement en poste à Lomé. Car c’était une façon d’accuser les magistrats parce que c’est eux qui président les CELI ; donc c’est eux qui font voter des mineurs dans leur pays. Comment peut-on comprendre qu’un juge puisse au nom de loi déclarer une personne majeure, et dire protéger la même personne avec le code des mineurs ? »
 
5- Erreur de numérotation permettant de donner l’impression d’avoir un nombre de bulletins qui se suivent, alors que des BV manquent sur les listes.
 
6- Ouverture des bureaux de vote avant l’heure légale dans certains bureaux de vote et retards organisés dans d’autres, jugées favorables aux adversaires du pouvoir.
 
7- Chasse aux délégués de l’opposition dans les bureaux de vote avant le décompte des voix
 
8- Utilisation de plusieurs procurations le jour du scrutin (Cf N°2).
 
9- Emargement à la place des électeurs fictifs. Les listes d’émargement sont carrément introuvables dans certains bureaux de vote. En 2007, la MOE UE a fait le constat suivant : « Les listes d’émargement des centres n’ont pu être fournies ou n’ont pas été utilisées dans les préfectures de Tchamba, de Sotouboua, de Kéran, de Moyen Mono et de Bassar (1 BV). En conséquence, tous les votes exprimés dans ces bureaux l’ont été sous la forme de la dérogation ».
 
10- Trucage des bureaux de vote (absence de scellés) pour donner lieu à invalidation dans certaines localités jugées hostiles au pouvoir.
 
11- Remise aux électeurs dans les zones réputées favorables à la coalition des bulletins pré-marqués devant le logo du parti au pouvoir.
 
12- Obtention sous pression et payement de signature avant le vote.
 
13- Présence de chefs de village dans les isoloirs pour influencer le choix des électeurs.
 
14- Enlèvement et destruction des urnes
 
15- Substitution d’urnes déjà bourrées. En 2010, les observateurs européens ont « relevé quelques cas ponctuels de bourrages d’urnes, ainsi qu’une centaine de bureaux de vote (sur la base des procès-verbaux de bureaux de vote observés dans les CELI le soir du vote) affichant des taux de participation de plus de 100% ».
 
16- Instauration d’un climat de peur et d’incertitude qui dissuade les populations de suivre le dépouillement.
 
17- Interdiction faite aux journalistes de diffuser simultanément les résultats affichés dans les bureaux de vote. Une pratique cachée derrière le fameux Code de bonne conduite élaboré par la HAAC dans le cadre de chaque compétition électorale.
 
18- Empêchement des Etats-majors de l’opposition de centraliser les résultats.
 
19- Perturbation des communications téléphoniques et de l’Internet lors de la transmission des résultats. A l’allure où vont les choses, il faut prévoir la coupure du courant électrique.
 
20- Arrestation et immobilisation des représentants et délégués de l’opposition à l’intérieur du pays.
 
21- Corruption des représentants de l’opposition dans les bureaux de vote. Le jour du scrutin, les représentants du pouvoir ont tout à leur disposition alors que ceux de l’opposition manquent du minimum. Et ce sont souvent les délégués du pouvoir qui leur donnent parfois à manger. Il arrive aussi que les représentants sortent carrément du bureau avant d’aller chercher quelque chose à mettre sous la dent. Le temps de revenir, les autres ont déjà introduit plusieurs bulletins prévotés dans l’urne. Ayant profité de ces largesses, ils ne sont plus exigeants lors du dépouillement et assistent au travestissement des résultats. En cas de résistance, quelques billets craquants ou la promesse de leur offrir une moto suffisent qu’ils se ravisent. Ils sont même prêts à signer les procès-verbaux préétablis accordant la victoire au candidat du pouvoir.
 
22- Complicité des délégués de l’Opposition dans les CELI dans le traficotage des résultats. Les représentants de l’opposition dans les Commissions électorales locales indépendantes (CELI) acceptent aussi de tronquer les résultats issus des urnes contre ceux issus du laboratoire de la fraude du pouvoir. On leur donne une partie de l’argent convenu dans un premier temps, quitte à prendre le reste après avoir contribué à l’échec des partis qui les a délégués. C’est ainsi que l’ex-UFC qui était en avance le 14 octobre 2007 dans plusieurs circonscriptions électorales, a fini par tout perdre pour se retrouver seulement avec 27 députés. Mais il arrive que cette promesse se révèle une promesse de Gascon. Et étant dans le faux, ils ne peuvent rien revendiquer. Voici ce qui s’est passé à Tandjouare lors de la présidentielle de 2010 : « A la veille de l’élection présidentielle de 2010, nous avions échangé avec les répondants du CAR et du PDR à la CELI respectivement LAMBONI Falaton et MIDY Makilaouyali. Ils avaient accepté donner des consignes à leurs répondants membres des BV à œuvrer en faveur de son Excellence Faure GNASSINGB2. Ceci avait été l’objet d’un mini-projet d’un montant de un million vingt mille francs cfa (1.020.000). Pour que chacun des deux membres de la CELI aient cent mille francs (100.000) chacun comme intéressement et les membres de BV à dix mille francs (10.000) chacun. Madame l’Honorable BAKALI Yobaté en sa qualité de coordonnatrice de la campagne avait salué l’initiative. Mais, le scrutin aussitôt passé et les résultats provisoires donnés, au lieu de remettre la somme pour les bénéficiaires, dit au préfet de gérer après, la situation ».
 
23- Caractère non indélébile de l’encre dans certaines localités. Cette semaine, des expériences effectuées à l’Université de Lomé ont révélé que l’encre qui sera utilisée le 25 juin, est indélébile. Mais on constate le jour du scrutin que l’encre perd son « indébilité » dans les localités acquises au pouvoir. En 2007 tout comme en 2010, la MOE UE a indiqué que l’encre indélébile était de qualité médiocre à certains endroits. C’est pourquoi les observations et suggestions faites par les représentants du CST à la CENI sont pertinentes : « Si on s’en tient à la présentation de l’expert de l’Université de Lomé, le test est concluant par rapport aux échantillons qui ont été prélevés et mis à la disposition du laboratoire. En termes de prélèvement d’échantillonnage, on peut discuter. Là n’est pas le problème parce que ce n’est pas l’expert qui a fait ces prélèvements. Ce qui est important et qu’il faut relever, c’est la problématique de traçabilité en termes d’utilisation de l’encre. Et d’aucuns, des membres de la CENI s’étonnaient mais c’est un véritable problème, le problème qui se pose dans l’utilisation des encres au Togo, c’est que, en cours de livraison des encres, toutes les probabilités sont réunies pour qu’on change l’encre. Et l’encre est changée en cours de route. Et nous ne sommes pas nouveaux dans le processus électoral. Il faut une fiche de traçabilité partant du principe du magasin de la CENI, des livreurs au niveau de la CENI, du chauffeur qui a convoyé avec celui qui était à la tête du convoi, de celui qui l’a réceptionné dans le bureau de vote, là où l’encre sera utilisé et que tout le monde soit quitte. Ainsi, au cas où il y a un problème, la traçabilité est là ».
 
24- Annulation des bulletins en faveur de l’opposition. Le « Yombo », cette teinture venue du Ghana tient son nom du fait que les premières teinturières criaient à la volée: « Yombo bê Gan », traduction: « il n’y a pas de vieilles femmes chez les Gan », entendez pas de cheveux blancs. Sachez que de petits malins délégués de bureaux de vote lors des élections au Togo se teintent les cheveux et lors des décomptes des bulletins font semblant de se gratter la tête, se l’étalent ainsi sur le pouce et le collent sur les bulletins. Résultat, le bulletin se retrouve avec deux voire des empreintes et est annulé. Une scène qui est récurrente dans les bureaux de vote favorables à l’opposition. L’autre stratégie consiste pour certains membres de BV à cacher la mine d’un stylo derrière l’oreille, et pour rendre nuls des bulletins favorables aux partis d’opposition, ils touchent la mine cachée avec leur index et apposent subtilement l’empreinte sur le bulletin. Conséquence, celui-ci est déclaré nul. Alors veillez !!
 
25- Centralisation des résultats. Beaucoup de magouilles sont à relever lors de la centralisation des résultats. « Du fait de l’engorgement produit par la sous-estimation des besoins organisationnels et par le réexamen de bulletins nuls dans plusieurs cas (notamment à Lomé Commune), des retards considérables ont été enregistrés dans les circonscriptions dotées d’un nombre important de bureaux de vote. La centralisation s’est ainsi étendue au mardi (16 octobre) dans les circonscriptions de Tône et des Lacs, au-delà dans celles de Golfe et de Lomé Commune. Pour réduire les temps d’attente devenus ingérables, les postes de réception et d’enregistrement des résultats ont été démultipliés mais selon une procédure improvisée ayant laissé » de l’espace pour la production de données erronées et au prix d’une érosion de la transparence du processus qui a été relevée par les équipes d’observateurs présentes », indique le Rapport de la MOE UE.
 
Voilà les quelques méthodes de fraudes qui doivent interpeller tout Togolais épris d’un scrutin crédible, transparent et paisible.
 
R. Kédjagni & Le Regard
 
Liberté Togo
 
 


Togo Election – Fraud and violence
 
Togo election in 2005.

 
 

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