Report du congrès de la dissolution du Rpt à la saint glinglin
Son annonce n’aura été qu’une fausse alerte. Le congrès du siècle, qui était censé voir dissoudre le Rassemblement du peuple togolais (Rpt) n’aura finalement pas lieu, comme prévu le 28 janvier prochain à Blitta. « Information confirmée mercredi par Solitoki Esso, le Secrétaire général du parti et par ailleurs ministre de la Fonction publique et des Réformes administratives », écrit laconiquement le portail web du pouvoir, republicoftogo. Le congrès est donc reporté, et c’est le contraire qui aurait étonné. C’est Faure Gnassingbé et son supporting club qui devront encore patienter avant de voir l’hydre Rpt disparaître et laisser place à leur parti « hohotsoin » (nouvel ancien). Il n’est décidément pas aisé de déraciner un baobab, comme on peut arracher un arbuste à tour de bras. Et visiblement, le « Leader nouveau » devra retourner à nouveau à Rome pour se recharger spirituellement avant cette épreuve.
Officiellement aucun justificatif n’est donné. Mais dans les coulisses des raisons sont avancées, et elles sont diverses. Il nous revient que le Bureau politique du parti, réuni à Kara en prélude à cet événement, a jugé le 28 janvier trop proche du 5 février, la date anniversaire du décès d’Eyadéma, le fondateur même du Rpt que son fils et ses anciens collaborateurs veulent dissoudre. Ces derniers tiendraient donc à rendre hommage au « Guide éclairé » et « Père de la Nation », et un report permettrait aux militants et sympathisants d’aller s’incliner sur sa tombe. Certaines sources parlent de mésentente sur la procédure à suivre. Les uns souhaiteraient la création du nouveau parti tout de suite après la dissolution de son ancêtre , les autres proposeraient un temps de latence. Certaines sources parlent de risques de troubles lors de ce congrès. Autre argument invoqué, le report donnerait du temps pour approfondir les discussions avec la base sur l’imminente dissolution du Rpt.
Tout compte fait, il faut l’avouer, cette initiative osée en somme, n’est pas sans faire couler de la bile au sein du parti suranné. Même si dans les rangs de ses dignitaires on ne fait pas assez de bruit, l’initiative ne fait tout de même pas sourire. On manque tout juste d’audace, parce qu’on a peur d’être la cible de représailles et de perdre ses privilèges. « Les peureux, ce ne sont pas seulement les Togolais anonymes qui refusent de se sacrifier et arracher leurs libertés ; il y en a aussi au Rpt, et pourtant ils ont toujours joué aux durs à cuire », glose justement un compatriote. Les indiscrétions expliquent l’arrestation et l’inculpation mécanique du Général Assani Tidjani dans l’affaire Kpatcha Gnassingbé par ses envies de s’opposer à cette dissolution.
Ce n’est donc pas étonnant que la base rouspète et qu’on veuille prendre assez de temps pour persuader les uns et les autres de la légitimité de cette dissolution. Mais c’est le premier argument qui semble léger et même ridicule. C’est drôle que ce soit seulement à trois (03) jours du congrès que l’on se rende compte que le 28 janvier est trop rapproché du 5 février et qu’on veuille le repousser pour rendre d’abord hommage à Eyadema. Quel est d’ailleurs le sens de tels hommages lorsqu’on s’apprête à dissoudre le parti cher à l’homme et qu’il a créé au prix de mille sacrifices ? « Cela revient à offrir une grande fête à un condamné à mort le jour de son anniversaire et à l’exécuter quelques heures plus tard. Tous ces messieurs y compris son propre Fils iront s’incliner, tout en blanc, le dimanche 5 février sur sa tombe, avec des mots du genre : « repose en paix ! », mais dissoudront le parti qui lui a permis de régner sans partage pendant 38 ans sur le Togo et qui a fait la fortune de tout ce beau monde ! Quel est ce genre d’amour ?…Son âme ne saurait reposer en paix. C’est une profanation de son esprit, et c’est cynique ! », réagit un leader politique.
Le congrès ne se tient plus ce 28 janvier comme prévu ; mais aucune autre date n’est pour l’instant annoncée, et il y a des craintes qu’il soit repoussé à la saint glinglin, au regard des contours de cette affaire. C’est une aventure à risque que veut mener Faure Gnassingbé, et lui-même le sait sans doute. Nous avions eu la bonne prémonition en présageant déjà dans notre parution de lundi que la fête (sic) n’aura pas lieu. « Faure Gnassingbé et le RPT : bientôt le clash? Les raisons de l’échec programmé du congrès du 28 janvier », titrions-nous, et de pressentir : « Ce congrès risque de faire un flop, pour plusieurs raisons ». Morceaux choisis de l’article : « La guerre des tranchées entre les jeunes caïmans, plus réceptifs au discours de dissolution du RPT ou du moins de la création d’une nouvelle formation de Faure Gnassingbé et les vieux loups, beaucoup plus conservateurs, pourrait ne pas avoir lieu à la date sus indiquée. La naissance de la nouvelle formation politique de Faure Gnassingbé pourrait être reportée sine die, et probablement pas avant longtemps. Et ce n’est qu’un euphémisme » ; « Une raison pour laquelle Faure avance frein en main, c’est qu’en créant une nouvelle formation politique, l’ « Esprit nouveau » risque de perdre le soutien des députés qui arborent les couleurs de l’ordre ancien, 50 au total, alors que les prochaines législatives ne sont prévues que fin 2012. L’Assemblée nationale, actuellement chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales, sauf en ce qui concerne quelques décisions, notamment les réformes politiques, deviendra alors très hostile à la politique du Prince. Et sans le soutien de la majorité parlementaire, il y a fort à parier que l’on assiste à une paralysie totale de l’appareil étatique, créant ainsi une situation d’impasse politique. L’unique exutoire de Faure Gnassingbé pour mettre fin à ce flou kafkaïen serait de dissoudre l’hémicycle et de provoquer des législatives anticipées ». « L’enjeu est de taille et le risque pour lui de se fourvoyer, très énorme. Autant dire qu’il n’aura pas le cran de dissoudre le parlement actuel et d’organiser des législatives anticipées ».
Nous l’avons également souligné, il y a aussi le risque qu’une éventuelle dissolution du Rpt affecte l’accord du 26 mai 2010 signé avec l’Union des forces de changement (Ufc), mieux, scelle le sort de la collaboration entre Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio. C’est le premier qui a beaucoup à y perdre quand on sait l’utilisation qui est faite de l’ « Opposant historique ». L’homme est devenu un faire-valoir de Faure et brandi à toutes les occasions, surtout devant les hôtes comme un objet de foire. C’était le cas lors de la visite à Lomé de la Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton. « Faure Gnassingbé, en se débarrassant du RPT, rendra du coup caduc cet accord. Il perdra ainsi non seulement Gilchrist Olympio, mais également les députés UFC, encore proches du vieux leader, lui-même en perte de vitesse. Il est donc peu probable que Faure Gnassingbé veuille prendre ce risque avant la fin de l’actuelle législature. Il pourrait tout au moins le faire à l’approche de sa fin, à moins d’avoir la garantie que l’ex-leader de l’opposition togolaise le suivra dans ses aventures, ou plutôt dans ses mésaventures politiques », écrivions-nous. Autant de raisons pour lesquelles des observateurs croient dur comme fer que « la probabilité de voir naître la nouvelle formation de Faure Gnassingbé le 28 prochain sur les cendres ou à côté du RPT est très infime, sinon absolument nulle ».
Tous ces contours ne font que montrer, au demeurant, qu’il n’est pas aussi aisé de faire disparaître en un tour de bras un parti vieux d’un demi siècle, qui plus est créé par Gnassingbé Eyadéma. Le nouveau parti de Faure Gnassingbé risque, dans ces conditions, de naître par césarienne. La création de ce nouveau parti sera d’ailleurs un non événement, quand on sait que ce sont les mêmes dignitaires, militants et sympathisants du Rpt que l’on cherche à fuir comme la peste, qui s’y retrouveront.
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