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En d’autres circonstances, on voudrait bien être à la place de Faure Gnassingbé ; mais sa situation est très peu enviable ces derniers jours, avec les condamnations tous azimuts de l’acharnement contre les leaders et membres du Collectif « Sauvons le Togo » dans le cadre des enquêtes (sic) sur les incendies des marchés de Kara et de Lomé. C’est ce qu’on appelle passer un sale temps. Comme une femme que son époux surprend en plein acte d’adultère et qui ne sait plus quoi dire pour se disculper, le pouvoir est aux abois et crie à l’ingérence dans les affaires intérieures.
 

Le PS revient à la charge

 
Les termes du communiqué du Parti Socialiste daté du mercredi 13 février étaient assez tranchés. Le parti de François Hollande a tenu à dénoncer « l’arbitraire » dans « la vague d’arrestations d’opposants politiques, essentiellement les personnalités du Collectif « Sauvons le Togo » » et demandé « leur libération immédiate ». On pouvait penser que le PS allait se rétracter avec le début de colère que le communiqué a engendré du côté de Lomé. Mais c’était compter sans la détermination de ce parti au pouvoir en France.
 
« Depuis un mois, il y a des arrestations de personnalités togolaises comme Gérard Adja ou Agbéyomé Kodjo ou encore Suzanne Kafui Nukafu Dogbevi. Ça nous pose un problème majeur. Nous ne voulons pas nous ingérer dans les affaires intérieures togolaises, mais en tant que parti politique ami du Togo, nous ne souhaitons pas que ce pays se retrouve dans une situation difficile du point de vue démocratique…Il me paraît difficile de penser que des opposants politiques ont mis le feu dans deux marchés pour faire valoir leur opposition à la politique gouvernementale, je suis plutôt sceptique », a assené à nouveau Jean-Christophe Cambadélis (photo), député de Paris et Secrétaire national à l’Europe et à l’international du Parti socialiste, cosignataire du communiqué. C’était le vendredi 15 février sur les ondes de Radio France international (Rfi). Il a même fait une petite leçon à Faure Gnassingbé : « On ne fait pas un dialogue censé être inclusif en arrêtant ses opposants ».
 

Mélenchon crucifie le Prince

 
Faure Gnassingbé n’était pas au bout de ses peines. A travers un communiqué, le Front de Gauche dirigé par Jean-Louis Mélanchon « dénonce les arrestations arbitraires dont sont victimes une trentaine de démocrates togolais », « demande la libération immédiate des dirigeants et militants politiques emprisonnés au Togo et exprime son soutien aux partis politiques togolais regroupés au sein du Front Républicain pour l’Alternance et le Changement ainsi qu’à la société civile regroupée au sein du Collectif « Sauvons » le Togo et de la Coalition Arc-en -ciel, afin que les élections législatives transparentes, justes, honnêtes et crédibles puissent être organisées, si cela est encore possible, dans des conditions acceptables par le peuple togolais ».
 
Ce parti est allé loin jusqu’à exhumer le passé puant de Faure Gnassingbé et lui rappeler les circonstances de son avènement au pouvoir en 2005, la touche constitutionnelle de Charles Debbasch, les 50 ans de dynastie Gnassingbé, les manœuvres entreprises pour la consolidation en mars 2010 de son régime. Un régime « caractérisé par la récurrence de sa répression, l’impunité, la corruption et le refus de toute alternance politique, un régime condamné en 2012 par l’ONU pour les actes de torture perpétrés par l’Agence Nationale de Renseignements togolaise » qui, un régime qui, « délibérément, préfère laisser brûler deux des principaux marchés du pays afin d’accuser et de criminaliser les dirigeants d’une opposition politique unie qui fait front ». Le Parti de Gauche voit même des compromissions entre Lomé et François Hollande, et demande instamment à ce dernier d’intervenir « auprès des autorités togolaises afin que les démocrates emprisonnés soient libérés rapidement et qu’il mette fin aux compromissions de son gouvernement avec le régime en place, en particulier en cessant les fournitures de matériel militaire et de maintien de l’ordre à un régime qui s’en sert pour réprimer et tuer le peuple ».
 
Il faut craindre même que cette condamnation ne soit pas la dernière à provenir des partis politiques français. Il ne serait pas étonnant que le Parti communiste rentre dans la danse, lorsqu’on connaît la sympathie de cette formation politique à l’opposition togolaise dans son ensemble et au Collectif « Sauvons le Togo » en particulier, et surtout à la cause défendue.
 

Colère noire à Lomé

 
L’Union pour la République (Unir) de Faure Gnassingbé n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué aux termes tranchés, daté du 15 février et signé de son 1er Vice-président Georges Aïdam, le parti reproche au PS de « s’immiscer dans des affaires judiciaires en cours d’instruction au Togo », « un parti pris aveugle ». L’Unir reproche également au Parti Socialiste de méconnaitre les éléments de l’enquête (sic), constitués de quelques bouteilles cassées, des fils, d’un bidon, en plus d’une préparation mystique. S’agissant du dialogue, le parti de Faure Gnassingbé impute l’échec des différentes tentatives à « l’opposition dite radicale », et convie le PS « à procéder à une lecture plus objective des difficultés rencontrées par le dialogue politique au Togo ».
 
Le Procureur de la République a aussi cru devoir répondre au Parti Socialiste français, à travers une mise au point publiée vendredi. Prouvant inconsciemment à la communauté internationale qu’au Togo, la Justice est une aile marchante du pouvoir. Essolissam Poyodi dit regretter que des « personnalités étrangères de rangs si élevés s’immiscent dans le fonctionnement de la justice de façon aussi scandaleuse dans le but d’influencer le cours de la procédure », sur la base d’« informations erronées ». Il parle d’une certaine légalité de la procédure, fondée, entre autres, sur de prétendues visites des organisations de défense des droits de l’Homme comme Amnesty International et le Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (Hcdh) aux prévenus.
 
Tout ce branle-bas n’est que symptomatique du dépit du pouvoir Faure Gnassingbé. On s’y attendait d’ailleurs à la publication du communiqué du PS, car le pouvoir en place abhorre la VERITE et déteste être contrarié. Le régime en place est simplement aux abois. Un dépit légitime (sic), car c’est tout le montage fait pour neutraliser le Collectif « Sauvons le Togo », ses leaders et casser la mobilisation populaire, qui s’écroule comme un château de cartes. Ce plan machiavélique a eu un effet boomerang, et c’est la vraie nature du régime Faure Gnassingbé qui se révèle à la face du monde. Pour nombre d’observateurs, les sorties somme toute osées des deux formations politiques françaises sont bien liées aux conclusions des recherches des deux experts en feu dépêchés au chevet du Togo ; et le fait de ces partis fassent intelligemment le lien avec les élections législatives en vue n’est que la confirmation de la découverte du dessein caché derrière cette affaire d’incendie et des enquêtes : coincer les contestataires du pouvoir qui se retrouvent au sein du Collectif « Sauvons le Togo », organiser des élections législatives biaisées et les empêcher d’y participer. Ainsi Faure Gnassingbé se tracera un boulevard pour s’offrir une majorité à la prochaine Assemblée nationale, et un troisième mandat en 2015.
 
Tino Kossi
 
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