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La nouvelle loi ressemble assez bien à un tour de passe-passe entre amis. Grâce à elle, l’UFC peut être au gouvernement et jouir encore des privilèges réservés aux partis d’opposition. Avec cette loi, c’est le ciel de la démocratie qui s’assombrit dans notre pays. Autant la composition de la commission électorale et de ses démembrements que le fonctionnement des différentes institutions de la république se retrouvent pris en otage par le couple signataire de l’accord historique du 26 mai 2010. Un coup fourré à la démocratie et à l’intérêt général. C’est bien malheureux que M. Olympio s’associe à des manœuvres de ce genre.
 
De la nouvelle loi
 
L’avant-projet de loi portant statut de l’opposition a été examiné et adopté au Conseil des ministres du 23 mai dernier. Le texte adopté par le gouvernement qui doit être validé par l’Assemblée Nationale propose une définition de l’opposition, décrit les conditions de constitution du statut d’opposition de même qu’il dévoile les droits, devoirs des opposants sans oublier les obligations de la majorité à leur égard.
 
Selon cet avant-projet, « on entend par opposition politique un ou plusieurs partis ou regroupements de partis politiques légalement constitués distincts de la majorité parlementaire et ayant fait une déclaration d’appartenance à cet effet ». De cette définition proposée par l’avant-projet, il faut retenir deux éléments essentiels : la distinction opposition-majorité parlementaire et la déclaration d’appartenance à l’opposition. Si cela va de soi que quiconque veut avoir le statut d’opposant ne saurait se confondre à la majorité parlementaire, il est bien nouveau et sensible que la loi fasse obligation aux opposants de déclarer administrativement leur « opposition ». Le texte exige que les concernés adressent à cet effet un courrier au ministre de l’Administration Territoriale pour lui annoncer leur choix de se constituer en opposition ; le ministre se charge dès lors de faire publier cette déclaration au Journal Officiel.
 
En outre, l’avant-projet dresse le tableau des droits et devoirs de l’opposition, souligne les obligations auxquelles est astreinte l’administration publique vis-à-vis des groupes d’opposition. Il fait également obligation au président de la république d’organiser une rencontre annuelle entre les responsables de partis politiques, toutes obédiences confondues, et lui. Cette rencontre sera un cadre d’échanges sur les sujets d’intérêt national.
 
Mieux, l’article 4 de l’avant-projet propose la substance de la loi. Il met en relief la possibilité d’être au gouvernement et d’appartenir au même moment à l’opposition. On peut lire dans cet article que « tout parti politique appartenant à l’opposition peut accepter de participer au gouvernement et de partager la responsabilité de celui-ci », puis « dans ce cas, il conserve la qualité de parti politique d’opposition » et une exception « sauf déclaration contraire qui doit être adressée au ministre chargé de l’Administration Territoriale ». L’avant-projet prévoit et protège même les situations de transhumance où un militant ou responsable de parti d’opposition déclaré quitte ce camp pour prendre des postes au gouvernement. Il indique que « tout individu appartenant à un parti ou regroupement de partis politiques de l’opposition peut à titre individuel accepté de participer au gouvernement ».
 

Taillé sur mesure

 
L’avant-projet qui sera voté sans aucun doute par l’Assemblée Nationale a la particularité de présenter le visage indiscutable d’une loi taillée sur mesure. Il n’y a en effet aucun risque à soutenir aujourd’hui que cet avant-projet de loi portant statut de l’opposition est écrit dans l’unique but de contenter Gilchrist Olympio et l’UFC.
 
Il souvient sûrement à tous les Togolais que l’une des batailles qui a fait rage au sein de la classe politique récemment a été celle de la commission électorale. En vue de maintenir leur contrôle sur l’appareil d’Etat chargé de faire faire les élections, le couple UFC-UNIR a lu avec des lunettes martiennes les textes afférant à la répartition des cinq sièges réservés à l’opposition dans la commission électorale nationale. Bien que l’UFC fasse partie du gouvernement, on lui a encore fait prendre les sièges qui revenaient de droit au CAR et à l’ANC.
 
Situation condamnable décriée en son temps par le CAR au cours d’une conférence de presse. Dans la déclaration liminaire de cette conférence, le parti de Me Apevon faisait remarquer que la désignation des représentants de l’UFC au nombre des sièges réservés à l’opposition est une violation flagrante de l’Accord politique global du 20 août 2006 qui stipule dans son annexe I que « la CENI est composée de façon paritaire entre la mouvance présidentielle les partis d’opposition et la société civile ». Mieux, la déclaration liminaire du CAR faisait observer que « un projet de loi portant statut de l’opposition discuté et adopté en commission à l’Assemblée Nationale stipule que « est considéré comme parti de l’opposition tout parti ou coalition de partis politiques n’appartenant pas à la majorité parlementaire ou ne soutenant pas l’action du gouvernement ».
C’est l’article 2 de ce projet qui définissait ainsi le parti d’opposition. Dans le nouvel avant-projet, cet article a été modifié et il est devenu « on entend par opposition politique un ou plusieurs partis ou regroupements de partis politiques légalement constitués distincts de la majorité parlementaire et ayant fait une déclaration d’appartenance à cet effet ». La différence, on la remarque, et l’article 4 sus-cité du nouvel avant-projet a pris soin d’achever la complaisance.
Forfaiture politique
 
Pourquoi n’a-t-on pu jamais voter le projet de loi discuté et adopté en commission à l’Assemblée Nationale en 2012 ? Pourquoi a-t-on eu besoin d’une nouvelle loi? Ces Questions indiquent clairement le sens réel du nouvel avant-projet. L’objectif est de régulariser la situation de l’UFC vis-à-vis de la CENI. Cela veut dire que Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio savaient très bien que l’attribution à l’UFC de 3 sièges au nom de l’opposition est injuste et illégale. Pourtant, ils l’ont fait, bien que sachant qu’on ne peut pas s’opposer à un pouvoir dont on est l’allié. C’est de la forfaiture politique innommable et infecte. C’est bien malheureux que M. Olympio s’associe à des manœuvres de ce genre.
 
La forfaiture est bruyante encore davantage parce que avec le vote très prochainement de cette loi, le pouvoir UFC-UNIR va entériner l’injustice faite aux véritables partis d’opposition aujourd’hui, l’ANC et le CAR. Pis, une fois que le couple UFC-UNIR a légalisé sa forfaiture, il ne fera que poursuivre sa tâche. C’est ainsi que le contrôle de la CENI va rester tel et que surtout le couple va faire ce qu’il veut des législatives en préparation. N’est-ce pas que si ledit couple ne lâche pas du lest dans la constitution de la CENI, il ne va pas trouver d’inconvénient à composer à sa guise les commissions électorales locales indépendantes (CELI) ? De même, au-delà de ce contrôle, il y a le grand enjeu du verrouillage des institutions de la république.
 
Tout le monde sait que pour espérer exercer un contrôle efficace sur la gouvernance d’un pays, il est important que l’opposition puisse avoir des marges de manœuvres évidentes. En choisissant de caporaliser les sphères où la possibilité peut être garantie pour que l’opposition puisse jouer sa partition, le couple UFC/UNIR ouvre un boulevard pour un fonctionnement complaisant et sur mesure des institutions de la république. Au finish, il faut dire que l’initiative d’un nouvel avant-projet portant statut de l’opposition, en lieu et place du projet discuté et adopté en commission à l’Assemblée Nationale en 2012, est le signe d’un recul malheureux dans la dynamique de la démocratie totale dans le pays. On ne peut pas prétendre faire la démocratie en initiant des lois particulières taillées sur mesure et visiblement pour favoriser certains acteurs. Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio portent ainsi la responsabilité devant l’histoire d’avoir, par cette initiative, tiré la démocratie togolaise une fois encore vers le bas.
Au demeurant, la Communauté internationale qui dit s’engager pour la promotion de la démocratie va-t-elle laisser passer cette nouvelle forfaiture du pouvoir?
 
Nima Zara
 
Le Correcteur N° 437
 

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