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Des contradictions de l’ « esprit nouveau »

Journée particulière lundi au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il y eut un débat de haut niveau sur les enjeux de la lutte contre le terrorisme en Afrique. Fidèle à ses habitudes de ne pas se faire conter les grands événements, Faure Gnassingbé était de la partie, et de façon active. Il a délivré un discours de spécialiste du terrorisme à la tribune. Docteur Faure Gnassingbé a mis les voiles pour se porter promptement au chevet du continent et du monde pour la résolution de la giga-problématique du terrorisme que les puissances militaires et économiques les plus en vue n’arrivent pas à juguler. Et pourtant la maison Togo se consume à ses pieds, dans son indifférence totale.

Erudit en terrorisme et médecin traitant

On le savait doté d’une capacité extraordinaire de simulation, mais pas spécialiste en terrorisme. Le discours délivré ce lundi était celui d’un érudit en la matière. Et ce talent, Faure Gnassingbé l’a si bien caché à ses gouvernés chéris (sic) depuis huit (08) ans. Définition du terrorisme, exemples de pays en proie au fléau, approches de solutions, l’homme a tenu en haleine son auditoire. C’est un plaidoyer qu’il a fait au nom du continent pour la maitrise du terrorisme.

Il serait fastidieux de revenir sur tout son speech ; mais des pans entiers, surtout au niveau des pistes de solutions résonnent encore dans nos mémoires. Mieux, nous avons tiqué devant certaines approches avancées pour juguler ce fléau mondial, des alternatives qui, malheureusement, ne sont pas réalisées par l’orateur dans son pays. Morceaux choisis : « Il est indispensable de combiner les questions de sécurité avec celles du développement et de la promotion des droits de l’Homme. Il s’avère aussi nécessaire de travailler en amont du terrorisme sur des programmes de développement, d’éducation et de santé. Ce n’est qu’en assurant le bien-être des citoyens, des populations, en particulier les plus pauvres et les plus faibles, que ces dernières seront moins réceptives aux idéologies extrémistes et de violence» ; « La communauté internationale doit développer une stratégie mondiale, en concertation avec les pays concernés, concrétisée par une pluralité d’initiatives de nature politique, diplomatique, socio-économique et sécuritaire, et s’inscrivant dans le long terme. Il conviendra d’aider notamment à une meilleure gouvernance, impliquant une justice effective, la volonté de lancer des mandats d’arrêt contre les responsables d’exactions, une meilleure redistribution des richesses ; à lutter contre le chômage des jeunes. Nous sommes tous conscients que le chômage de longue durée des jeunes est une bombe à retardement ».

Le Togo au bord de l’implosion

La solidarité est une des valeurs africaines et elle veut que l’on porte assistance à son frère en situation. Le Togo n’est pas encore le Mali, le Nigeria et autres qui souffrent des affres du terrorisme, mais il se doit de voler au secours de ces pays frères et amis qui en sont victimes. Mais la sagesse voudrait que l’on s’occupe d’abord de soi avant d’aider son prochain. C’est malheureusement le contraire avec l’« esprit nouveau ». Il est dans la situation du pompier qui voit un début de court-circuit ou carrément d’incendie dans sa demeure personnelle où vivent sa femme et ses enfants, mais saute du lit, arrache avec fracas son extincteur de chambre et vole au secours du voisin dont la maison s’est embrasée.

C’est un euphémisme que de dire que le Togo est au bord de l’implosion. Tous les secteurs sont en ébullition. Point n’est besoin de parler amplement du secteur politique qui bouillonne depuis plus d’un an, avec la conduite cavalière par le pouvoir et à coup de forcings du processus électoral, en violation de l’esprit de l’Accord politique global (Apg) et des recommandations des partenaires. Une démarche qui dénote de la volonté du régime en place de verrouiller les prochaines élections législatives. Et l’atmosphère s’est alourdie depuis janvier 2013 avec l’affaire des incendies dont Faure Gnassingbé veut profiter pour neutraliser ses opposants. Aujourd’hui même s’il continue les préparatifs de façon bancale, le processus est dans l’impasse, le partenaire européen ayant aussi décidé de ne pas mettre la main à la poche et de se mettre à l’écart.

C’est le feu sur le plan social aussi. Avec les grèves des travailleurs et leurs lots de conséquences dont les tueries de jeunes élèves à Dapaong. Même si présentement il y a accalmie, elle n’est que précaire, car les discussions entre la Synergie des travailleurs du Togo (Stt) et le gouvernement ne vont pas au rythme souhaité, et la bonne foi n’anime pas tout le monde. Ca menace de débrayer à nouveau, ce qui risque encore de pousser à nouveau les élèves dans la rue. Déjà les enseignants du confessionnel entrent en grève dès aujourd’hui jusqu’à vendredi. Les étudiants ne sont pas du reste. Les jours à venir pourraient les voir aussi durcir le ton.
La tension a même gagné la population et on assiste à l’effet de contagion. Après Dapaong qu’on dit acquise à l’Union pour la République et à Faure Gnassingbé le 15 avril dernier où les populations sont sorties pour venger la mort du jeune Anselme Sinandaré, c’est Niamtougou qui est entrée dans la danse samedi dernier en réaction à l’arrestation d’un (simple) enseignant à cause du passage du très aimé (sic) Faure Gnassingbé, en saccageant le commissariat et en s’en prenant à tout ce qui pouvait représenter le pouvoir. Et cela se passait seulement quelques jours après que le Prince est allé distribuer dans la région houes, dabas et autres instruments agricoles rudimentaires.
Ce sont donc tous les secteurs qui sont en ébullition. Et une telle situation est assez dangereuse et nécessitait toute l’attention requise. Mais Docteur Faure Gnassingbé a préféré se porter au chevet des Etats victimes de terrorisme. Avec lui, on dirait que la charité bien ordonnée commence par les autres.

De l’application des recettes évoquées et de la nécessité d’une redéfinition du terrorisme

Le Togo n’est sans doute pas encore sous l’emprise du terrorisme, comme le Mali, le Nigeria et autres pays du continent, mais ce ne serait pas éternel. Pour se prémunir contre ce fléau difficilement maitrisable, il urge pour les Etats épargnés d’agir sur les secteurs et problématiques évoqués par Faure Gnassingbé. Mais l’orateur lui-même a-t-il joint l’acte à la parole dans son pays ? Pas du tout. La situation des droits de l’Homme est loin d’être rose. La meilleure gouvernance, la justice effective, la répartition équitable des richesses avancées comme alternatives au terrorisme sont des vœux pieux au Togo. Lui-même reconnaît que seule une minorité de gens accaparent les richesses du Togo, laissant la grande partie du peuple dans la misère ; mais il est impuissant à agir pour rétablir l’équité. Le bien-être des citoyens, en particulier les plus pauvres, les besoins des personnels de l’éducation et de la santé sont le cadet de ses soucis. La problématique de la lutte contre le chômage, ou plutôt de l’emploi des jeunes est une entreprise folklorique et politicienne au Togo, avec le Programme de volontariat national (Provonat).

Selon le petit Larousse, le terrorisme c’est l’ensemble d’actes de violences (attentats, prises d’otages etc) commis par une organisation pour créer un climat d’insécurité, exercer un chantage sur un gouvernement ou satisfaire une haine à l’égard d’une communauté, d’un pays, d’un système. Sont ainsi fichés terroristes les adeptes de groupes religieux comme Al Qaïda, racistes et autres qui usent souvent de bombes, attaquent des infrastructures. Mais une telle définition semble caduque. Un régime et son incarnation qui n’appliquent pas les recettes données à la tribune des Nations Unies par le Prince, qui tue cette opération pour permettre au fils du père de monter au trône est-il moins terroriste que les Talibans ? N’est-ce pas du terrorisme, le fait pour un pouvoir de mettre le feu aux marchés pour en porter le chapeau à ses opposants et pouvoir les neutraliser ? Il urge au demeurant, au vu de l’évolution du monde, de réactualiser la définition du terrorisme.
Tino Kossi

Liberté Togo

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