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La junte nigérienne soupçonnée d’avoir soutenu les putschistes du Bénin

La junte nigérienne soupçonnée d’avoir soutenu les putschistes du Bénin

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Selon plusieurs sources béninoises et nigériennes, les militaires au pouvoir à Niamey auraient été avertis en amont de la tentative de coup d’Etat du 7 décembre. 

Près d’une semaine après la tentative de coup d’Etat qui a plongé Cotonou dans la confusion, les enquêteurs béninois s’interrogent sur le rôle joué par les militaires au pouvoir au Niger – et plus largement, par l’Alliance des Etats du Sahel (AES) – dans ce putsch raté. Selon plusieurs sources béninoises et nigériennes, la junte du général Abdourahamane Tiani aurait été avertie en amont de la tentative de coup d’Etat du 7 décembre au Bénin, voire se serait coordonnée avec les mutins emmenés par le lieutenant-colonel Pascal Tigri.

Pour les militaires nigériens, comme pour leurs alliés burkinabés et maliens, l’arrivée au pouvoir d’officiers partenaires à Cotonou aurait été un joli coup double, permettant d’étendre la sphère d’influence de l’AES, tout en leur offrant, avec le port de Cotonou, le débouché maritime qui leur manque. En outre, il aurait mis sur la touche un de leurs adversaires : Patrice Talon, proche d’Emmanuel Macron et allié de la France dans la région.

Après le renversement du président nigérien Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, le dirigeant béninois avait été un actif partisan d’une intervention militaire ouest-africaine pour déloger les putschistes nigériens. L’opération avait été finalement abandonnée, mais les relations entre le Bénin et le Niger n’ont cessé, depuis, de se détériorer. Les deux pays ont fermé leur frontière commune, par laquelle passaient de nombreuses marchandises en direction ou en provenance du port de Cotonou. Le général Abdourahamane Tiani, soutenu comme l’ensemble de l’AES par la Russie, a également accusé le Bénin d’être impliqué dans des complots visant à le déstabiliser.

Samedi 6 décembre, quelques heures avant que les mutins n’attaquent différents sites stratégiques dans la capitale économique béninoise, l’armée nigérienne avait commencé à dégager l’accès au pont reliant les villes frontalières de Gaya, au Niger, et Malanville, au Bénin, bloqué depuis plus de deux ans. « Les conteneurs qui avaient été disposés par les Nigériens pour barrer le pont et les camions massés de leur côté ont été déplacés », affirme une source béninoise originaire de cette zone frontalière. Selon elle, des véhicules militaires nigériens, dont des blindés, ont aussi été envoyés sur place en renfort.

Toujours d’après ces mêmes sources, si le putsch avait fonctionné le 7 décembre, le plan était de procéder dès que possible à une réouverture symbolique de la frontière, marquant la réconciliation entre les deux pays. Un acte attendu par beaucoup de Béninois et de Nigériens, usés par plus de deux ans d’un blocage qui pèse sur les économies locales. Dimanche matin, à l’annonce d’un coup d’Etat en cours à Cotonou, des scènes de liesse ont d’ailleurs éclaté à Malanville et Gaya.

Parmi les marchandises qui auraient pu rapidement traverser la frontière figurent les 1 000 tonnes de yellow cake (concentré d’uranium) produites par le géant du nucléaire français Orano dans son ancienne mine nigérienne d’Arlit, dont plusieurs sources étatiques françaises ont assuré début novembre au Monde qu’elles avaient été acquises au prix de 170 millions de dollars (quelque 145 millions d’euros) par

le conglomérat nucléaire russe Rosatom et devaient être prochainement convoyées en Russie via le port de Lomé, au Togo.

Mandat d’arrêt international contre Kemi Seba

Le 27 novembre, un convoi d’une trentaine de camions transportant ces 1 000 tonnes de yellow cake a quitté la mine d’Arlit. Il est arrivé le 3 décembre à Niamey, où il est, depuis, en attente sur la base aérienne de l’armée jouxtant l’aéroport. « Si le coup d’Etat avait fonctionné, ils auraient envoyé ce convoi jusqu’au port de Cotonou », assure une source nigérienne proche du dossier. Une solution plus courte et surtout plus sûre que la route jusqu’à Lomé, qui traverse des zones sous contrôle des groupes djihadistes dans le nord et l’est du Burkina Faso.

Par ailleurs, plusieurs sources béninoises estiment que les mutins, qui avaient enlevé deux hauts gradés loyaux au président Patrice Talon dimanche dans leurs résidences à Cotonou, prévoyaient d’emmener leurs otages avec eux dans leur fuite vers le Niger. Les deux hommes ont finalement été libérés lundi 8 décembre à l’aube, à Tchaourou, dans le centre du Bénin.

Le rôle joué par Kemi Seba, militant béninois opposé à Patice Talon et partisan de l’AES, nommé « conseiller spécial » par le général Tiani en août 2024, intéresse également les enquêteurs. Dimanche matin, à peine les mutins avaient-ils démarré leurs opérations qu’il avait publié une vidéo saluant le coup d’Etat en cours. « Le camp de Talon n’a pas repris le contrôle », avait-il affirmé par la suite, alors que les putschistes étaient en train de reculer. La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) a depuis émis un mandat d’arrêt international contre lui.

Le meneur de putschistes en fuite

« Nous n’accusons personne, mais nous ne sommes pas dupes. Nous ne serions pas surpris qu’il y ait des mains étrangères impliquées dans cette tentative de putsch. Nous attendons les conclusions des enquêtes actuellement menées par nos services », a réagi Wilfried Léandre Houngbédji, secrétaire général adjoint et porte-parole du gouvernement béninois. Ces investigations sont notamment menées par la direction des services de liaison et de documentation, les services de renseignement nationaux.

D’après les autorités béninoises, quelque 100 à 200 militaires ont participé à la tentative de coup d’Etat du 7 décembre. Au moins 13 d’entre eux ont été arrêtés mais une bonne partie, dont leurs meneurs, est toujours recherchée. Leur chef, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, ancien commandant du groupement des forces spéciales, est aussi parvenu à quitter le pays.

« Il a traversé la frontière pour aller au Togo. Nous pensons qu’il est désormais au Burkina Faso », confie un haut gradé béninois, sous le couvert de l’anonymat. Pascal Tigri, âgé d’une cinquantaine d’années, en partie formée en Chine, est décrit par certains de ses pairs comme un admirateur du capitaine Ibrahim Traoré, le chef de la junte burkinabée. Le 7 décembre et dans les jours qui ont suivi, plusieurs comptes basés au Burkina Faso ont diffusé de fausses informations sur les réseaux sociaux pour soutenir les mutins béninois et accréditer la thèse d’un changement de pouvoir à Cotonou.

Par Benjamin Roger (Cotonou, envoyé spécial) 

Publié le 12 décembre 2025

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