Le juge Akakpovi Gamatho, président de la Cour suprême et du Conseil Supérieur de la Magistrature | Archives
Le juge Akakpovi Gamatho, président de la Cour suprême et du Conseil Supérieur de la Magistrature


« Est-il indépendant, le juge qui agrée, après le règlement d’un litige foncier, un ou des lots de terrain octroyés par la partie gagnante ? », dixit Akakpovi Gamatho. Après la parution du dernier numéro du journal « La Nouvelle », parution dans laquelle nous demandions la nécessité d’annuler certaines décisions pour préserver la paix sociale, le président de la Cour suprême, Akakpovi Gamatho a porté plainte contre le journal. Rendez-vous est donc pris pour le mercredi 05 septembre 2018 devant la Chambre correctionnelle du Tribunal de Première Instance de Lomé. Mais avant, il urge de se demander pourquoi l’homme n’a pas osé aussi s’attaquer au confrère par lequel l’affaire a été publiquement dévoilée.
Erratum. Avant tout, le journal « La Nouvelle » tient à rectifier une omission constatée dans sa dernière parution. Page 4, paragraphe 7 de l’article « Justice togolaise et préservation de l’ordre public : De la nécessité d’annuler certaines décisions pour préserver la paix sociale ». Nous avions écrit : « Le même scenario aurait pu se produire si à Agoè, il n’avait pas été mis en évidence que le président de la Cour suprême, Patrick Akakpovi Gamatho –le même qui a tranché à Davié- était juge et partie dans le litige. Nous avions omis « PAS le même qui a tranché à Davié ». Puisqu’il est notoirement connu, et nous en avions la preuve, qu’il n’a pas pris part à ce jugement-là. Mais dans le cas à Agoè comme à Davié, la justice togolaise se doit de rapporter ces décisions si tant est qu’elle tient à préserver la paix sociale dans le pays tant voulu par Faure Essozimna Gnassingbé, chef de l’Etat.
La plainte formulée par Monsieur Gamatho Patrice Akakpovi, magistrat, domicilié à Lomé, quartier Agoènyivé contre le Directeur de Publication du journal est ainsi libellée : « – Avoir, dans sa parution N°0034 du 15 juillet au 15 août 2018 (page 4), le journal « La Nouvelle », diffusé et publié des informations contraires à la réalité dans le but manifeste de manipuler les consciences notamment en faisant croire que Monsieur Gamatho Patrice Akakpovi, à l’époque des faits racontés par le journal, aurait en sa qualité de conseiller à la Cour suprême, tranché deux litiges fonciers en faveur d’une des parties au procès en recevant en récompense dix lots de terrain ». « – Avoir dans la même parution, offensé Monsieur Gamatho Patrice Akakpovi, président de la Cour suprême du Togo, et à ce titre, membre d’une institution constitutionnelle, en portant atteinte à son honneur, à sa dignité et à sa considération et à celle de l’institution judiciaire, troisième pouvoir dont il est le représentant, notamment en portant contre lui des accusations de corruption et en interpellant l’institution judiciaire et le Président de la République togolaise en ces termes : « La justice togolaise et le garant de son indépendance, Faure Essozimna Gnassingbé sont-ils injustes au point d’abandonner plus d’une centaine d’acquéreurs de bonne foi à la boulimie du président de la Cour suprême Patrick Akakpovi Gamatho ? » »
Hormis cette omission de notre part et que nous regrettons sincèrement, le journal « La Nouvelle » maintient tout ce qu’il a dit au sujet de l’affaire des 26 ha à Agoè dans laquelle Akakpovi Gamatho a reçu en contrepartie 10 lots de terrain. Curieusement, « La Nouvelle » n’est pas le seul journal à avoir relayé cette affaire. Mais bizarrement, c’est à elle que le président du CSM semble s’attaquer. Qu’il en soit ainsi. Mais alors, la justice qui devra trancher cette affaire, devra aussi interroger l’autre juge, Philippe Gamatho, 6ème Substitut, fils du président du CSM.
En effet, un autre journal s’est déjà posé la question sur l’intrusion du 6è Substitut dans ce dossier. « Et le juge Phillipe Gamatho entra dans la danse. En quoi le juge Philippe Gamatho est-il concerné pour qu’il fasse pression pour la relaxe pure et simple des prévenus ? Nous avons appris qu’il a cherché à influencer le commissaire en charge de l’enquête, alors qu’il est 6ème substitut et que le dossier est entre les mains du 4ème. Nous avons aussi appris que le commissaire n’est pas parvenu à remettre les résultats de son enquête à qui de droit. Sinon, on comprend difficilement comment la justice togolaise s’est arrangée pour remettre en liberté les prévenus que les preuves accablent. Quand nous avons cherché plus loin, le nom de son père, Akapkovi Gamatho, est apparu. Nous avons alors compris que le fils cherchait à protéger le père. Mais comment ? Suivez plutôt !
Dans l’arrêt N°23 du 16 juin 2005 rendu par la Chambre judiciaire de la Cour suprême, la Cour avait « dit que le jugement N°1088/97 du 19 décembre 1997 emporte ses pleins et entiers effets… ». Parmi les membres ayant siégé, se trouvait un certain…Akakpovi Gamatho, rapporteur et membre de ladite cour lors de cette audience. Et ce n’est pas fini. Un rapport de reddition de compte contenu dans le jugement N°037/2009 du 9 janvier 2009 s’était basé sur le jugement N°1088 du 19 décembre 1997 du Tribunal de Lomé, et l’arrêt N°23 du 16 juin 2005 dans lequel Akakpovi Gamatho était membre et rapporteur, pour attribuer 10 lots à…Akakpovi Gamatho ! On comprend alors pourquoi on retrouve le nom du fils du président de la Cour suprême dans cette affaire ».
Or, les prévenus en faveur desquels le fils du père est intervenu auprès du 4ème Substitut –lequel a d’ailleurs été prestement dessaisi de l’affaire et muté sur Kpalimé- sont accusés d’avoir « falsifié le tampon et la signature du géomètre Yao Amegee sur le plan d’expertise et remplacé Kamassa Bidibi par Boby ». Et Philippe Gamatho aussi n’a jamais été inquiété par le CSM. A croire qu’il suffit de s’appeler par ce nom pour que la justice togolaise vous donne l’absolution. Deux poids deux mesures, dites-vous ?
Il est de notoriété qu’au CSM, la plupart des soupçons de corruption mettant en cause les magistrats sont confiés à l’Inspection générale. Akakpovi Gamatho est d’abord magistrat avant d’être président. Mais aussi curieux que cela puisse paraître, le CSM et ses membres sont demeurés silencieux sur cette affaire et n’osent pas diligenter une enquête, comme ce fut le cas pour d’autres magistrats ayant occupé ce poste avant l’actuel plaignant. Il devra surtout expliquer ce que son nom cherche dans le jugement de partage N°037/2003 du 9 janvier 2009. Et de façon non superflue, les juges Wottor Kokou, Bakaï Robert et Mivassé Kpodar aussi devront être entendus pour expliquer ce que veut dire la présence du nom de Gamatho Akakpovi dans ce jugement qu’ils ont rendu.
Le droit de réponse est aussi une porte laissée à tout citoyen pour rectifier une erreur qu’aurait commise un organe de presse à son encontre. Mais encore faut-il que ce soit effectivement une erreur. Le mercredi 05 septembre 2018 pourrait être un tournant dans le fonctionnement de la justice togolaise qui n’a que trop souffert de l’ombre écrasante de certains magistrats qui se croient intouchables alors qu’eux-mêmes trainent des casseroles au même titre que leurs collègues. On a vu comment, pour des peccadilles, le CSM est monté sur ses ergots contre des juges. Et pourquoi il n’en serait pas de même pour tous les magistrats au Togo ? « Est-il indépendant, le juge qui agrée, après le règlement d’un litige foncier, un ou des lots de terrain octroyés par la partie gagnante ? », s’est demandé Akakpovi Gamatho dans la parution de juin du mensuel « Reflets du Palais ». A chaque juge de se regarder dans le miroir et d’y répondre.
Alex KOFFIKAN/La Nouvelle N°0035 du 15 Août au 15 Septembre 2018
 

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