Ce vendredi 29 mai 2020, est célébrée la journée internationale des casques bleus, ces civils, policiers et militaires engagés dans les missions des Nations Unies. A l’occasion de la célébration de cette année, deux soldats togolais seront honorés pour leur exemplarité. Au-delà d’une simple décoration, cette exemplarité primée par les Nations Unies ramène au goût du jour le contraste saisissant entre les attitudes du corps habillé togolais au Togo et à l’étranger, sa double face en fait.
Rendre hommage au personnel civil, policier et militaire pour sa contribution inestimable au travail de l’ONU, tel est l’intérêt de la Journée internationale des Casques bleus de l’ONU. C’est aussi l’occasion d’honorer la mémoire de plus de 3 900 Casques bleus qui ont perdu la vie en servant sous le drapeau des Nations Unies depuis 1948, dont 102 hommes et femmes en 2019. « Les femmes dans le maintien de la paix : une clef pour la paix», tel est le thème de l’édition 2020. Cette année justement, les casques bleus doivent faire face à la pandémie de la Covid-19 et protéger les populations civiles dans les pays où ils sont déployés.
Comme à chaque édition, le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guteress va honorer la mémoire des casques bleus tombés au cours de leur mission avec un dépôt de gerbe de fleur, mais également décerner à titre posthume des médailles Dag Hammerskjöldà ceux ayant perdu la vie au cours de l’année 2019. Cette décoration sert à saluer leur exemplarité. Et parmi eux, à en croire republicoftogo, deux (02) militaires togolais : « le caporal Agounwadje S. Kossi, qui servait dans la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), et M. Elom Komi Akpalou, qui travaillait comme personnel civil au sein de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) ».
Le Togo serait le 16e pays contributeur de troupes et de personnel de police aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Ils seraient plus de 1 442 soldats et policiers actuellement déployés dans les missions de l’ONU en République centrafricaine, en République démocratique du Congo, au Mali, au Sahara occidental et au Soudan du Sud. Exemplarité, voilà ce qui est salué des services rendus par ces soldats togolais décédés en 2019, de même que leurs prédécesseurs morts. Le commun des citoyens ne peut qu’être surpris que cette vertu soit collée au corps habillé à l’extérieur togolais et même primée. D’autant plus que c’est une image contraire qu’il a laissée dans la mémoire collective.
Tous les témoignages concordent sur l’attitude des soldats togolais engagés dans les missions onusiennes. Il nous revient en effet qu’ils font toujours preuve de professionnalisme, font leur boulot sans écarts de comportement, dans le respect strict de leur mandat et de la dignité humaine. Ils sont cités parmi les références en termes de comportement, et rarement dans les scandales (souvent sexuels) qui éclaboussent des casques bleus dans certaines missions. Si seulement ils pouvaient faire preuve de la même vertu au pays aussi !
En effet le militaire togolais, dans la mémoire collective, a l’image d’une brute. Et ce cliché vient de ses actes vis-à-vis des civils au pays. Alors qu’il travaille avec professionnalisme et dans le respect des droits et de la dignité humains à l’extérieur dans les missions de l’ONU, au Togo il charrie arbitraire, violence, mort…La manifestation actuelle, ce sont les exactions de la force anti-pandémie sur les populations civiles lors du couvre-feu, au nom de la riposte contre le coronavirus.
Alors qu’ils ont pour mission de juste veiller au respect du couvre-feu, ces soldats n’hésitent pas à violenter les citoyens, et mortellement. Aucune explication possible ne les convainc. Au meilleur des cas, les victimes s’en sortent avec des blessures, tout ensanglantées. Même les dénonciations et rappels à l’ordre du ministre de la Sécurité et de la Protection civile ne découragent pas les soldats dans leurs besognes. La barbarie n’épargne même pas les personnes âgées. On a encore en image cette vieille dame violentée à Dévikinmé pour être sortie durant le couvre-feu pour aller aux toilettes.
Le plus grave, ces soldats ôtent des vies pour un rien du tout. Ils sont quatre (04) compatriotes en tout à avoir été tués, dans le cadre du couvre-feu qui se veut pourtant juste sanitaire. Le premier à l’être à Avédji-Limousine a été frappé jusqu’à ce que ses testicules n’éclatent. Et quand il a plu au Général Yark Damehame d’en parler, c’est pour tordre le cou à la vérité en prétextant une certaine crise d’épilepsie comme cause du décès. Dodji Koutwati a été battu à Adakpamé jusqu’à ce que mort s’en suive. Comment oublier dans ce lot des récentes victimes de la barbarie militaire au Togo le jeune laveur de véhicule abattu la semaine dernière à Avédji-Sun City par un soldat ?
Ce ne sont que les victimes d’actualité. Récemment lors de la crise politique de 2017, ils étaient au moins une trentaine de concitoyens à être tués. Et parmi eux, des enfants innocents abattus. Que dire du sort d’Anselme Sinandaré et de Douti Sinanlengue ? Des jeunes élèves qui réclamaient simplement leur droit de se faire scolariser, ont été exécutés. Violences de 2005, un bon millier de gens avaient été tués. D’aucuns préfèrent parler de massacre d’autant plus qu’en face, c’étaient juste des citoyens aux mains nues.
Le parcours démocratique mouvementé du Togo est pavoisé de tueries des populations civiles par les corps habillés. Et, le plus cocasse, on tord le cou à la vérité pour les dédouaner. Un tir à bout portant sur un citoyen peu devenir un tir en l’air qui atterrit sur la poitrine. Jamais de l’histoire, les corps habillés auteurs de bavures et de mort des citoyens civils n’ont eu tort aux yeux des gouvernants. Même pour les tueries de 2005, l’armée a nié toute responsabilité, avec l’intrusion des officiers dans la salle lors des auditions menées par Mgr Nicodème Barrigah, alors à la tête de la Commission Vérité-Justice-Réconciliation. Comme dans un conte de fées.
Pour tous ces actes, les corps habillés ne sont jamais poursuivis. C’est l’impunité totale et ils n’hésitent pas à récidiver. C’est l’attitude du soldat togolais envers le civil qui est à l’origine des relations tumultueuses entre les deux forces vives. Ce comportement crée logiquement un gouffre entre le civil et le militaire et rend quasiment impossible la réconciliation nationale que décrètent les gouvernants à chaque discours. Darder donc une exemplarité du soldat togolais, aux yeux du citoyen civil, c’est comme raconter n’importe quoi. Et pourtant c’est la triste réalité. Exemplaire à l’extérieur dans les missions onusiennes, le soldat togolais se révèle un bourreau pour ses concitoyens civils au pays. Ce sont là ses deux visages, et cela n’est pas près de changer…
Tino Kossi / Liberté Togo