Le jeudi 12 novembre dernier, l’annonce de la mort de l’ancien président du Ghana, Jerry John Rawlings, à l’âge de 73 ans, a fait l’effet d’une bombe. Peu de dirigeants, même parmi les plus colorés d’Afrique, ont pu égalé l’extraordinaire carrière de Jerry John Rawlings : deux fois meneur de coup d’État militaire et deux fois élu à la présidence du Ghana. Respecté par ses homologues et adulé par la jeune génération, cet ancien parachutiste a marqué l’histoire politique du Ghana et en dehors.

« Un homme simple », «L’homme du peuple », « Un grand homme d’Etat », sa mort est « une grande perte pour le Ghana »… Les hommages d’anonymes se multiplient depuis l’annonce de la mort du président Jerry John Rawlings et témoignent de sa popularité.

Né le 22 juin 1947 dans la capitale ghanéenne, Accra d’un père écossais et d’une mère ghanéenne Ewe (une ethnie partagée entre le Togo et le Ghana), Jerry Rawlings entre dans l’armée de l’air et obtient son diplôme en 1969. Une décennie plus tard, il mène son premier coup d’État.

Du push à la démocratie…

En effet, Jerry Rawlings débarque sur la scène politique alors que son pays est exsangue. Les coups d’Etat se succèdent depuis celui qui a renversé le père de l’indépendance, Kwame Nkrumah, en 1966. En 1979, le jeune pilote de l’armée de l’air est jugé avec d’autres compagnons d’armes pour tentative de coup d’Etat. Il est condamné à mort et son procès en public, lui offre une tribune inespérée où il évoque, entre autres, cette sensation de faim que la plupart des Ghanéens connaissent à l’époque quand il est appelé à se défendre.

Avant qu’il ne puisse être exécuté, un autre groupe d’officiers subalternes de l’armée ghanéenne, dirigé par le major Boakye-Djan, renverse le gouvernement militaire de l’époque du lieutenant général Fred Akuffo lors d’un coup d’Etat sanglant le 4 juin 1979. Le major Boakye-Djan et ses hommes ont également libéré Rawlings et l’ont installé à la tête du nouveau gouvernement, le Conseil des forces armées révolutionnaires (AFRC).

L’AFRC a donc organisé des élections et a remis le pouvoir au Dr. Hilla Limann. Mais deux ans plus tard, Jerry Rawlings décide de reprendre les choses en main et dépose le président Limann. Il estime entre autres que la lutte contre la corruption, son moteur politique, n’est pas menée. Il forme alors le Conseil national provisoire de défense (PNDC) et dirige fermement le Ghana jusqu’à l’avènement du multipartisme au début des années 90. Il quitte l’armée et crée sa formation politique, le NDC, en 1992. Le Ghana s’est doté s’une nouvelle Constitution qui donne naissance à la IVe République. Jerry John Rawlings en deviendra le premier président.

Quatre ans plus tard, les Ghanéens lui offrent un deuxième mandat qui s’achève en 2000. Contrairement à ce qui était en vogue sur le continent et continue de l’être aujourd’hui, il s’est retiré en 2001 après avoir effectué deux mandats, cédant la présidence à John Kufuor. « Si j’avais tenté de rester au pouvoir, le peuple m’aurait défié et je n’aurais pas pu résister », affirmait-il sur les antennes de la télévision publique burkinabè. Sa lucidité politique explique un parcours singulier dans un paysage politique africain marqué par des héros qui finissent par être des bourreaux conspués et chassés du pouvoir par le peuple. « Il vivait sobrement et avait très peu d’appétence pour les biens matériels. Il avait une haute idée de l’Afrique et estimait qu’elle mérite mieux que le spectacle offert par ses élites et nombre de ses dirigeants », a expliqué un leader de la société civile du continent. « Avec sa disparition, l’Afrique perd un panafricaniste et le Ghana un homme de conviction, un patriote qui a su remettre son pays sur le chemin de la croissance et de la démocratie », a réagi, pour sa part, le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré.

Un héritage politique lourd…

J. Rawlings est certainement au Ghana et en Afrique, ce qu’est Thomas Sankara, assassiné pour sa vision politique, pour le Burkina Faso et l’Afrique. Les deux révolutionnaires étaient d’ailleurs des amis. « La qualité de notre relation (…) est liée à la liberté et à la justice », confiait-il en 2016 lors d’un entretien.

Des paroles appuyées par des actes, qui font de l’ancien parachutistes dans son pays et au-delà, une figure transformatrice qui avait mené une lutte farouche contre la corruption et posé les fondements d’une démocratie solide au Ghana. Et dans l’imaginaire collectif des Ghanéens, aussi bien pour les gens de sa génération que les plus jeunes sur le continent, «JJ» , le surnom de «Junior Jesus» formé à partir de ses initiaux, restera l’homme qui a mis la main à la pâte ou qui a sorti les étudiants des amphithéâtres pour transporter les fèves de cacao au port pour qu’elles soient exportées afin de générer des revenus dont le Ghana avait alors cruellement besoin. « Je préfère être dans le cœur des gens », confiait-il, expliquant qu’il ne tenait pas à avoir son nom sur un monument ou une route. Un héritage politique consistant que les actuelles autorités ghanéennes sont appelées à entretenir.

Resté très actif sur le continent et particulièrement dans son pays, Rawlings  ne manque jamais l’occasion d’égratigner ceux qui l’ont succédé à la tête du Ghana. Il s’est notamment montré critique à l’égard de John Atta Mills, décédé en 2012 au cours de son mandat, et John Mahama qui a succédé au défunt président.

FRATERNITE

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