. Les arguties du « ministre » Payadowa Boukpessi
Les élections locales se feront sans certains concurrents sérieux, le pouvoir Faure Gnassingbé ayant pris soin de tamiser les dossiers et invalider ceux qui pourraient lui causer des ennuis. Parmi tous, un cas particulièrement ne laisse pas indifférent, celui de Pascal Bodjona et sa liste dénommée « Ensemble pour le Togo ». « Défaut de dénomination », c’est le motif avancé par la Cour suprême pour rejeter sa liste, sans autre forme d’explication. La pantalonnade judiciaire qui a entouré ce dossier est assez illustrative du vrai visage de la justice togolaise, hideux et très digne des pays du « Gondwana »…
La fameuse plainte
« (…) Attendu que par médias interposés, la requérante vient d’apprendre que des candidats indépendants aux élections locales de juin 2019 ont cru devoir postuler pour lesdites élections sous la bannière de « ENSEMBLE POUR LE TOGO (E-TOGO) », avec comme tête de liste Monsieur Bodjona Akoussoulèlou ; Que ladite participation aux élections locales à venir sous la bannière « ENSEMBLE POUR LE TOGO » étant une activité politique à tous égards, donc contraire à l’objet et au but que la requérante s’est fixés à sa création, celle-ci a intérêt à recourir à la justice afin qu’interdiction soit faite aux candidats indépendants ayant pour tête de liste Monsieur Bodjona Akoussoulèlou de participer aux élections locales prochaines sur une liste ayant pour dénomination « ENSEMBLE POUR LE TOGO » en raison de la confusion que la dénomination de cette liste crée avec le nom de la requérante « ENSEMBLE POUR LE TOGO » ».
Le commun des Togolais croyait à la sincérité de cette plainte attribuée à Mme Betty Chausson, Fondatrice de l’association « Ensemble pour le Togo », résidant en France. Personne ne pouvait en tout cas douter qu’elle ne soit pas réelle, surtout que la justice togolaise l’a instruite et qu’il y a même un avocat bien connu qui défend le dossier. « J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que suivant requête déposée ce lundi 3 juin à 11 heures au Greffe de la Cour suprême, Maitre Modjona-Esso T. Dandakou, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de l’Association « ENSEMBLE POUR LE TOGO », a formé un recours contre votre liste aux élections locales du 30 juin 2019. Vous trouverez jointes à la présente, ladite requête accompagnée des pièces jointes déposée par la demanderesse. Je vous invite à faire parvenir votre mémoire en défense devant la Cour suprême au plus tard le 4 juin 2019 à huit heures », voilà la saisine adressée par le Greffier en Chef Sassougan Agbemadon à l’ancien ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales.
Tout laissait penser donc à une plainte réelle. La conviction partagée, c’était que la fameuse Mme Betty Chausson était tout au plus instrumentalisée pour saisir la justice et ainsi offrir l’opportunité au pouvoir de parvenir à ses fins, c’est-à-dire rejeter la candidature de Pascal Bodjona aux élections locales dans la commune d’Agoènyivé où il contrarierait les plans du régime. Mais c’était du faux et usage de faux.
Le démenti de Mme Chausson
« Je n’ai jamais porté plainte contre ce monsieur. Je suis actuellement à mon domicile en France. Je n’ai ni mandaté une quelconque personne pour faire quoi que ce soit. Je suis apolitique et non confessionnelle ainsi que tous les autres membres de notre ONG (…) Je n’ai jamais esté en justice contre ce monsieur que je ne connais pas. Par contre, je vais chercher à le rencontrer lors de mon prochain séjour et déjeuner avec lui. Cette affaire est du faux et je ne veux pas laisser faire ».
Ces propos de Mme Betty Chausson relayés le mardi 4 juin par le confrère togobreakingnews et qui intervenaient comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, venaient démonter tout le faux organisé dans cette affaire. « Je ne sais pas qui a fait cela, mais je ne manquerai pas, lors de mon prochain séjour au Togo, de déposer une plainte contre X pour faux et usage de faux (…) Si j’arrive à connaitre ceux qui ont imité ma signature et se sont fait passer pour moi, je demanderai des dommages et intérêts pour le bien des enfants démunis du Togo », a-t-elle ajouté au confrère.
La dame est revenue à la charge, dans un entretien accordé au confrère « L’Alternative » dans sa parution n°803 du vendredi 7 juin 2019, mettant davantage à nu la fausseté de la plainte. « Je suis en France et je n’ai porté plainte contre qui que ce soit. On a usurpé mon identité parce que pour porter plainte, il faut avoir au moins une pièce d’identité. Or je suis en France et je peux prouver avec mon passeport que je ne suis jamais venue au Togo depuis le mois de février (…) Je n’ai rien à avoir avec tout ça. Et je n’ai mandaté personne pour porter plainte», a-t-elle confié.
Le faux à ciel ouvert
Ce démenti de Mme Chausson a le mérite d’être clair et de mettre à nu la plainte supposée déposée par elle. On pourrait même croire que ce recours est d’un des responsables de l’Association au Togo. Mais là aussi, aucun de ses collaborateurs sur place n’a esté en justice contre Pascal Bodjona et sa liste. « Personne ! Ce sont eux qui m’ont prévenue de la chose. Tout le monde est désolé. Et on m’a dit que je devrais, tout de suite, rétorquer pour remettre les pendules à l’heure à tout le monde parce que, de toute façon, nous on ne veut pas d’ennuis », a-t-elle répondu à la question du confrère L’Alternative de savoir si par hasard les responsables locaux n’ont pas saisi la justice au nom de l’association commune. Cela aurait étonné, vu que les premières frondes à cette plainte factice sont venues de ces derniers.
Si ni Mme Chausson ni ses collaborateurs au Togo n’ont porté plainte, c’est une évidence que c’est un faux et usage de faux qui a été fait en leur nom. Et certains observateurs n’hésitent pas à parler de « gangstérisme judiciaire ». Dans cette histoire, Me Modjona-Esso Dandakou, présenté dans la signification de l’assignation comme l’avocat de Mme Betty Chausson et/ou de l’Association « Ensemble pour le Togo », devrait en savoir beaucoup sur les tenants et aboutissants de cette cabale ostentatoire. Dans un pays normal avec des dirigeants responsables et une justice vraiment indépendante, cet avocat devrait être interpellé pour répondre à bien de questions. Mais non seulement il est libre de ses mouvements, mais aussi curieux que cela puisse paraitre, il a le toupet de continuer à défendre l’indéfendable. « Mme Chausson n’avait pas besoin forcément de faire le déplacement de Lomé pour me constituer », « Ce qui se passe, c’est que l’avocat n’invente pas les documents », « J’agis au nom de l’association et on m’a remis des documents légaux », « Ceux qui me les ont donnés, ce sont les responsables de l’association », a-t-il bredouillé, dans ses propos au confrère, avant de se cacher derrière de pseudos-secrets professionnels, en fait un prétexte générique, pour ne pas être explicite : « Je suis tenu par des secrets professionnels, je ne vais pas m’en écarter ».
La justice togolaise est-elle complice de ce montage manifeste ? Certains ne se posent même plus la question, convaincus de l’affirmative, et ils voient la conspiration tramée depuis les entrailles du pouvoir, avec le concours des « seigneurs » de la justice et leurs commanditaires tapis dans l’ombre. Selon des indiscrétions, c’est face aux premiers démentis inattendus de Mme Betty Chausson que la Cour suprême s’est empressée de rejeter la fameuse plainte au motif de « défaut de qualité d’agir », pour simuler la partialité et une certaine crédibilité. Mais les tenants de la cabale, décidés à invalider coûte que coûte la liste de Pascal Bodjona, ont poursuivi les jonglages et fini par y arriver.
Les arguties de Payadowa Boukpessi
Le rejet de la candidature de Pascal Bodjona est gros et répugnant sur toute la ligne. C’est un scandale et cela n’honore pas la justice togolaise, déjà décriée pour ses « péchés capitaux ». Elle est instrumentalisée et utilisée à des fins de règlements de comptes, promeut ou cautionne l’arbitraire, rend des décisions iniques, plonge des justiciables dans l’amertume…Les dossiers Kpatcha Gnassingbé, Pascal Bodjona (affaire dite d’escroquerie internationale), d’exclusion des députés apparentés ANC de l’Assemblée nationale, des incendies des marchés, entre autres, sont assez parlants. Cette invalidation de la candidature de Bodjona est détestable et indéfendable. Mais le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales ne l’entend pas de cette oreille.
« Ce n’est pas parce que X n’est plus dans UNIR qu’on invalide sa liste. C’est la Cour suprême qui le fait. Nous n’allons pas apprendre à cette Cour ses droits», a déclaré Payadowa Boupessi hier mardi chez nos confrères de Victoire FM, et de se cacher derrière une certaine obligation de ne pas commenter une décision de la justice et une certaine confiance en elle : « Je ne me permettrai pas de commenter les décisions de la justice, encore moins de la Cour suprême, mais j’ai confiance en cette Cour ». Payadowa Boukpessi se perd ensuite dans un argumentaire à deux sous à la limite du mystico-métaphysique, parlant de l’association « Ensemble pour le Togo » et du nom de la liste de Pascal Bodjona : « Cette organisation est une ONG apolitique, donc n’a pas le droit de présenter des candidats. Si elle veut faire la politique, il faut la dissoudre et créer un parti politique. C’est mon analyse. La loi dit de donner le nom qu’on veut aux listes. Mais si on donne le nom d’une association apolitique pour dire qu’on va être candidat au nom d’une association, il y a un problème ».
Et pourtant l’article 276 du Code électoral qui statue sur les conditions à remplir pour candidater aux locales ne fait nulle part allusion à ces prétextes ! Il y est simplement écrit : « Sont éligibles au conseil municipal, les citoyens des deux (02) sexes âgés de vingt-cinq (25) ans révolus, jouissant de leurs droits civils et politiques, sachant lire, écrire et s’exprimer en langue officielle, résidant depuis six mois au moins sur le territoire ». Les cas d’inéligibilité ou d’incompatibilité sont bien indiqués à l’article suivant et ici aussi nulle part, Pascal Boidjona et sa liste ne s’y trouvent. Le 280 poursuit : « Tout citoyen remplissant les conditions fixées à l’article 75 ci-dessus (Ndlr, «Sont électeurs les citoyens des deux sexes inscrits sur les listes électorales dans les circonscriptions électorales définies par un décret en Conseil des ministres sur proposition de la CENI») peut faire acte de candidature aux élections des conseils municipaux. Tout parti politique ou regroupement de partis politiques, ainsi que les candidats indépendants légalement constitués peut présenter une liste de candidats aux élections de conseils municipaux. Nul candidat ne peut être porté sur plus d’une liste ». Ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, censé donc maitriser la problématique, vous avez dit ?
Tino Kossi
source : Liberté