Lorsque l’injustice trouve sa demeure à la justice, la République est alors en danger. C’est malheureusement ce à quoi on assiste au Togo depuis plusieurs décennies, sous le règne de Faure Gnassingbé. La folie meurtrière dérivée de la volonté de conserver par tous les moyens le pouvoir, amène l’engeance à s’emparer du pouvoir judiciaire qui, aujourd’hui, a perdu de son autonomie. La justice se retrouve donc aux bottes des politiques, notamment le clan au pouvoir.

Descentes musclées dans les domiciles des citoyens sans mandat de perquisition, arrestations arbitraires qui ressemblent parfois à des enlèvements par des bandes de hors-la-loi, procédures judiciaires alambiquées, parodies de procès avec en toile de fond des ordres reçus du sommet, voilà ce à quoi les Togolais assistent presque quotidiennement. Le cas qui défraie actuellement la chronique reste la condamnation, la semaine dernière, de Folly Satchivi, porte-parole du Mouvement « En Aucun Cas ».

« Dans le cas de Satchivi, il est poursuivi parce qu’on dit qu’il a incité d’autres personnes à la révolte par des promesses – on n’a pas apporté les preuves de ces promesses-, par des menaces – on n’a pas dit qui est-ce que Folly Satchivi a menacé-, par des ordres – on n’a pas dit à qui Foly Satchivi a donné l’ordre-, et par des signes de ralliement- on n’a pas pu prouver ces signes de ralliement », a déploré Me Raphaël Kpande-Adzaré, l’un des avocats du jeune activiste. Et d’ajouter : « D’ailleurs, avant qu’on ne parle des signes de ralliement, des ordres et promesses, il faut l’existence d’un mouvement de révolte. Il faut que des gens sortent dans la rue, pour dire nous sommes en train de nous révolter contre ceci, contre cela. Or nous n’avons pas vu Monsieur Folly Satchivi conduit dans ce pays un mouvement de révolte. Depuis 2017, il n’y a pas eu un seul mouvement de révolte dans ce pays. Non. Tant qu’il n’y a pas de mouvement de révolte, on ne peut pas parler d’infraction de trouble aggravé à l’ordre public. Parce que la loi dit : ceux qui dans un mouvement de révolte ».

En réalité, le régime de Faure Gnassingbé a instauré un système qui consiste à utiliser l’appareil judiciaire contre les adversaires politiques. Cela n’épargne même pas ses proches collaborateurs qui nourrissent l’ambition d’une carrière politique en dehors de la « monarchie » (on se rappelle encore la parodie de procès dans l’affaire dite d’escroquerie internationale dans laquelle l’ancien ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Pascal Bodjona, au départ simple témoin, est devenu le principal accusé et a fait plusieurs fois la prison). Plusieurs autres cas illustrent bien cette instrumentalisation de la justice togolaise à des fins politiques, notamment pour conserver le pouvoir.

Lorsque Faure Gnassingbé sent son pouvoir menacé et qu’il veut écarter un adversaire politique, il agite l’appareil judiciaire. Il a réussi à mettre les magistrats au pas. Ces derniers, tous les jours que Dieu fait, versent dans un déni de justice en rendant des décisions aussi controversées les unes que les autres. La justice togolaise est devenue un lieu où ce sont les plus forts qui ont toujours raison. La majorité des Togolais qui n’ont pas de soutien, sont écrasés par cette injustice qui a élu domicile à la justice. « La loi est la même pour tous, soit qu’elle punisse, soit qu’elle protège. Mais tel n’est pas le cas pour la justice pénale togolaise, surtout lorsqu’il s’agit des infractions à caractère politique. Les organisations de défense des droits de l’homme n’ont de cesse dénoncé cette justice à double vitesse où certains citoyens, pour avoir voulu exercer un droit ou une liberté garantis par la Constitution, sont arrêtés, jugés, condamnés et emprisonnés, pendant que d’autres peuvent voler, détourner, agresser, violenter, torturer et même tuer sans être inquiétés », a fustigé Me Raphaël Kpande-Adzare.

Presque tous les jours, la presse critique évoque des cas de détournement de deniers publics. Les auteurs de ces malversations sont connus de tous, et ils sont proches du clan qui a pris le pays en otage. Mais personne ne lève le petit doigt pour interpeller ces individus. Pas même la justice qui est prompte à réagir lorsque les instructions lui sont données par le sommet pour harceler les adversaires politiques ou des membres des organisations de la société civile.

L’année dernière, L’Alternative a publié un dossier sur le « scandale d’utilisation de matériels et produits périmés » utilisés au CHU Sylvanus Olympio. Ceux qui s’adonnent à cette pratique dangereuse pour la santé des Togolais n’ont jamais été inquiétés.

L’interpellation des autorités togolaises, notamment du ministre de la Santé et de la Protection sociale par la Ligue des consommateurs du Togo (LCT) était tombée dans des oreilles de sourds. Le rapport de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) sur la torture des citoyens, la sortie des miliciens dans les rues de Lomé, avec son lot de morts et de blessés, des enfants tués par balles réelles par des forces de l’ordre, etc., tous ces faits graves devraient susciter une réaction de la justice togolaise qui pourrait s’auto-saisir, mener des enquêter, chercher et punir les auteurs de ces actes. Mais rien. C’est à croire qu’il n’y a de justice que pour les « Faure ». Pour cette majorité qui est brimée, opprimée et marginalisée, la justice devient muette.

La justice togolaise est un véritable cauchemar pour le peuple. Sur le plan social, nombreux sont ceux qui ne font pas confiance en cette institution qui a montré ses limites. Le degré de corruption des magistrats et autres fonctionnaires de la justice fait que les gens préfèrent se rendre justice que de porter l’affaire devant le troisième pouvoir.

Et lorsqu’il s’agit de plaire au « jeune monarque » pour espérer garder sa place et continuer de racketter la veuve et l’orphelin, bref, les pauvres populations togolaises qui trouvent difficilement un repas par jour, ces magistrats n’hésitent pas à surprendre le monde entier à travers des procédures judiciaires inventées de toutes pièces, parallèlement aux textes et lois dont s’est doté le pays. Ainsi, les Togolais deviennent otages de cette justice rythmée par les humeurs du régime de Faure Gnassingbé.
 
source : L’Alternative
 

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