Les milliers de personnes qui, dans la nuit de vendredi à samedi 12 janvier dernier, ont accouru au grand marché d’Adawlato, pour être témoins de l’incendie qui ravageait alors le principal bâtiment du marché, n’avaient sans doute qu’une idée vague des conséquences du drame qui se déroulait à leurs yeux. L’épaisse fumée noire et piquante s’échappant du bâtiment était emportée par le vent et avec elle, des milliards de FCA, des milliers d’emplois ; bousillant du coup des centaines de vies et occasionnant une perte énorme pour l’économie nationale.
Les premières victimes du drame survenu au marché d’Adawlato restent sans doute les commerçantes qui font leurs affaires dans l’immeuble incendié. Le bâtiment reste le plus important du marché et abrite, selon les estimations, près de 4000 femmes, pratiquant diverses activités commerciales .Les commerçantes de tissus pagnes, de bijoux, y occupent une place importante ; mais on trouve aussi des vendeuses de denrées alimentaires : crustacées, poissons, ingrédients de cuisine.
A la fin de la journée, les marchandises sont soigneusement rangées et gardées à l’abri. Quelques commerçantes, par peur d’être braquées à la maison, laissent sur place les revenus de la journée, quitte à les déposer le lendemain dans une banque ou institution de microfinace.
C’est donc un choc psychologique terrible et un coup dur pour ces femmes qui ont tout perdu dans l’incendie et qui resteront à jamais marquées par ce malheureux événement.
Plusieurs économistes soutiennent que les pertes enregistrées par ces femmes, sont difficilement quantifiables, la quasi-totalité évoluant dans l’informel et ne tenant pas de comptabilité de leurs activités.
« Certes, l’EPAM (Etablissement Public d’Administration des Marchés), dispose d’une liste informatisée de revendeuses et revendeurs qui sont dans les marchés mais comment seront évalués les stocks de crustacés, de tomates, de tissus pagne et mèches ? », s’interroge l’un d’eux. Une difficulté que reconnaît la Directrice de l’EPAM, FOLLY- SESSI Ayélégan, qui nous a déclaré que pour le moment, il n’y a pas une évaluation des pertes. « Avancer un chiffre en ce moment, serait faire injure à ces femmes », a –t-elle ajouté.
Difficile donc d’évaluer les pertes directes mais ce qui est certain, est qu’elles sont énormes et peuvent se chiffrer à plusieurs milliards, selon une estimation du Professeur Mawuli COUCHORO, enseignant à l’Université de Lomé.
Par ailleurs le temps d’inactivité induit par la gestion de l’après incendie par le gouvernement, va également constituer pour les commerçantes un important manque à gagner.
Tout ceci ne manquera pas de rejaillir sur l’économie des ménages, où la plupart de ces femmes tiennent le cordon de la bourse.
Comme un effet domino, les malheurs de ces femmes affectent également l’économie nationale.
Selon l’économiste M. KHALIF Nadim, « la moitié des chiffres d’affaires de l’économie togolaise, passe par le marché ». A ce titre, le marché d’Adawlato représente, selon ses dires, un organe vital pour l’économie du pays. « L’économie d’un pays, dit-il, fonctionne comme le corps humain. Lorsqu’un organe vital est atteint, c’est tout le corps qui est affecté ». Pour M. KHALIF, les pertes engendrées par l’incendie au marché d’Adawlato, représente près du tiers de l’économie nationale, soit environ cent milliards de FCFA, trois à quatre cent milliards avec les retombées. Selon l’économiste près de dix mille emplois directs ou indirects sont perdus avec l’incendie.
Le drame d’Adawlato fait planer le risque d’une crise financière sur le Togo. La plupart des commerçantes en effet, sont affiliées aux banques et aux institutions de microfinances auprès desquelles elles ont contracté des prêts pour financer leurs activités. Avec le drame, il est évident qu’elles auront des difficultés pour rembourser. « Si l’encours des crédits est important dans le portefeuille de crédits de ces institutions financières, il faut imaginer l’effet que cela peut avoir sur leurs impayés ; Si ces institutions ont des impayés, elles seront à court de liquidité et auront moins de capacité à répondre aux besoins des activités génératrices de revenus », s’inquiète le Professeur Mawuli COUCHORO, « Si on ne prend pas garde, certaines des ces institutions (ndlr : celles directement touchées) pourraient mettre la clé sous le paillasson ou avoir de sérieux problèmes de financement qui pourraient les amener à licencier du personnel ou à fermer certaines de leurs agences », prévient le Professeur.
Au niveau macroéconomique, c’est la timide reprise économique qui prend un coup avec les investisseurs étrangers qui hésitent encore à venir et qui ne viendront plus. Les bailleurs de fonds qui se préparent à investir dans notre pays peuvent se montrer réticents ou exiger plus de garantie.
La loi de finance 2013 qui vient d’être votée n’a certainement pas prévu une telle catastrophe pour notre pays. Résultat, l’Etat doit reporter certaines priorités pour dédommager les commerçantes.
Avec l’extension de l’Aéroport GNASSINGBE Eyadéma, le Togo envisage d’accueillir 2,5 millions de voyageurs. Combien de nouvelles compagnies aériennes accepteraient de desservir l’aéroport rénové si les structures existantes ne sont pas en mesure d’arriver à bout d’un incendie de marché ? Donc toutes les prévisions de croissance du PIB du pays, croissance induite par l’agrandissement de l’aéroport, doivent être revues à la baisse avec les conséquences néfastes pour les emplois à générer.
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