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Projet Vision Togo 2030 et présidentielle de 2015
 
. Les véritables desseins cachés de ce projet folklorique

 
Lutte contre le terrorisme et la piraterie maritime sur la scène internationale depuis un moment, refondation de l’armée entre-temps, projet Vision Togo 2030 aujourd’hui. C’est ce dernier projet composé d’intentions assez nobles qui constitue la rengaine du moment de Faure Gnassingbé, porté par un homme aux compétences avérées, le Pr Kako Nubukpo. Mais à l’analyse, il ne s’agit que d’une escroquerie intellectuelle habile aux véritables motivations dissimulées, et en lien avec l’élection présidentielle de 2015 qui plane à l’horizon.
 
Bref aperçu du projet
 
« Une vision, c’est une sorte de point focal vers lequel convergent toutes les aspirations de la nation, puisque ce sont les populations elles-mêmes qui participent à l’élaboration de la vision. La question est simple : quel Togo voulons-nous en 2030 ? Pour ce faire, il faut un certain nombre de pré-requis en terme méthodologique, en termes d’échantillon et finalement en termes d’analyse participative. Pour arriver à cela, on a en général trois scenarii: d’abord le scenario pessimiste qui consiste à se dire : si tous les risques que nous identifions pour notre pays devaient se réaliser, où en serait le Togo? Ensuite il y a le scenario dit tendanciel : si le pays avance toujours comme il le fait aujourd’hui, où est-ce que nous serons en 2030 ? Et enfin, le scenario volontariste ou optimiste où on se dit : pour atteindre l’émergence économique du Togo, qu’est-ce que nous devons faire d’ici 2030 ? L’étude prospective est une étude très ouverte à ce qu’elle n’exclut aucun avenir possible pour le pays, mais cela ne veut pas dire que l’avenir souhaitable pour le pays soit le scenario pessimiste ni le tendanciel. Donc l’objectif de cette exercice est de partager avec la population togolaise les aspirations communes afin qu’on ait un document qui synthétise cette aspiration et qui peut être une sorte de guide pour les décideurs d’aujourd’hui tout comme de demain », expliquait en avril dernier le Pr Kako Nubukpo, ministre auprès du Président de la République, chargé de la Prospective et de l’Evaluation des politiques publiques et porteur de ce projet. Le décor est ainsi planté.
 
Comme son nom l’indique, le projet Vision Togo 2030 se veut une vision de notre pays à l’horizon 2030, où le développement dans tous les sens du terme serait une réalité. En lien étroit avec la prospective, il consiste à imaginer les meilleurs futurs possibles du Togo. Selon ses concepteurs, le projet prendra en compte toutes les aspirations des citoyens de toutes les contrées du Togo, du nord au sud, de l’est à l’ouest. Il se veut un processus participatif dans lequel doit se retrouver l’ensemble de la population. « Le développement suppose qu’on connaisse les aspirations des populations, de pouvoir les mettre en forme afin de construire la stratégie de notre développement », dit Kako Nubukpo.
 
L’objectif final, dit-on, c’est l’élaboration d’une feuille de route de développement du Togo que l’on essayera de suivre indépendamment du parti qui serait au pouvoir. Le projet vise à faire du Togo à l’horizon 2030 un pays émergent, et la finalité, avance-t-on, est la satisfaction de l’intérêt général.
 
Du déjà entendu à des degrés moindres, un air d’escroquerie intellectuelle
 
Tel que présenté par ses concepteurs, Vision Togo 2030, c’est un ensemble d’idées nobles qui, mises en œuvre, feraient du Togo un eldorado où les populations vivraient dans le bonheur ; en tout cas, un Togo bien loin de celui d’aujourd’hui où la pauvreté est le dénominateur commun. Sur certains supports, il est même montré des cartographies d’une ville de Lomé futuriste dotée d’infrastructures archi modernes. Quoi de plus aguichant. Mais il y a comme une escroquerie intellectuelle qui ne dit pas son nom. Les tout premiers aspects qui interpellent sont la paternité du projet et le moment où il est annoncé.
 
Vision Togo 2030 est en effet une initiative de Faure Gnassingbé, un homme parvenu au pouvoir depuis février ou avril 2005 et qui avait tout le temps de penser le développement du Togo. Ce projet de conception du développement du Togo serait claironné en début de règne que cela pourrait se comprendre. Mais voilà, il l’est au soir de son second et dernier mandat. Faure Gnassingbé avait donc tout le temps nécessaire, 10 ans, pour appliquer sa vision du Togo. Une tâche à laquelle il s’est malheureusement dérobé. « Je ne suis ni planificateur du développement, ni gestionnaire, encore moins un économiste, mais à mon humble avis, 5 années suffisent largement — au pire des cas, 10 années –, pour un gouvernement de remettre le Togo sur les rails, vu le potentiel dont nous disposons –port autonome de Lomé, unique en eau profonde de la cote ouest africaine; les ressources minérales en phosphates et calcaire à la taille du pays; trois grands bassins (Zio, Mono, Oti); les Plateaux qui se prêtent bien à l’agriculture; les Savanes et la Kara, favorables à l’élevage; une population d’environ 7 millions aussi vaillante… », relève un compatriote sur la toile.
 
Comme glose un confrère, au cours de ses deux mandats, Faure Gnassingbé avait claironné deux Vision 2030 en miniature, faisant allusion à ses projets de société qu’il avait vantés aux électeurs en avril 2005 puis en mars 2010. On se rappellera surtout le livret intitulé « Mon engagement pour le Togo » ou « Les 20 plus » où plein de promesses avaient été faites, dont la construction de « L’autoroute de l’amitié » de Lomé à Cinkassé. Des projets repris habilement par la demi-dizaine de Premiers ministres qu’il a eus au cours de ces dix ans et qui ont juste calqué leurs programmes de gouvernement là-dessus. Mais chacun peut aisément faire l’état de leur réalisation. On retiendra simplement que le Togo n’est pas pour autant devenu ce pays émergent et développé voulu au crépuscule de son règne. Parlant de projets concrets, que n’a-t-on pas entendu tout le long des dix ans de gestion ?! Dsrp (Document stratégique de réduction de la pauvreté) 1 et 2, Scape (Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi), Omd (Objectifs du millénaire pour le développement), entre autres. Mais lorsque l’on fait le tour de toutes ces initiatives, on se rend compte que rien n’a bougé dans le sens de l’amélioration des conditions de vie des populations togolaises. Elles n’auront été finalement que des catalogues de bonnes intentions.
 
« Qui dit émergence évoque une croissance de 7%, des richesses équitablement réparties, de bons services de santé, un système éducatif performant, une économie en développement. Telle est l’ambition du président Faure Gnassingbé, concepteur de la feuille de route », écrit republicoftogo vendredi, parlant de ce projet Vision Togo 2030. Ces défis justement ne datent pas d’hier. Ils se posaient depuis son avènement au pouvoir, et même bien avant. Mais c’est au crépuscule de son règne qu’il a cru devoir les formaliser en une vision futuriste. Et puis, ces propos propagandistes devraient faire sourire plus d’un Togolais bon observateur lorsqu’il considère l’état actuel de la situation. La croissance économique tourne autour des 6 %, mais le quotidien des citoyens est resté en l’état. La répartition équitable des richesses relève d’un rêve. Faure Gnassingbé lui-même a reconnu qu’une minorité accapare les richesses du pays, laissant la majorité dans la misère ; mais il n’a rien fait de concret pour remédier à la situation. Alors que des individus s’en mettent plein les poches, détournent les deniers publics vers des paradis fiscaux, les hôpitaux manquent du minimum et des patients meurent pour rien du tout. C’est depuis 2012 que le Prince a promis des assises nationales de l’Education et de la Santé, censées permettre de trouver des réponses aux maux qui minent ces secteurs. Mais ces rencontres se font toujours désirer. Comment croire donc, au vu de ce tableau sombre, à un Togo développé avec des citoyens heureux à l’horizon 2030 ? Où trouvera-t-on les ressources nécessaires pour financer ce développement voulu lorsqu’en six ans de règne de Faure Gnassingbé, 8233 milliards de FCFA sont sortis illicitement du pays, pour ne pas dire détournés, les banques (Btci particulièrement, Ndlr) pillées par des amis et proches collaborateurs, des fonds de projets d’équipement des hôpitaux détournés par ses propres conseillers? « Tout ça, c’est oba oba », dira-t-on du côté d’Abidjan, parlant des promesses de lendemain meilleur avec ce projet Vision Togo 2030-là.
 
Une bonne matière pour la campagne électorale de 2015
 
Tout bien pesé, ce projet Vision Togo 2030 n’est pas sans lien avec l’élection présidentielle cruciale de 2015. Le timing est assez parlant. On le relevait plus haut, un tel projet de conception du développement du Togo sur 15 ou 10 ans aurait pu être inauguré par Faure Gnassingbé en 2005 à son avènement au pouvoir que l’on ne devrait pas soupçonner des intentions cachées. Il l’est malheureusement au crépuscule de ses dix ans au pouvoir et à quelques mois seulement de l’échéance capitalissime de 2015 à laquelle il compte à nouveau se présenter. Et sur ce chemin, il lui faudra des arguments à brandir pour séduire les esprits faibles.
 
A part peut-être la réhabilitation des routes – pas une faveur mais un devoir -, avec ses limites certaines, le Prince n’aura pas grand-chose à mettre dans sa gibecière de bilan pour convaincre l’électorat à lui accorder une autre pige. Ses seuls secours seront les promesses de monts et merveilles ; et ce projet Vision Togo 2030 tombe à pic. Dans le processus d’élaboration, la démarche consiste à aller vers les populations et recueillir leur vision du Togo dans 15 ans, leurs besoins et attentes que l’on s’efforcera de mettre en pratique. La manœuvre va donc consister à annoncer des solutions à tous ces besoins, et le tour serait joué. Les idées recueillies devront donc constituer le socle de ses arguments de campagne électorale. Et sans doute qu’elles devront emballer certains naïfs. C’est à cette manipulation que s’associe le Pr Kako Nubukpo qui a embarqué dans l’aventure un certain nombre d’enseignants des universités du Togo. En clair, ils se mettent au service de la pérennisation du clan Rpt/Unir au pouvoir, aux dépens de l’alternance – la toute première aspiration du peuple togolais – qui n’a d’ailleurs pas grande place dans la conception de ce Togo à l’horizon 2030.
 
Tino Kossi
 
Liberté Togo
 

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