Balouki


. Les organisations syndicales et les OSC muettes
 
Sans aucun égard pour la vie déjà assez chère pour les populations togolaises, le gouvernement a consenti de nouvelles hausses sur les prix des produits pétroliers le 16 janvier 2014. Suite à cette décision somme toute impopulaire, il fut annoncé des « mesures d’accompagnement ». Mais plus de deux mois après, ces fameuses dispositions censées réduire le choc de ces augmentations et alléger la vie aux consommateurs se font toujours désirer. En lieu et place, c’est à des manœuvres qu’on assiste de la part du gouvernement.
 
Promesse de mesures d’accompagnement
 
Mesures d’accompagnement. C’est l’éternelle formule utilisée par le gouvernement à chaque fois qu’il hausse les prix des produits pétroliers. Cela va de la concession d’une augmentation de 3 ou 5 % sur les salaires des fonctionnaires – à peine 2 % de la population active du Togo – à l’octroi d’une prime de transport de 5000 F en passant par la réduction de quelque 10 ou 15 F sur certains produits de grande consommation. Des mesures dont l’impact sur le coût de la vie des Togolais reste discutable. La formule a été encore remise au lendemain de l’augmentation scélérate par le gouvernement des prix du carburant le 16 janvier dernier.
 
Ce sont les officiels du gouvernement eux-mêmes dont Dédé Ahoefa Ekoué, la ministre de l’Action sociale et de la Promotion de la femme, qui ont annoncé en premiers des « mesures d’accompagnement », devant le tollé général suscité par cette hausse cynique. Sans tarder, le Conseil national du dialogue social (Cnds) entré en hibernation depuis un moment et qui ne se signale que par à-coups, est ressuscité et une rencontre improvisée avec le gouvernement. Les centrales syndicales désavouées par les travailleurs qui se retrouvent désormais en la Synergie des travailleurs du Togo (Stt), ont aussi saisi l’opportunité pour se rendre utiles. Des réunions furent multipliées entre le gouvernement et ces entités sociales, et l’une des dernières s’est tenue le 28 février. A la suite de cette réunion, il a été annoncé les fameuses mesures d’accompagnement « pour bientôt ». Mais depuis, rien de concret.
 
De simples manœuvres du gouvernement pour flouer l’opinion
 
Renonciation sur des taxes sur des produits de grande consommation. C’est la dernière trouvaille du gouvernement criée sur tous les toits. Cela consiste pour l’Exécutif à renoncer à une partie des droits et taxes perçues sur ces produits. Mais voilà, loin d’être une nouveauté, c’est une ancienne formule dépoussiérée mais brandie comme nouvelle juste pour flouer l’opinion. Il s’agit en fait de mesures en application –hum…- depuis 2008, mais la ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur privé a élaboré un mémorandum qui est surenchéri depuis quelques jours.
 
Il est ainsi fait état de ce que le gouvernement a mis en place un mécanisme de « renoncement partiel aux droits et taxes de douane » à l’importation sur certains produits de grande consommation identifiés comme le riz, le sucre, les pâtes alimentaires, l’huile végétale, les détergents, la farine de blé, le lait, le savon, la tomate concentrée, les cahiers. « Le niveau de renoncement varie d’un produit à un autre. Il peut atteindre parfois plus de 75% des droits et taxes dus, tel est le cas du riz », souligne le document. Il y est ainsi relevé qu’en 2013, le gouvernement a maintenu en vigueur ces mesures et les recettes recouvrées sur les produits susmentionnés se chiffrent à 11, 497 milliards de F.CFA contre 42, 124 milliards de F.CFA de perte. On rappelle à toutes fins utiles que pour l’année 2014, ces mesures resteront en application, et mieux, annonce leur amplification. Ainsi, les prévisions de recettes à recouvrer se chiffrent à 17, 245 milliards de F.CFA sur les produits concernés contre 93, 380 milliards de F .CFA de prévisions de pertes de recettes. « Au total, sur l’ensemble des périodes de référence étudiées, le gouvernement a consenti un gros effort pour renoncer à recouvrer la plus grande partie des droits et taxes dus sur la quinzaine de produits de première nécessité retenus. Il s’agit en réalité de mesures qui s’analysent comme des subventions dont l’intérêt est de contribuer à maintenir un niveau accessible et conforme au pouvoir d’achat du consommateur togolais », indique le mémorandum. Une façon donc de répondre à ceux qui réclament à cor et à cri des mesures d’accompagnement que le gouvernement en fait déjà assez. Point n’est besoin de rappeler l’alibi selon lequel le gouvernement continue de subventionner les prix des produits pétroliers à la pompe, sinon le consommateur devrait les avoir plus chers. Et pour les besoins de la cause, la TVT a été mise à contribution et en a abondamment parlé dans l’édition de 20 heures du journal de lundi. Bien que ce ne soient juste les importateurs qui bénéficient de ces mesures, on extrapole et insinue que les prix des produits de grande consommation concernés comme le riz, l’huile, le sucre etc ont été réduits sur le marché. C’est simplement prémédité pour faire croire à la concrétisation des mesures d’accompagnement annoncées ; alors qu’en réalité, il n’en est rien.
 
Cette manœuvre n’est pas sans rappeler une autre qui a eu lieu autour des prix du gaz butane. A la suite d’un arrêté pris dans la semaine du 2 au 9 mars, les partenaires sociaux y ont vu – c’est sans doute ce qu’on leur a fait croire – une réduction des prix du gaz butane à la pompe, et certains acteurs l’ont même annoncé aux consommateurs qui ont soupiré qu’au moins les prix du gaz sont réduits. Mais leur joie sera remise en cause par une mise au point de la ministre du Commerce et de la Promotion du Secteur privé, Mme Bernadette Legzim-Balouki venue préciser qu’il s’agit juste d’une mesure s’adressant aux importateurs, et que les prix à la pompe restent tels que communiqués le 16 janvier dernier.
 
Les observateurs avisés s’attendaient d’ailleurs à de pareilles manœuvres dilatoires et craignaient qu’il n’y ait jamais de vraies mesures d’accompagnement, trouvant cette disposition d’esprit déjà manifeste chez les gouvernants dès les premières rencontres. En effet, en réponse à la requête de mesures d’accompagnement des organisations sociales, les émissaires du gouvernement leur ont parlé de recrutement de 5000 volontaires, des jeunes instituteurs sortis des écoles normales, de la construction des marchés etc. Ce n’est pas sérieux, dites-vous ?
 
Les partenaires sociaux muets
 
Au demeurant, promises dès le lendemain de la hausse cynique des prix des produits pétroliers, les fameuses mesures d’accompagnement se font toujours désirer. Et il faut craindre qu’elles ne viennent jamais. Malheureusement, cette hausse se répercute quotidiennement sur tous les autres domaines : alimentation, transport etc. La dernière preuve dans ce sens, c’est l’augmentation par la Brasserie des prix des bières Eku et Guinness, au motif de la hausse des prix du carburant.
 
Au lendemain de l’annonce de la décision cynique, des organisations syndicales et de la société civile étaient très révoltées et montées au créneau pour fustiger la mesure et sommer presque le gouvernement de revoir sa copie. Il fut mis en place une certaine Coalition contre la vie chère regroupant des syndicats et des Osc, décidée à aller en guerre contre le gouvernement. Une plateforme revendicative fut formulée et comme préalable, il était enjoint à l’Exécutif de rapporter la décision du 16 janvier avant toute négociation. A l’appui, la Coalition avait menacé d’appeler les populations à descendre dans les rues. Mais depuis deux mois, non seulement le gouvernement n’a pas rapporté les prix comme requis, mais en plus il n’annonce aucune mesure d’accompagnement. Malheureusement, c’est le silence total du côté de ces organisations sociales.
 
Tino Kossi
 
Liberté Togo
 

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