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De l’appel à l’organisation des élections sans les réformes à la loi muselant la presse


Tout homme qui a le pouvoir est tenté d’en abuser. Gilchrist Olympio et ses zélotes, nommément Djimon Oré en donnent l’illustration la plus parfaite. A la faveur de l’accord du 26 mai 2010 qui fait d’eux des collaborateurs de Faure Gnassingbé, ils sont devenus méconnaissables et excellent dans le zèle. Si le premier remue ciel et terre pour l’organisation du scrutin législatif dans les conditions actuelles qui sont décriées, le second lui, n’a trouvé de mieux à faire que d’initier une loi qui consacre un net recul du Togo sur le plan de la liberté de presse.
 
En politique, rien n’est figé. Aujourd’hui amis, demain adversaires ; et vice-versa. Le schéma est assez classique. Au Togo aussi, Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio, adversaires politiques depuis les entrailles de leurs mamans, ont consenti à travailler ensemble. Pour nombre de Togolais, c’était un coup de tonnerre. En dépit des soubresauts connus par le parti, Gilchrist Olympio a conservé l’entité UFC, mais nettement vidée de sa substance. Une victoire à la Pyrrhus. L’autre faction dissidente cornaquée par Jean-Pierre Fabre a créé l’ANC. Même si en observateurs avisés, la plupart des Togolais lui prédisaient une aventure périlleuse, le RPT étant un rouleau compresseur qui ne saurait s’accommoder de sa vision, jusque-là nul ne pouvait imaginer que l’homme que les Togolais, dans leur écrasante majorité portaient dans leur cœur pour sa lutte historique contre l’hydre RPT et le clan Gnassingbé qui l’incarnait, pouvait se muer en un antidémocrate. Car l’accord qui cimentait l’entrée de ses amis au gouvernement prévoyait la réalisation des réformes constitutionnelles en six mois. Pas plus. Même un Comité de suivi présidé par le fils de Sylvanus Olympio himself a été mis en place afin d’évaluer le taux de réalisation des objectifs assignés à cet accord « historique » selon certains. Même au gouvernement, Gilchrist Olympio tenait aux réformes prescrites par l’Accord Politique Global et ce seul élément plaidait un tout petit peu en sa faveur.
 
Mais Montesquieu disait que le pouvoir rendait fou, et Lord Acton, que le pouvoir absolu rendait fou absolument. Et Gilchrist Olympio, à force de flirter avec le plus « Faure » des fils d’Eyadéma, a fini par prendre goût au pouvoir et s’en enivrer. Au chapitre de ce fameux comité de suivi, juste quelques réunions où des propositions de réformes alambiquées ont été faites. Le bilan d’étape était calamiteux. Et au bout du délai prévu, rien, mais alors absolument rien à se mettre sous la dent, en dehors des vrais faux acquis dont seul Gilchrist Olympio s’est enthousiasmé et au rang desquels on note « le régime présidentiel tempéré », une trouvaille typiquement UFC qui n’est nullement une évolution par rapport à « l’hermaphrodisme constitutionnel » qui caractérise le régime politique actuel. Du leader adoubé, il est devenu persona non grata. Mais faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il se plait dans une comparaison déplacée entre lui et Nelson Mandela, ce leader incompris au départ par les siens lorsqu’il avait accepté de signer la paix des braves avec Frederick de Clerk, cette figure de l’Afrique du Sud ségrégationniste
 
Puis les années sont passées et Gilchrist Olympio qui se réservait le droit de rompre son accord avec le RPT en cas d’insatisfaction, a édulcoré son discours et, progressivement rangé dans les oubliettes la question des réformes politiques. Ce vaste chantier qui était, selon lui, l’une des motivations phares de sa collaboration n’est plus d’actualité. Il cautionne désormais les misères faites aux opposants, reste aphone sur les violations des droits de l’Homme, les pillages systématiques de ressources publiques et se pose en un prédateur de la démocratie.
 

Désormais, les élections avant les réformes !

 
En deux ans de collaboration avec Faure Gnassingbé, et bientôt trois, Gilchrist Olympio a beaucoup changé ; et c’est peu de le dire ainsi. En réalité, l’homme a perdu son repère politique. Certains trouvent non sans une ironie certaine, une excuse à sa situation. « Devenu trop âgé, il souffre de la sénilité ». En effet, du discours selon lequel les réformes doivent impérativement être faites avant les prochaines élections, l’homme vire à celui qui prône « les élections avant les réformes ». Désormais, il défend avec force conviction l’idée que seul le parlement qui découlera des prochaines législatives est habilité à opérer les réformes envisagées depuis 2006 et toujours reportées sine die. Ramant ainsi à contre-courant de tous ses anciens camarades de combat. Il a fait cette annonce lors de la célébration du 22ème anniversaire du mouvement patriotique du 05 octobre 1990 dans sa déclaration liminaire. Et s’y accroche.
 
Amplement satisfait des conditions iniques d’organisation des élections (CENI déséquilibrée, code électoral inique, découpage électoral sur une base inégalitaire), il part à la conquête des populations, tout comme son allié UNIR. Le 17 février dernier, il était à Adéwui, ce quartier réputé de triste mémoire où les leaders du FRAC ont été agressés à coups de machettes, de couteaux et autres, par les miliciens agissant à la solde d’UNIR et sous le regard plus que complice des forces de l’ordre et de sécurité. Là il a demandé aux populations de se faire recenser. « Vous êtes une force importante dans le pays. C’est avec votre vote que des députés seront élus pour siéger au Parlement ». « Levons-nous tôt. Participons au processus électoral. Il faut avoir d’abord la carte d’électeur. C’est très important », s’est-il époumoné. Or, l’opposition appuyée dans ses exigences par l’Union Européenne, ne cesse de dénoncer les conditions d’organisation du processus électoral et le refus du pouvoir d’opérer les réformes indispensables à un scrutin transparent, qui répond aux standards internationaux. Il est désormais clair que chez Gilchrist Olympio, les priorités ne sont plus les mêmes. Faire durer le plus possible sa lune de miel avec Faure Gnassingbé, c’est le premier de ses soucis. Et pour cela, il est prêt à sacrifier toutes les valeurs auxquelles il croyait. La démocratie, les droits de l’Homme, le respect de l’Etat de droit.
 

Tel père, tel fils ! Djimon Oré, le duplicata de Gilchrist Olympio

 
Au moment où Gilchrist Olympio va prêcher dans le désert, appelant les populations à voter pour l’UFC, Djimon Oré, ce parvenu, zélote de Gilchrist Olympio, du haut de son portefeuille ministériel, tente, avec succès, de museler la presse. L’unique « diplômé de la Fondation Konrad Adenauer », après une entrée balbutiante et complètement ratée sur la scène publique, a pris des galons et s’érige désormais en un ennemi de la presse privée. Rétif à la critique, il avait, au plus fort de la crise qui secouait l’UFC, mis en garde les journaux qui parlaient de l’existence de deux courants traversant ce parti et donc, parlaient de deux UFC. Ministre de la Communication, il mettait ainsi son pouvoir institutionnel au service de son activisme au profit de Gilchrist Olympio. L’homme, écrivaient certains, était nostalgique de la période Eyadéma marquée par le règne de la pensée monolithique. Epoque où, curieusement, il ne pouvait, en tant que militant de l’UFC, songer un jour enfiler lui-aussi ce manteau de ministre. Tellement la « guerre » sévissait entre l’UFC et le RPT. Et comme pour confirmer que sa mission à la tête du portefeuille de la Communication est et reste la mise sous embargo de la liberté d’expression, il fait voter une loi qui, depuis sa conception en tant qu’avant projet de loi, jusqu’à l’étape de projet de loi et sa mise en forme législative, n’a eu de cesse de susciter la controverse, au sein des organisations professionnelles et syndicales de presse. Et pour cause, ce projet vise à renforcer (C’est fait depuis mardi dernier) les pouvoirs répressifs de la HAAC. Plus clairement, Kokou Tozoun a désormais les coudées franches pour contraindre au silence les journalistes critiques. Mais en outre, il viole de toute évidence les dispositions de l’article 26 de la Constitution togolaise, lesquelles confèrent au seul pouvoir judiciaire, les prérogatives de suspension d’un organe de presse.
 
Comble de cynisme, Djimon Oré appelle cette opération « permettre à la HAAC de prendre ses responsabilités face aux dérives, parfois, quand cela s’impose ». Et se réjouit car « maintenant l’institution qui a la charge de la régulation doit avoir les coudées franches, les prérogatives constitutionnelles pour pouvoir agir ». Curieusement, on parle de restituer à la HAAC, ses prérogatives constitutionnelles. Or, la Constitution à laquelle Djimon Oré fait référence sans jamais réussir à en citer une seule disposition interdit à la HAAC de suspendre un organe. Il déclare, à son corps défendant, qu’ « il ne s’agit pas de museler la presse comme certains le pensent ». Selon lui, « la peur des journalistes n’est pas fondée d’autant plus que le code de la presse est là. La liberté est garantie ». Car « le journaliste ou l’organe incriminé a la possibilité de saisir la chambre administrative de la cour suprême s’il juge la mesure arbitraire pour annulation ».
 
On assiste ainsi à une inversion des rôles. Si avant l’adoption de la loi incriminée, c’était à Kokou Tozoun de saisir la Justice pour obtenir la sanction à l’encontre d’un organe, désormais, c’est à l’organe sanctionné par la HAAC de saisir la Justice, la Chambre administrative de la Cour suprême précisément pour demander l’annulation de la mesure la visant. Mais avec la lenteur de la Justice togolaise ajoutée à sa caporalisation par le pouvoir, il y a bien lieu de crier haro. Hier, les organisations de presse se sont concertées pour envisager la saisine de la Cour constitutionnelle aux fins du contrôle de constitutionnalité de cette loi et donc de son retrait de l’ordonnancement juridique.
 
Avec ces développements, les masques tombent. Gilchrist Olympio et ses « agbassivi », passent d’un bout à l’autre et deviennent de véritables calamités pour la démocratie togolaise.
 
Magnanus FREEMAN


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