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Le tonitruant ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Gilbert Bawara vient encore de rater deux superbes occasions de se taire sur, d’abord un sujet qu’il ne maitrise point: l’histoire des peuples du Togo, leur brassage et leurs croyances religieuses et ensuite, sur l’actualité ambiante.
 
Cela n’étonne pas dans bien de milieux connaissant l’homme, son manque d’humilité, d’expérience et ses complexes inavoués. Invité dans le «12-13» de notre confrère Pierrot Attiogbé sur Nana FM le dimanche 26 mai 2013 et le lundi 27 mai 2013 dans l’édition du journal du matin de Radio Victoire, entre autres raisonnements tirés par les cheveux dans son style provocateur et brut bien connu à faire hérisser les cheveux sur la tête d’un chauve, il s’est encore évertué à donner du tournis aux Togolais.
 
Entre autres questions de notre confrère de Nana FM de savoir comment il a compris la connotation des dernières manifestations du Collectif «Sauvons le Togo» et de la Coalition «Arc en ciel» au cours desquelles les femmes étaient habillées en rouge et noir avec, le long du parcours de la marche du samedi 18 mai 2013, des arrêts ponctués de cérémonies rituelles et incantatoires, il s’est lancé dans une véritable dérive tribaliste et régionaliste en réduisant les militants et sympathisants du Collectif «Sauvons le Togo» et de la Coalition «Arc en ciel» en des «gens d’une certaine région du Togo». On connait mieux, avait-il laissé entendre grosso modo, les gens qui viennent à ces manifestations car croit-il, on ne peut pas voir un Kabyè, un Moba, un Lamba, un Tchokossi, bref un natif du septentrion du Togo, le «Nord» comme on le dit, se prêter à ces rituels incantatoires qu’il n’a pas hésité à qualifier de «dérives sectaires» pour finalement les réduire aux pratiques vaudou. En fait, ce qu’il n’a pas pu oser dire est que ces fameux «gens d’une certaine région» dont il parle et qui seraient les adeptes du Vaudou sont des «gens du Sud Togo», les «Ahouna» par rapport à lui-même, un «gars du Nord», plus précisément dans son cas, un «Nawdm» ou «Losso», c’est selon, de la Préfecture de Doufelgou.
 
C’est vrai qu’il avait voulu se reprendre face à la stupéfaction qui se traduisait dans la voix de son interlocuteur qui lui demandait de préciser sa pensée mais cela aussi, il ne l’avait pas pu, sa langue était partie plus vite en flèche que la retenue inhérente à la fonction qu’il occupe et surtout au contexte togolais où l’exacerbation de la fibre ethnique et régionaliste continue de braquer les populations.
 
Gilbert Bawara, un prétentieux qui ne connaît que nada
 
Le Dictionnaire Universel Hachette définit le «Vaudou», «Vodou», ou «Vodoun» comme: «chacune des divinités qui, chez les peuples du Golfe de Guinée, se situe à un niveau intermédiaire entre le Dieu suprême et les hommes» ou encore comme: «culte des vaudous qui, avec la traite des noirs, s’est répandu aux Antilles (principalement en Haïti) et au Brésil (Bahia), où il intègre des éléments empruntés au rituel chrétien».
 
Après ce simple exercice sémantique, qu’est-ce qui dans la dernière marche-procession du CST et de la Coalition «Arc en ciel» traduit un rituel vaudou? Le seul fait que les femmes se soient habillées de rouge et de noir? Les libations et les incantations? Des questions fondamentales dont les réponses conforteraient tous ceux qui ne veulent pas faire l’amalgame entre la «Tradition» et le «Vaudou», une démarcation que beaucoup de simples d’esprit n’arrivent point à faire en se calfeutrant dans un dogmatisme béat inculqué par les religions importées telles que le Christianisme et l’Islam. Et dans les traditions en Afrique noire ou au Togo, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, dans les contrées les plus reculées, on procède à des rituels de libation pour invoquer Dieu et les esprits. On verse l’eau, on fait des décoctions d’herbes, on se lave avec ou on les verse par terre pour purifier, pour appeler à la protection divine ou pour… maudire. C’est ça la vérité et la réalité.
 
Pour exemple, feu Gal. Eyadéma lors de son fameux «retour triomphal» après le non moins fameux «attentat de Sarakawa» en 1974 avait été soumis aux rituels de libation tout le long du parcours de son retour dans tous les chefs lieux des Circonscriptions administratives du Togo de l’époque pour que les esprits des ancêtres lui veillent dessus. Personne n’avait trouvé à redire. Mais dans le cas qui nous concerne, c’est plutôt la phase de la malédiction sur ceux qui assassinent impunément les pauvres Togolais qui a été mise en branle. Cela doit assurément faire frémir ceux qui, comme Monsieur le Ministre, ne doivent pas dormir du sommeil du juste depuis que ces femmes sont passées à cette «étape spirituelle» dans la joute politique togolaise pour dénoncer les abus de tous genres qui deviennent la règle au Togo.
 
Des «Ahouna» au «nord-to»…
 
Bien malin aujourd’hui ce Togolais qui peut dire qu’il est véritablement un « Ahouna » ou un « Nord-To ». Ce que Gilbert Bawara ne sait pas à coup sûr est que dans les couvents vaudou du sud du Togo résonnent, dans la pénombre, des onomatopées avec des bribes de kabyè, tchamba, losso… Est-ce qu’il peut le comprendre? Des captifs pour ne pas dire des esclaves, il est interdit dans la tradition Mina ou Ewé de désigner quelqu’un comme cela, avaient rétabli leurs divinités dans la cour de leurs maîtres.
 
Le Vaudou Tchamba par exemple, dont les adeptes sont aujourd’hui «Ahouna», les «Tchambassi» avec leur fameuse anneaux formés de fer et de bronze, le «Tchamba Ga» (bracelet de Tchamba) est une divinité que des captifs avaient introduit et préservé. Leurs descendants sont toujours là et portent des noms «Ahouna» et sont considérés comme d’authentiques «gens du Sud».
Autre exemple et non des moindres sur ce sujet assez sensible que ne maîtrise en rien Gilbert Bawara pour parler des «gens d’une certaine région», feu Alex Ayité Gachin Mivédor, l’ancien Grand Chancelier de la République, «Ahouna» de par la consonance et la résonnance de ses patronymes, descendant de la lignée de l’illustre Follyvi Joe Créppy, fondateur du village Follyvi Joe dans les encablures d’Anfoin dans les Lacs nous confia en 1998 dans son bureau en réponse à une invitation qu’il nous avait adressée à la suite d’un article que nous avons publié sur lui et qui faisait cas de ses origines qu’il est «Gourmanché» ou «Gouroumsi» (la mémoire nous fait un peu défaut) de par son aïeul, un «enfant» de Follyvi Joe Créppy comme cela se dit de tout individu qu’acquiert à l’époque un maître, ramené depuis les limites du Burkina Faso actuel.
 
Cela ne l’a jamais empêché de porter le prénom «Ayité» du premier garçon chez les «Tougban» de la Préfecture des Lacs et d’avoir été une référence dans cette grande famille Créppy. Il nous avait aussi éclairés sur son nom «Mivédor» qu’il avait gardé au lieu de Créppy qui n’est en fait qu’une déformation de la langue Fon «Mivê doê», «aller le dire», surnom que portait fièrement son aïeul «Gourmanché» ou «Gouroumsi» parce qu’il ne cessait de le répéter pour faire un pied de nez à ceux qui tentaient de le railler. Alors quand le colon était venu et qu’on a demandé à la cantonade, pour confirmation, pendant l’établissement de son acte de naissance pendant les audiences foraines, tous ont repris en chœur le nom par lequel il l’appelle: «Mivê doê». Transcription du colon: «Mivédor». Voilà pour la petite histoire et pour que les ignorants tournent la langue plus d’une fois avant de parler.
 
Quid de la mère de Faure Gnassingbe!
 
Parler alors au Togo «des gens d’une certaine région», c’est ne rien comprendre de l’histoire du Togo. Mais comme Gilbert Bawara a lancé le pavé, la question qu’on peut se poser est : dans quels gens de quelle région, classe t-il la mère de Faure Gnassingbé, son bienfaiteur, son mentor, son tout, son petit Jésus qui l’a sorti des ténèbres?
Et Gilbert Bawara inventa «son» kerosene…
 
Interrogé sur Radio Victoire sur l’affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara, il a sorti le scoop de l’année: «…le kérosène ce n’est que du pétrole lampant qu’on traite (…) et avec le trafic de carburants, tout le monde peut l’avoir…». Inimaginable n’est-ce pas que pour une affaire de cette envergure qui a vu Etienne Yakanou sacrifier gratuitement sur l’autel de l’arbitraire et de l’injustice, Gilbert Bawara sort du chapeau cet argument saugrenu. Et donc, tout individu peut se le procurer lui demanda notre confrère de Victoire FM? Il rétorqua, et c’est là qu’il faut lier la langue à ce monsieur, «je ne peux pas savoir…».
C’est tout simplement malheureux pour le Togo, pays qui regorge d’intellectuels de renom, qu’il soit laissé dans les mains de quelques gamins insouciants qui font, comme on le dirait tout simplement, «joujou» avec lui. Vraiment dommage!
 
Blaise Sallah
 
Le Correcteur N° 437
 

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