L’offre suscite des réactions parmi les opérateurs économiques
 
L’octroi d’un marché de plus de 6 milliards pour la fourniture d’engrais coton à Elisée Cotrane de Mme Julie Béguédou, intime du chef de l’Etat, continue de susciter des réactions parmi les opérateurs économiques et les citoyens lambda. Malgré la contestation de certaines sociétés soumissionnaires comme Wabco-Cotia SA, la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT) – l’autorité contractante – et le Comité de règlement des différends de l’ARMP (Autorité de régulation des marchés publics) confirment l’attribution provisoire à la société Elisée Cotrane qui est présente dans presque tous les domaines de l’économie togolaise.
 
Dans son message à la nation à l’occasion du 52ème anniversaire de l’indépendance du Togo, le chef de l’Etat a abordé tout ce que les Togolais ont toujours dit haut : l’accaparement des ressources par un groupuscule. « Lorsque le plus petit nombre accapare les ressources au détriment du plus grand nombre, alors s’instaure un déséquilibre nuisible qui menace jusqu’en ses tréfonds, la démocratie et le progrès », a-t-il déclamé. C’est bien beau ! Et les vuvuzelas du microcosme médiatique togolais n’hésiteront pas à célébrer cette hardiesse présidentielle. Mais dans les faits, c’est un pétard mouillé, puisque ce sont les amis et les concubines du chef de l’Etat qui s’emparent de toutes les richesses et prennent en otage l’économie déjà branlante du pays.
 
Avant de consacrer prochainement un dossier à cette problématique, nous allons nous intéresser au cas de la société Elisée Cotrane qui vient de se voir attribuer un marché de six milliards quatre-vingt-dix millions (6 090 000 000) FCFA pour la fourniture de 21 mille tonnes d’engrais coton NPKSB (voir le document en fac-similé). Et ce, au nez et à la barbe des sociétés ayant accumulé plusieurs années d’expérience dans le domaine. Même si dans l’entourage de Mme Julie Béguédou et à l’ARMP, on soutient que le marché a été attribué à Elisée Cotrane en toute transparence, les autres opérateurs économiques croient dur comme fer qu’il y a eu des magouilles.
 
« Nous avons été surpris par les résultats publiés dans « Togo-Presse » du 22 mars 2012 qui attribuent le marché à Elisée Cotrane. Il se pourrait qu’il y ait des gens dans la commission qui l’informent des offres reçues. Si vous voyez les résultats, cette société a été moins disant dans les deux parties et ce qu’elle propose est souvent éloigné des autres offres. Pour nous, cette attribution n’est pas claire, mais nous ne pouvons rien y changer », affirme le responsable d’une des sociétés soumissionnaires.
 
Dans nos recherches, nous sommes tombés sur le N°40 du 02 au 08 avril 2012 du Journal des Marchés Publics du Togo dans lequel on découvre que la société Wabco-Cotia SA, soumissionnaire comme on peut le constater sur le document, a tenté de contester le choix d’Elisée Cotrane pour la fourniture des 21 mille tonnes d’engrais. « Par exploit daté du 21 mars 2012 et enregistré le même jour au Secrétariat du Comité de règlement des différends (CRD) sous le numéro 280, Maître Djibril T. A. Agouda, huissier de justice à Lomé, agissant à la requête de la société WABCO-COTIA SA, a notifié à l’ARMP un recours daté du 14 mars 2012 exercé par la société WABCOTIA SA en annulation de la décision d’attribution provisoire du lot N°1 de NPKSB 12.20.18.5.1 à la société ELISEE COTRANE dans le cadre de l’appel d’offres international N°019/2011/FNGPC lancé par la Nouvelle société cotonnière du Togo (NSCT) », y lit-on. Déjà, le 28 février 2012, la société WABCO-COTIA SA a introduit un recours gracieux en contestation de la décision de l’autorité contractante, une requête qu’a rejetée la NSCT, confirmant alors l’attribution provisoire du lot N°1 à la société Elisée Cotrane. Et comme il fallait s’y attendre, le Comité de Règlement des Différends de l’ARMP a déclaré irrecevable ce recours, arguant qu’il a été introduit hors délai.
 
De toute façon, ce sont les amis du chef de l’Etat qui peuplent aussi bien l’ARMP que le Comité de règlement des différends. En dépit de la transparence proclamée, il n’est pas exclu que ceux-ci cherchent à favoriser les sociétés appartenant à leurs proches. Par exemple, Alexis Coffi Aquereburu qui est membre du CRD, est le conseiller juridique du chef de l’Etat et son cabinet défend souvent les hommes et les femmes qui gravitent autour du pouvoir. « Avec l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir, il s’est créé à tous les niveaux des réseaux mafieux qui permettent à certains de s’enrichir, déplore un économiste. Puisqu’il n’y a aucune sanction, chacun fait ce que bon lui semble. En plus, ceux-ci ne peuvent jamais disqualifier une société appartenant aux concubines du chef de l’Etat. Ils vont plutôt tenter de les favoriser, croyant entrer dans les bonnes grâces de Faure Gnassingbé. Le cas de l’ex-ministre du Commerce, Seth Kokou Gozan, qui a attribué le monopole de l’importation du riz à Elisée Cotrane et à une autre société, est illustratif ».
 
Enfin, il se posera des problèmes lorsqu’il sera question du non-respect des termes de l’offre attribuée à Elisée Cotrane et de la qualité des produits qui seront livrés. La NSCT peut-elle avoir le courage de sommer cette intime du chef de l’Etat de rectifier le tir ? « Je ne le pense pas, répond un comptable. Mais s’il s’agit d’une autre société, la NSCT aura beaucoup d’arguments à faire valoir pour que le tort soit réparé. Elle peut même poursuivre à l’échelle nationale ou internationale la société qui n’aura pas respecté ses obligations ».
 
R. Kédjagni
 
source : | liberte-togo.com
 

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