adja_gerard_500


Il y a vingt trois jours, le jeune Mohamed Loum écrivait au Président national de l’ANC une lettre depuis sa cellule de la gendarmerie nationale. Cinq jours après, le 21 mars 2013, il faisait devant le Doyen des juges d’instruction, le procureur de la République, Agbéyomé Kodjo et quatre avocats, des déclarations conformes au contenu de cette correspondance à l’époque non encore tombée dans le domaine public, s’il n’est pas allé encore plus loin. Le mercredi 27 mars dernier, après avoir été déchargé par Mohamed Loum, alias Toussaint Tométy de la participation les 5 et 8 janvier à une prétendue réunion tenue au siège de l’ANC et donc blanchi, Gérard Adja, le premier Vice-président d’Obuts, affrontait cinq heures durant son second et dernier « témoin à charge », un certain Azéa.

A sa sortie du bureau du Doyen des juges d’instruction ce jour-là, interrogé par la presse, l’avocat de « l’inculpé », Me Claude Amégan s’était déclaré satisfait. Pour mémoire et selon des indiscrétions, la partie ne fut pas facile pour Gérard Adja. Pourquoi ? Ce jeune homme que l’on savait très actif dans le parti et qui ne marchandait pas son soutien à Obuts, revendeur de pneus auprès de qui le Président et le premier Vice-président s’approvisionnaient quelquefois, était devenu tout méconnaissable, allant jusqu’à déclarer, tout en regardant les yeux dans les yeux Gérard Adja, lui lâcher à peu près : « Croyez-vous que vous allez gouverner ce pays ? Jamais ! ». Le Vice-président n’en revenait pas. S’il faut être militant d’un parti pour souhaiter ne jamais le voir gouverner, n’est-ce pas « très fantastique » ?

Selon des indiscrétions, tout porte à croire qu’après avoir été disculpé par Toussaint Tométy in extremis à la grande déception de ceux qui l’avaient manipulé et dressé pour noyer Gérard Adja, et consorts membres du Collectif « Sauvons le Togo ! », Azéa, était le dernier espoir du Pouvoir pour l’aider à maintenir en détention le Vice-président d’Obuts. Et Azéa n’y était pas allé de main morte. Rien de surprenant ! Il fera feu de tout bois. A preuve, la phrase audacieuse qu’il lâcha à la figure du sieur Adja, son ex-Vice-président, devant le Doyen des juges d’instruction et le Procureur de la République. Il faut dire que, convaincu de son innocence, Adja attendait impatiemment déjà depuis plusieurs jours cette confrontation avec celui qui prétendait avoir été chargé par lui d’incendier des stations d’essence, tant il avait, lui aussi, ses arguments pour confondre celui qui le met en cause. Voilà pourquoi les Togolais n’ont pas été surpris d’entendre son avocat déclarer laconiquement à la presse à la fin de cette rencontre qu’il était satisfait.

Avant d’aller plus loin, M. Gérard Adja a été arrêté dans le cadre de l’incendie du marché de Lomé et même si vous voulez, pour faire plaisir au Pouvoir, dans celui du marché de Kara aussi. Mais alors qu’au SRI on parle de projet d’incendie de stations d’essence et qu’aucune station d’ailleurs n’a pris feu, la seule tentative de mise à feu de station service, c’était curieusement un gendarme en tenue civile qui s’apprêtait à le faire à la station MRS vers l’aéroport. La suite, tout le monde la connaît. Le propriétaire d’une moto qui avait failli en être victime au moment où il s’approvisionnait, avait été plutôt accusé trois jours plus tard à la gendarmerie nationale de mentir dans le compte du gendarme pyromane.

Au finish, aucune station-service n’a été brûlée. Certains soupçonnent même ces jeunes en civil qui avaient accompagné Azéa à son rendez-vous avec Gérard Adja d’être des gendarmes en civil. Autrement dit, de l’avis de certains, Azéa aurait été récupéré, acheté depuis un temps à l’insu d’Obuts et manipulé sûrement pour jouer le même rôle que feu Vidada et créer des problèmes d’abord au premier Vice-président du parti. Ceci nous amène à revenir sur la journée du 13 janvier 2013 où celui-ci a été le premier membre du CST à être arrêté dans cette affaire d’incendie, 24h seulement après l’incendie du grand marché de Lomé, alors que personne d’autre n’avait été auparavant interpellé qui pouvait impliquer M. Adja. Ce n’est qu’après la mise aux arrêts de celui-ci, que le SRI se lancera à la recherche des « enfonceurs ». Ce qu’il trouvera notamment en la personne de Loum et d’Azéa. Nous en parlions déjà le 15 janvier.

Le refus provisoire d’élargir M. Adja et les autres depuis les révélations de Mohamed Loum le 21 mars devant le Doyen des juges d’instruction et le Procureur de la République, patron de l’enquête qui aurait déclaré pour sa part, tout confus au ministre de la justice au téléphone : « Cet enfant nous a tués, il parle trop », relèverait d’une volonté de couvrir, ne serait-ce qu’un temps, la nudité du Pouvoir. Mais faudrait-il continuer à en faire payer le prix à des innocents et pères de famille embastillés à tort ? Certains citoyens, sans détour, parlent de honte difficile à encaisser. Pour revenir au cas spécifique du Vice-président d’Obuts, il est important de revenir sur les révélations que nous faisions dans notre parution n° 1372 du 15 janvier 2013.

Le maintien presque deux semaines après la deuxième et dernière confrontation de Gérard Adja attendue jusque-là impatiemment par celui-ci, et surtout après que son avocat eut exprimé son satisfecit, nous rassure pleinement aujourd’hui, plus de deux mois après que nous avions écrit : « Gérard Adja paierait sans doute pour son refus d’entrer dans l’actuel gouvernement », que nous avions vu juste. A titre de rappel, le lundi 30 juillet 2012, la publication du gouvernement Ahoomey-Zunu était attendue. Des manœuvres étaient entreprises par le Colonel Massina Yotroféi, directeur de l’ANR qui s’était rabattu sur l’un de ses amis et en même temps connaissance de Gérard Adja, pour le convaincre d’accepter d’entrer dans le gouvernement en formation.

Au même moment, la personne (une personnalité bien connue que nous n’avons aucune raison d’exposer au public) « cuisinait » paisiblement le président d’Obuts dont elle a l’accès facile, pour le convaincre que son Vice-président est prêt à entrer dans le gouvernement et que dès qu’il entendrait son nom, qu’il prenne une note pour l’exclure du parti. Cela aurait pour but de créer des problèmes à Agbéyomé Kodjo et affaiblir son parti. Ce qui constitue une idée fixe du Pouvoir depuis 2010. Lorsqu’il sera contacté au dernier moment, il exprima son refus d’entrer dans ledit gouvernement. Déception, car c’est à cause de lui que le gouvernement n’a pas pu être connu le 30 juillet. Finalement et en désespoir de cause le gouvernement sera rendu public le mardi 31 juillet 2012.

Ce refus, tout avait été mis en œuvre pour le faire payer à Gérard Adja. Mais au fait quel problème y a-t-il, lorsque vous voulez nommer quelqu’un à un poste ministériel et que pour des questions d’éthique, cette personne refuse d’y adhérer ? Quelques semaines plus tard, coïncidence ou coup prémédité, devant l’école privée laïque ESSOR à côté du camp militaire d’Adidogomé, un accident se produisait de nuit entre la voiture de Gérard Adja, un autre de marque Mercedes-benz, et un troisième. L’un de ces deux véhicules curieusement était piloté par un gendarme de l’ANR en tenue civile au volant. Ce n’est que par hasard que M. Adja saura plus tard que ce dernier travaille à l’ANR.

Lorsqu’on se rappelle après l’interpellation de Gérard Adja, que l’on se rend compte des conditions de son arrestation, et qu’il est toujours gardé jusqu’ici alors qu’il n’avait plus de raison comme d’autres d’y être, il y a lieu de douter que ce fût un accident ordinaire. Bien qu’ayant raison et voulant éviter des problèmes inutiles, c’est lui qui avait pris en charge la réparation des deux véhicules et d’ailleurs sous la pression des deux propriétaires. Si nous nous posons la question de savoir entre Faure Gnassingbé, Titikpina et Massina, qui a intérêt à ce que Gérard Adja, douze jours après, soit encore en détention, c’est parce qu’il était arrivé en 2012 un moment où le Gal Titikpina tout autant que le colonel Massina n’avait pas caché son intention de voir Agbéyomé et les siens collaborer avec le Pouvoir. C’était à l’occasion d’une rencontre pour trouver un compromis au moment où pleuvaient les gaz lacrymogènes à Lomé. Tout le monde connaît le rôle joué par ces deux militaires dans le maintien au pouvoir de Faure Gnassingbé.

Ce refus de trahir la lutte collective menée par l’opposition en vue de sortir le Togo de sa situation déshonorante et pas du tout enviable dans toute la sous-région peut bien être à la base de la misère qui est faite à Gérard Adja jusqu’à ce jour. Agbéyomé Kodjo, son président est passé aussi par là et dans les conditions qu’on sait. Inutile de revenir sur d’autres éléments de preuve. Il est temps que le Togo fasse l’effort d’entrer dans l’histoire. Cela passe indubitablement par le respect des droits des citoyens et par le choix d’une bonne gouvernance. Le Pouvoir doit laisser la justice aux juges. Gérard Adja, Alphonse Kpogo, Ouro Akpo-Tchagnao, et tous les autres doivent recouvrer leur liberté.

Nous avons la preuve aujourd’hui que le Procureur est sous ordres et ne veut pas faire libérer le premier Vice-Président d’Obuts. Une lettre de mise en liberté provisoire aurait été adressée depuis au Doyen des juges d’instruction. S’il n’y a pas une suite favorable jusqu’ici, le Procureur est celui qui doit dire aux Togolais pourquoi. Ce pays a un honneur que les dirigeants et les juges, dans un sursaut patriotique doivent sauver. Cela y va de l’honneur de Faure Gnassingbé et de ceux qui, bien qu’étant militaires et reconnaissant que leur armée est « républicaine » et « apolitique », continuent de se mêler de la vie politique du Togo et de toutes les intrigues. Manquant d’argument, la justice estime que Gérard Adja avait tenu des propos frisant la violence sur une radio peu avant le début des « derniers tours de Jéricho ». Rien de convaincant !

Alain SIMOUBA

liberté Togo

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here