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Le principal magistrat en charge de la lutte contre la corruption au Ghana a rendu sa démission. Une option qu’il justifie par son incapacité à accomplir sa mission. Au Togo, le président de la HAPLUCIA se fait tout petit et présente des excuses aux pilleurs de la République.  

Le Procureur spécial Martin Amidu en charge des dossiers de corruption a présenté, le 06 novembre dernier, sa démission au président Nana Akufo-Addo. Dans la lettre adressée au chef de l’Etat, le magistrat soutient que le motif de sa démission est son incapacité à mener à bien sa mission. En effet, des soupçons d’irrégularités pèsent sur l’introduction en bourse du fonds Agyapa Royalties. Ce fonds chargé de collecter les redevances minières dans le pays est présenté comme un moyen de soutenir l’investissement dans le secteur minier sans recourir à la dette. « La réaction que j’ai reçue pour avoir osé produire le rapport anticorruption Agyapa Royalties Limited Transactions me convainc hors de tout doute raisonnable que je n’avais pas la possibilité  de faire valoir une quelconque indépendance en tant que procureur spécial dans la prévention, les enquêtes, les poursuites et le recouvrement des allégations de corruption. Ma position de Procureur spécial est par conséquent devenue clairement intenable », a-t-il a indiqué M. Amidu. Le magistrat a également adressé sa reconnaissance à tous les Ghanéens pour leur soutien et leurs critiques pendant son mandat. « Lorsque les faits réels de mon mandat seront bien connus du public, l’histoire pourra me juger avec bienveillance. Le Ghana d’abord! », a-t-il écrit.

Porté à la tête de la lutte anticorruption il y a trois ans, le procureur spécial adresse, à travers sa démission, un message fort au peuple ghanéen, mais également à tous les Africains. Ce que de nombreux médias et des observateurs présentent comme un camouflet pour le président ghanéen doit être plutôt perçu comme un acte héroïque dans une Afrique gangrenée par la corruption et toutes sortes de crimes économiques. Un magistrat anticorruption qui démissionne, cela ne court pas les rues.

Au Togo, cela relève de l’impossible. Les démissions, nous ne le connaissons pas. Ce n’est pas dans les gènes des dirigeants de quitter leur poste qu’ils soient admis à la retraite ou dans l’incapacité d’accomplir la mission à eux confiée. Cette impossibilité de démission, même quand on est dans une situation d’empêchement d’exercer sa mission, s’est récemment manifestée à travers les tergiversations du président de la  Haute Autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA), Essohana Wiyao, lui aussi magistrat de profession.

Le 06 août 2020, au cours d’un atelier de validation d’une enquête confiée à l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques et Démographiques (INSEED), la HAPLUCIA a indexé certains acteurs de la corruption dans le pays.  « Selon le rapport, il ressort de l’analyse de la perception de la corruption que 91% des personnes enquêtées ont déclaré savoir ce qu’est la corruption. Ce phénomène fait intervenir plusieurs acteurs dont l’initiateur. Au Togo, les initiateurs de la corruption sont constitués pour la plupart des personnes disposant de moyens financiers importants, les riches. 77,2 % de cette catégorie d’acteurs entretiennent le phénomène de la corruption. Les initiateurs se retrouvent également dans le camp des acteurs disposant de mandat électif ou nominatif. Ce sont les ministres, les préfets ou les magistrats parmi lesquels 57,2% initient l’acte de corruption. Le rapport donne une idée des composantes de la société qui cèdent le plus à la corruption. Ils représentent 70,0% chez les agents de la justice et 43,3% chez les financiers ou comptables. Quant aux principales causes de la corruption, ce sont la pauvreté (77%) et la faiblesse des revenus (56,3%) », avions-nous rapporté dans notre parution N° 3205 du 07 août 2020.

Avec la publication de ce rapport, on croyait la HAPLUCIA finalement sortie de sa léthargie. Elle venait de « taper fort ». Enfin, avaient cru les concitoyens, la lutte contre la corruption va connaître de beaux jours. Cette jubilation n’a été que de courte durée. Essohana Wiyao y a vite mis un terme. Dans un point de presse organisé spécialement pour se prononcer sur l’ampleur qu’a son rapport dans les médias et au sein de l’opinion, le magistrat fait volte face, accusant les médias d’avoir fait un traitement erroné du sujet. « L’objet de cet atelier était bien « la validation du Rapport final de l’étude sur la perception et le coût de la corruption au Togo ». Cet atelier était destiné à l’enrichissement de ce rapport final par des experts et des personnes ressources venus de plusieurs départements ministériels et de tous les secteurs socioprofessionnels du pays », avait-il déclaré.

Pour couronner cette sortie faite sous la pression des corrupteurs, il martèle que ni l’étude, ni l’atelier du 06 août 2020 n’étaient destinés à épingler certaines personnalités du pays. « Nous déplorons le mauvais relais médiatique qui en été fait. Nous présentons donc toutes nos excuses aux personnalités qui ont été affectées par le mauvais relais médiatique qui a été fait de notre atelier du 06 août 2020 au Relais de la Caisse », s’est-il fendu.

Que l’on soit au Ghana ou au Togo, la force des institutions, la compétence et la probité de ceux qui les animent ainsi que leur sens du patriotisme s’opposent. Entre un magistrat anticorruption qui s’excuse après publication d’un rapport à son collègue qui démissionne pour dénoncer les entraves à sa mission, il y a une différence. Essohana Wiyao peut aller à l’école de Martin Amidu.

G.A.

Source : liberté

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