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A défaut de tripatouiller le rapport d’enquête des experts français, le pouvoir, pour sauver la face, s’est fabriqué un rapport bis, dont l’effet était de contrebalancer la vérité contenue dans le premier, sur le dossier des incendies des marchés. Le nom de l’expert probablement tiré de l’imaginaire du pouvoir, est Shlomo Maor. Il serait israélien.
 
La vérité sur les incendies des marchés de Kara et de Lomé, le pouvoir togolais ne l’admettra probablement jamais officiellement. Et c’est peut-être peu dire. En réalité, il compte laisser planer les accusations portées contre les responsables du Collectif « Sauvons le Togo ». Les manœuvres ayant conduit le Procureur de la République à livrer les conclusions de deux rapports d’enquête au lieu d’un, attendu depuis trois mois, confirment ce dessein inavoué.
 
C’est un secret de Polichinelle, le parquet a, dès le lendemain des incendies, lancé une vaste croisade contre les responsables du CST ; et depuis lors, il ne se passait de jour sans qu’aucun responsable ou militant du CST ne soit inquiété, interpellé, gardé-à-vue ou placé sous mandat de dépôt. Tout le monde vivait dans la peur du lendemain, dans la peur que le Capitaine Akakpo ne vienne le chopper. Et pourtant, à cette époque, personne ne pouvait dire exactement les substances ayant provoqué l’incendie, même si la piste criminelle faisait l’unanimité. La proximité entre les deux sinistres à Kara et à Lomé étant raisonnablement loin d’être un simple hasard de calendrier. L’ignorance de la substance manipulée aux fins de provoquer ces incendies était d’autant plus évidente que face à l’incapacité de ses éléments de faire une enquête crédible, dénuée de tâche, Faure Gnassingbé a fait appel à l’expertise française.
 
Sur sa requête, François Hollande a envoyé deux experts dans nos murs. A leur arrivée, dans une logique de transparence totale, l’Ambassade de France a rendu public un communiqué informant de leur présence au Togo, de leur mandat précis et de l’intervalle de temps dans lequel était confinée leur mission. Hervé Bazin et Major François Deblasi sont les deux experts. Ils sont « spécialisés en recherche des causes d’incendie », et doivent rechercher, «à partir de l’étude des lieux sinistrés, à comprendre les causes de ces drames ». « Ils travailleront en synergie avec les autorités togolaises afin d’analyser et de prélever des éléments permettant d’établir le point de départ des incendies, d’en expliquer la ou les causes et d’en comprendre la propagation ». Leur mission est prévue pour une semaine, du 19 au 26 janvier 2013.
 
Depuis la fin de leur sortie sur le terrain et leur retour au bercail afin d’analyser les prélèvements qu’ils ont effectués, s’ébruiteraient des informations sur la nature de la substance inflammable. Le kérosène. Avant eux, les sapeurs pompiers ghanéens venus faire tout le boulot en lieu et place de leurs confrères togolais, avaient déjà exploré sérieusement la piste du kérosène. « La Lettre du Continent » avait également parlé de traces de kérosène retrouvées sur la scène du sinistre à Adawlato et dément ainsi de front, le Col. Yark Damehame qui, tel l’Inspecteur Colombo (sic), brandissait des jeunes présumés auteurs qui prenaient plaisir à impliquer, au cours de leurs supposés aveux, sur lesquels ils reviendront plus tard, les responsables du CST. Ils avaient également décrit leur supposé mode opératoire, la séquence des préparations mystiques destinées à les rendre invisibles, bref, autant d’incongruités que l’on ne pouvait recevoir nulle part sauf au Togo. Mais surtout, ils ont révélé l’utilisation de bidons d’essence, de cocktails Molotov, etc.
 
Autant de supposées révélations que n’a pas permis de confirmer le rapport d’enquête des Français sur lequel le pouvoir avait tenté de mettre un embargo. Selon le rapport des Français qui confortait ainsi tout ce que tout le monde, sauf les tenants du pouvoir, savait, c’est un produit de type kérosène qui a été utilisé par les pyromanes. « Au cas où l’enquête concluait à l’utilisation du kérosène –dont des traces ont été trouvées sur la scène du crime à Lomé, selon le journal « La Lettre du Continent » -, et d’autres substances auxquelles seuls les tenants du pouvoir pourraient raisonnablement avoir accès, quelle attitude aura Faure Gnassingbé ? Fera-t-il régner «la force de la loi sur la loi de la force» ? Fera-t-il une application rigoriste de la loi pour sanctionner son intime et ses hommes de mains » ?, nous interrogions-nous dans notre publication du 05 mars 2013. Une interrogation d’autant plus légitime qu’à l’époque, des sources très crédibles nous orientaient vers des réseaux proches d’une égérie de la République, très puissante à ce qu’on dit. Eh bien, le pouvoir a trouvé la bonne formule sinon la moins mauvaise qui lui évite sans doute de perdre la face. Fabriquer un second rapport d’enquête, attribué à un parfait inconnu et dont les conclusions, pourraient contrebalancer les conclusions du rapport des Français, pense-t-on du côté de l’opposition.
 
Dans la même publication, nous tirions la sonnette d’alarme sur le fait que pour brouiller les pistes, les enquêteurs ont été dirigés vers le marché d’Adidogomé où avait été signalé un début d’incendie et où avaient été préalablement disposées des substances telles les cocktails Molotov, des bidons d’essence, etc. par qui ? Suivez notre regard. Rien d’étonnant donc que les Français aient découvert sur les lieux plusieurs dispositifs de mise de feu réalisés à l’aide de cigarettes associées à des allumettes et à des sacs remplis de carburant. Et qu’ils indiquent que ces dispositifs étaient destinés à différer l’inflammation du carburant posé à proximité immédiate du dispositif de mise de feu, et que l’analyse de l’échantillon prélevé sur le sol là « a permis de mettre en évidence une essence pour automobile et que la présence de plusieurs dispositifs de mise de feu associés à ce type d’accélérant, c’est-à-dire l’essence pour automobile permet d’associer la cause du sinistre à une intervention humaine délibérée ».
 

Le rapport Shlomo Maor, le rapport du mensonge

 
L’interrogation revêt tout son sens. Ce rapport, de l’avis de beaucoup, reste la preuve de la détermination du pouvoir à faire ombrage à la vérité dans le dossier des incendies des marchés. Mais en outre, il permettrait au pouvoir de se sortir de ce labyrinthe dans lequel il est englué, sans pourtant se tirer une balle dans les pieds. Ce rapport du soi-disant expert israélien qui conclut avoir constaté des vapeurs de Benzène/Essence reste la meilleure porte de sortie pour le pouvoir et le parquet, qui ont commis des rafles parmi les opposants en se fondant sur des preuves fabriquées et extorquées tantôt sous menaces tantôt à coup de subornation de témoins et/ou auteurs présumés des incendies.
 
En effet, devant l’ampleur prise par cette affaire, le pouvoir Faure Gnassingbé ne pouvait pas exceller dans son activité favorite : le tripatouillage des rapports. Cette entreprise pourrait provoquer l’ire des experts français et de l’Etat français. Cette option étant exclue, il fallait, pour ne pas se créer trop d’ennuis, faire tout simplement omerta sur ce rapport et ne jamais en divulguer les conclusions. Cette option, moins périlleuse, a été sérieusement explorée. En témoigne le temps excessivement long, (près de deux mois qui se sont écoulés entre la transmission du rapport au gouvernement togolais et sa pseudo-publication) pendant lequel l’opposition a désespérément réclamé la publication du rapport. Des appels qui se sont heurtés pendant longtemps à la surdité du pouvoir. Mais qui ont finalement reçu écho, probablement suite aux pressions qu’auraient exercées les partenaires occidentaux sur le Togo. Sa publication au moment où le CST est en tournée européenne ne semble pas fortuite.
 
Poussé à révéler le contenu du rapport, le pouvoir, pour ne pas perdre la face, devait donc trouver une autre option. Atténuer la portée dudit rapport par les conclusions biaisées établies par un autre rapport. D’où le rapport Shlomo Maor attribué à un soi-disant expert israélien. A preuve, à aucun moment il n’a été fait mention du recours du gouvernement togolais à un expert israélien. Même Essolissam Poyodi, lors de ses nombreuses sorties, n’en a jamais parlé. Simple omission ?
 
A y regarder de plus près, il ne reste plus qu’à rechercher les vrais auteurs des incendies ailleurs, notamment parmi ceux qui pouvaient raisonnablement avoir accès au kérosène, cette substance dont le trafic relève d’une question de sécurité nationale. Car la piste de l’essence mise en exergue par l’expert israélien ressemble à tous points de vue à une opération trompe-l’œil.
 
Magnanus FREEMAN
 
Nouvelle sortie du Procureur
 
La trop grande importance accordée à « l’incendie » du marché d’Adidogomé a-t-elle une finalité ?
 
Sorti du chapeau magique du Procureur de la République ce mercredi, Shlomo Maor, l’Israélien, est le nouveau nom étranger qui va faire parler de lui après le rocambolesque épisode de l’émirati, Abass Al Youssef, l’escroc recherché ça et là et à qui le Togo, pour sa part a cru bon de dresser le tapis rouge sous l’air ahuri des populations. Lorsque, aussitôt après l’incendie du grand marché de Lomé, les autorités ont requis l’expertise de deux spécialistes français aux fins d’enquête pour déterminer l’origine et la cause de l’incendie des deux grands marchés de Kara et de Lomé, tout le monde en était informé.
 
La durée du séjour au Togo des experts de la police scientifique et le délai dans lequel le rapport était attendu, nul n’en faisait mystère. Mieux, l’Ambassadeur de France au Togo a produit à ce sujet un communiqué. Contre toute attente, voilà qu’après le passage en Europe de l’opposition pour une mission d’information et juste après le retour de la délégation, le Procureur Blaise Poyodi convoque les journalistes pour une conférence de presse. Là, surprise : pour la première fois il parle de Shlomo Maor. Pourquoi depuis ces événements malheureux, ni en janvier, ni en février, ni en mars, et subitement à moins d’une semaine de la fin du mois d’avril, on parle aux Togolais d’un Israélien impliqué aussi dans l’enquête ?
 
Franchement, quand la chose se passe ainsi, on est révolté. Pourquoi ? Parce que ces messieurs qui nous dirigent et qui sont censés œuvrer pour la promotion de notre justice, donnent l’impression de prendre tout le monde dans ce pays pour des gosses, pire, comme des cancres, des gens qui n’ont pas de jugeote. Et monsieur le Procureur qui dirige la fameuse commission l’enquête trouve que les Togolais vont avaler facilement cette grosse couleuvre.
 
Pour notre part, nous n’hésitons pas à lui signifier que ce Shlomo Maor est un arrangement de sa part. Il s’est simplement arrangé avec ce monsieur, lui indiquant ce qu’ils attendent de lui. Il est inutile de vouloir convaincre les Togolais que ce monsieur n’est pas entré dans le jeu il y a seulement quelques jours, alors que la publication du rapport des Français constituait déjà une arête dans la gorge du pouvoir, histoire de faire diversion.
 
Lorsqu’on parle du marché d’Adidogomé en terme d’incendie, on se demande de quel marché il s’agit au juste, car au lendemain du bruit qui avait couru que ce marché avait pris aussi feu, nous nous y étions rendu et avions posé la question aux riverains de savoir si c’est vrai qu’il y avait eu un incendie ici aussi, la réponse fut mi-figue, mi-raisin. Et des gens, dubitatifs, nous avaient indiqué un endroit qui ne nous avait pas convaincu. On se rappelle que cela survenait après que les autorités avaient pris la décision de sécuriser tous les marchés en y déployant des militaires.
 
Et puis pour qui connaît ce marché, il n’y a que des hangars et six à huit magasins construits il y a environ trois ans par la préfecture et mis en location. Nous sommes étonné qu’on parle d’incendie de ce marché et que ce ne soit pas des magasins qu’on ait pu nous indiquer comme ayant subi cet acte criminel. D’où, il y a lieu de s’étonner de la grande importance qu’on semble accorder audit marché et à son prétendu incendie. Ceci nous amène à parler un peu de quelqu’un, le tout premier Togolais arrêté dans cette affaire d’incendie de manière rocambolesque, alors qu’aucune enquête n’avait commencé. Dédouané par Mohamed Loum, puis s’en étant bien sorti après la confrontation avec Azéa à la satisfaction de son avocat, et alors que sa famille croyait à une imminente libération, il est toujours gardé dans les liens de la détention depuis trois mois et demi.
 
Vice-président d’Obuts, Gérard Komla Adja mis aux arrêts depuis le 13 janvier 2013, soit 24h seulement après l’incendie du 12 janvier, continue son chemin de croix. Une curieuse interpellation qui porte à croire qu’on le guettait depuis longtemps. Il avait été arrêté avant même que la fameuse commission d’enquête ne fût mise sur pied et avant même que le SRI n’opère l’arrestation des jeunes torturés et manipulés par les services du capitaine Akakpo pour cracher des noms. Après l’introduction d’une demande de mise en liberté provisoire, le Procureur Poyodi s’y oppose. Il est seul à en savoir la raison. On trouve qu’il avait usé d’un langage de violence sur une radio. Cela suffit-il ? Et tout dépend de l’interprétation qu’on choisit d’en faire. L’étonnante importance qu’on semble accorder au marché d’Adidogomé situé à environ 300m de son domicile, alors qu’il y avait eu de plus grands incendies ailleurs, aurait-il un lien avec son maintien jusqu’ici en détention ? On attend de voir.
 
Un détail intéressant. La nuit où brûlait le grand marché, Adja reçut en plein sommeil aux environs de 23h un appel sur son portable. Celui qui l’appelait, il ne le connaissait pas. Il lui signifiait qu’il est un militant de son parti et l’invitait à venir à son secours, car il vendait du « boudè » et des soldats étaient venus ramasser tout. Il n’avait pas accordé du crédit à ça et s’était rendormi. C’est un peu plus tard que l’une de ses connaissances le réveilla pour lui annoncer que le grand marché était en train de brûler, le marché qu’animaient quelques parents à lui. Le samedi 12 janvier dans l’après-midi, lorsque nous étions passé chez lui, au détour d’une conversation, il nous parla de cet appel d’un inconnu qu’il n’avait pas compris. Cela ne pouvait-il pas être une manœuvre du pouvoir ? Où ce prétendu vendeur de carburant avait-il trouvé son numéro ?
 
Plus tard, après son arrestation, « Liberté » avait sorti un article le 5 mars 2012 intitulé : « Le rapport des experts français se fait attendre. Quelle attitude adopterait Faure Gnassingbé si l’enquête concluait à des résultats qui n’orientent pas vers le CST ? ». Dans cet article, on pouvait lire : « … Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que selon des informations provenant de sources très crédibles, ce seraient les réseaux proches d’une égérie de la République qui auraient commis cet acte crapuleux et d’une inhumanité rare. Selon les explications, elle serait très mécontente d’une réforme en cours qui devrait aboutir à la priver de l’emprise qu’elle avait sur les deniers publics. Et pour exprimer son mécontentement face à la perte progressive de sa puissance, elle n’aurait opté que pour cet acte barbare. Les mêmes sources confirment que ces actes criminels auraient été perpétrés à l’insu de Faure Gnassingbé ; mais que pour brouiller les pistes, les pyromanes ont déposé des cocktails Molotov au marché d’Adidogomé où un début d’incendie avait également été signalé, histoire d’orienter les enquêteurs vers la piste des adversaires politiques de Faure Gnassingbé ».
 
En tout cas, un certain shlomo Maor vient d’entrer en scène, sans doute pour brouiller des pistes. Mais il n’y a qu’une vérité, pas deux ! On attend tous de voir. Mais faut-il le rappeler, c’est bien le Procureur de la République, patron de l’enquête censé être neutre, qui a trouvé que le jeune Mohamed Loum les a tués et qu’il parlait trop.
 
Alain SIMOUBA
 
 
source : Liberté Togo
 
 

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