Toute personne privée de liberté est traitée en tout temps avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Mais à la prison civile de Lomé et plus généralement au Togo, c’est un tout autre son de cloche. Tout y est fait de façon à dénier au détenu tous ses droits les plus essentiels, même ceux qui sont rattachés à sa personne.
 
Les prisons togolaises, on ne le dira jamais assez, ressemblent bien à des mouroirs, si elles ne le sont effectivement. Un individu qui y est envoyé, n’en revient vivant souvent que grâce à la Providence. Et pour cause, les conditions de vie et de détention y sont pour le moins exécrables. De nos enquêtes, il ressort que la surpopulation est un facteur majeur explicatif de ce désastre. L’image des prisonniers entassés dans une cellule à la prison civile de Lomé que votre journal publie depuis un moment lève un coin de voile sur le calvaire que vivent les détenus au Togo. Une salle de 4 m2 peut contenir jusqu’à quatre-vingts ou quatre-vingt-trois personnes. Les normes internationales prévoient pourtant que « Les locaux des lieux de détention doivent répondre à des prescriptions suffisantes en matière de cubage d’air, de superficie, d’éclairage, de chauffage et de ventilation».
 
Au Togo, l’on semble bien à des années-lumière de ces recommandations. Conséquence, la surpopulation carcérale entretient une certaine promiscuité et réduit à zéro le niveau d’intimité des détenus. La plupart des cellules étant dénuées d’infrastructures sanitaires, se soulager en prison prend parfois l’allure d’une véritable pénitence. Comme nous le révèle un ex-détenu, pour faire ses besoins, « on s’asseoit sur un seau d’eau et on se libère devant tous ses codétenus qui n’ont d’autre choix que de supporter l’odeur nauséabonde de la défécation. Un autre codétenu, sentant les mêmes besoins, prendra le même seau pour la même opération et ainsi de suite. Tôt le matin, ils vident le pot ailleurs ». Au mépris des standards internationaux qui disposent que : « Chaque prison devrait disposer des installations sanitaires appropriées et des services d’un personnel médical qualifié… ».
 
Sur le sujet, les occupants des étages 1 et 2 et des cellules « Agboyibor » sont plutôt mieux lotis. La plupart des cellules qui sont logées à ces étages, sont nanties de douches et d’urinoires. Mais lorsque les puisards sont remplis, et cela arrive très souvent, l’administration pénitentiaire ne se charge pas de les vidanger. Cette charge est laissée aux prisonniers qui, contre leur gré, le font avec leurs mains. L’opération consiste à vider les fosses septiques avec la main, surtout lorsque la machine affectée à cette tâche tombe en panne. D’après les informations, un détenu aurait perdu la vie, électrocuté, en s’adonnant à cette tâche avilissante. Et c’est une ONG dont nous taisons le nom qui aurait récupéré le corps de ce détenu et aurait pris des dispositions pour l’enterrer.
 
L’insalubrité, a-t-on appris, est plutôt chronique dans les prisons du Togo. Le problème est d’ailleurs connu des autorités. Les ODDH (Organisations de Défense des Droits de l’Homme), Avocats Sans Frontières et autres ont également tiré la sonnette d’alarme. Mais rien n’y fit. L’Etat reste presque sourd à tous ces incessants appels visant à faire des prisons, des endroits vivables. Une fois à l’intérieur des geôles togolaises, pas moyen de circuler, au risque de marcher sur ses camarades codétenus. La chaleur y est également infernale et suffocante. Il n’y a donc point de place pour le repos ou pour la lecture. Le plus cocasse, c’est que les cellules n’ont jamais été désinfectées.
 
Cette déshumanisation de l’Etre humain n’est pas sans conséquences sur la santé des détenus. En effet, la santé de ceux-ci se dégrade à la vitesse de la lumière. Ils tombent souvent malades et faute d’avoir des médecins pour les consulter, les moins résistants flanchent et décèdent. Parfois, par refus d’assistance des régisseurs à personne en danger. Un cas tout récent de décès survenu à la prison civile de Lomé fait un focus sur ce manque d’humanité des régisseurs et gardiens de prisons. La santé du détenu s’était dégradée à tel point que ce dernier nécessitait une évacuation. Témoins de cette progressive mais irréversible mort de leur compagnon de cellule s’il ne reçoit pas d’assistance médicale, ses codétenus avaient, nous a-t-on rapporté, émis des appels de détresse. Mais en vain. Ils auraient même tambouriné mais les bruits émis n’ont nullement troublé la quiétude du régisseur ni celle des geôliers. Faute d’avoir réagi à temps, le détenu dont les jours sur terre étaient comptés, trépassa. Mais aucune tête n’est tombée. Tous les acteurs en charge de ce centre pénitentiaire sont maintenus à leurs postes. Voilà qui donne une petite idée de ce que vaut la vie d’un détenu au Togo. Les textes sont pourtant clairs en la matière : « Toute personne détenue ou emprisonnée a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ».
 
La situation est d’autant plus préoccupante que manger prend aussi l’allure d’un luxe que les détenus se paient. De source bien informée, ceux-ci ne mangent qu’une fois dans la journée. Plus précisément entre 13 et 14 heures. Mais quoi encore ? L’autre point de curiosité qui laisse pantois nombre de détenus et de défenseurs des droits de l’Homme, c’est l’énigme que constitue pour les prisonniers, l’accès à l’eau potable. Tous les deux mois, nous révèlent nos enquêtes, les coupures d’eau se produisent pendant trois à quatre jours. Et l’ennui, c’est que rien ne semble fait pour juguler ce problème qui a des conséquences désastreuses sur la vie et la santé des détenus. Certes, il y a lieu de préciser qu’à la prison civile de Lomé, un forage a été construit. Mais l’eau de ce forage est trop salée et donc impropre à la boisson, se plaint un ex-détenu. Même quand l’on se hasarde à se doucher avec cette eau, c’est bonjour les dégâts. « Tu ne feras que gratter ton corps à longueur de journée», avoue-t-il.
 
Comble d’aberration, le centre des affaires sociales ouvert à l’intérieur de la prison civile de Lomé et que l’on dit subventionné vendrait bien plus cher aux détenus, certains biens de première nécessité, en rehaussant les prix de 75 FCFA à 200 FCFA. La conviction est de plus en plus partagée, à l’aune des conditions de vie et de détention qui prévalent dans les prisons du Togo, que ce lieu forme les prisonniers, non pas à devenir de meilleurs hommes, mais plutôt à développer un caractère de récidivistes. Et les preuves sont là. Ceux qui ont goûté à l’amère expérience des geôles togolaises sont davantage enclins à récidiver, et parfois, développent des addictions au vol, à l’escroquerie, bref aux infractions pour lesquelles ils se retrouvent en prison. Or le but essentiel des autorités pénitentiaires dans le traitement des détenus devrait être l’amendement et le reclassement social de ces derniers. Le régime pénitentiaire devrait avoir pour but d’aider les détenus à vivre en respectant la loi et à pouvoir subvenir à leurs besoins après leur libération. Les autorités pénitentiaires togolaises l’auraient-elles ignoré? Il n’est jamais trop tard pour mieux faire, dit-on.
 
Magnanus FREEMAN
 
liberte-togo.com
 

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