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« Ce n’est mépriser assez certaines gens que de dire tout haut qu’on les méprise. Le silence seul est souverain méprise ». Cette réflexion de Sainte-Beuve dans son oeuvre « Mes prisons » indique l’enfer d’illégitimité d’une dynastie de brutalité fauve qui demeure au Togo sous le terrorisme électoral. Elle se débat partout pour une restauration imméritée d’image afin de badigeonner sa réputation affreuse. Elle est en quête de béquilles pour se donner une apparence d’équilibre, alors que son infirmité éthique est éternellement le boulet de son naufrage politique.
 
Cette dynastie a encore l’audace d’une course d’onction derrière une diaspora qu’elle a outrageusement frappée d’interdiction de jouissance de ses droits civiques de participation à la vie politique, aux choix de désignation des représentants du peuple, malgré la puissance contributive à hauteur de plus de mille milliards par an dont elle ne se dérobe jamais pour aider ce pays à ne point mourir.
 
La honte est un principe d’éducation. Ceux qui ont dans la formation de la personnalité quelque étoffe ne peuvent aller si loin dans les brimades, dans l’irrévérence, dans l’assassinat des droits des autres et s’aventurer à quémander auprès d’eux, les exclus et les pestiférés indignes de jouissance pleine et entière des droits civiques, une couverture politique de renaissance médiatique.
 
Cette moquerie outrancière à l’endroit de la diaspora togolaise est fort perçue par la grande majorité de nos vaillants compatriotes. Ils ne veulent pas se salir les mains des pourritures d’un régime aveugle en répression en barbarie, en criminalité et qui se nourrit du rêve d’un pouvoir à vie. Cette dynastie ne se prive d’aucune occasion de réclamations populaires fortes pour dévaler sa cruauté sur de pauvres citoyens sans défense. L’injustice, la fraude électorale, le viol, la répression forment son asile.
 
La contrainte de l’exil, pour la plupart de nos concitoyens, dérive de la criminalité active d’un régime de la délinquance qui, en cinquante ans, a plongé ce pays dans une nuit de souffrances indicibles, dans un océan d’indigence et dans un déluge de répressions et de massacres. C’est ce régime invariablement le même, de père en fils, dans ses triomphes ethnicistes, dans un souverain repli identitaire avec quelques amitiés qui ont l’estomac en gamelle d’aumône qui forme la minorité qui s’adosse aux armes de guerre, confisque la richesse nationale, appauvrit le pays, contraint depuis un quart de siècle, la population à une hémorragie humaine vers l’étranger.
 
Ce drame de la citoyenneté togolaise qui se traduit en ces termes : « Togoa tro amé djipé ; mugba gni amé nopéo », signifie que la racaille de gouvernance a fait de ce pays une maternité où ne grandit plus un enfant. Ceux qui ont grandi à l’extérieur et qui ruminent la douleur de l’expatriation sont sollicités, sans le moindre frémissement humain, pour qu’ils apportent un crédit de notoriété à ceux qui les martyrisent, les privent de leurs droits et créent toutes les misères à leurs proches, leurs parents restés au pays.
 
Une faillite de conscience grandit en légèreté chez tous les hommes de déclassement humain. Et ceux qui ont confusément une image d’homme ne peuvent jamais répondre à la question morale et de bon sens. Nous ne nous étonnons pas outre mesure des sollicitations du gouvernement pour un vernis d’image par ce machin d’intérêt pour la diaspora : « Togo Réussites Diaspora ».
 
Toutefois, la lucidité est du côté de la diaspora elle-même qui ne tient pas à s’accommoder à une tentative morbide de récupération de sa construction hors de la « pollution politique » du Togo. Si sur deux millions, à peine deux cents se sont manifestés, selon les témoignages qui ne sont pas forcément dignes de foi, chez les organisateurs de prime de reconnaissance de la diaspora, il faut en inférer que la distance face à ce régime est sonore en méfiance avérée.
 
L’agitation diplomatique de mise en valeur des réussites de la diaspora ne tourne-t-elle pas court dans une participation squelettique pour une massue sur la tête de Robert Dussey et son patron Faure Gnassingbé ? Un règne en souffrance de légitimité peut-elle encore abuser de certains compatriotes de l’étranger dans un contexte de paradoxe qui est dans la privation de leurs droits civiques ?
 
I – Le temps d’un message
 
Ceux qui n’ont pas intégré dans leur psychisme, dans leur représentation mentale et morale les notions de communauté nationale, de pacte républicain, de contrat social, de serment, de respect de la Constitution, de la justice et de la vie humaine ne peuvent jamais, soudainement, dans leurs élans libertins, s’ouvrir des hublots de contemplation du mérite pour s’affirmer en valeurs et célébrer nos compatriotes qui sont des valeurs sûres construites à l’ombre des douleurs de l’expatriation forcée.
 
L’agitation politique autour des Togolais de la diaspora après dix ans de pouvoir du fils héritier du trône, qui n’a jamais considéré ces « gens d’ailleurs » comme des Togolais à part entière, est un théâtre ahurissant. Pour lui, on peut tout avoir par la force ou par la ruse pourvu qu’on se donne le temps des artifices de férocité et de jouer au renard selon l’objectif qu’on poursuit et la situation de la proie visée.
 
Ce calcul d’opportunité propre à ceux qui sont aveuglés par le pouvoir et qui sont englués dans des rêveries de la volonté de puissance est bien léger pour remorquer tout le monde. Les cibles avertis, ceux qu’on a proclamé « parias de la République » sans droit de vote parce qu’ils seraient d’une citoyenneté lointaine de la République et qui se donnent une chance d’exister, de se réaliser dans un bondissement, dans le feu des adversités et tribulations, voient clair pour se laisser bêtement embarquer par un pouvoir sans visage humain.
 
Ceux qui cultivent l’espérance dans la volonté d’exister sont toujours en situation d’éveil. L’effort sans relâche fait des forts. Ils ne se laissent pas déposséder de leur valeur, parce que le jugement solide de leur esprit se double de la morale. Ceux qui se construisent dans la patience du travail, dans la souffrance de l’effort, dans la création de leur génie voient de leur terrasse les pièges qu’on leur tend. Ils ne s’abandonnent nullement aux farces, parce qu’ils ont en eux une cuirasse de jugement et une promptitude de prévision d’anticipation.
 
Ce régime qui a toujours une peur panique des Togolais de l’étranger pour leur refuser le droit de vote, et qui tente de leur mettre des brides insurmontables à leurs projets d’installation dans leur propre pays pour décourager leur retour massif de réintégration, se met subitement après la présidentielle dont les images de proclamation des résultats leur ont courbé la tête de honte, à célébrer leur vie d’ailleurs, à primer des réussites et des visibilités de la terre natale à travers le monde.
 
Cette humanité –surprise de renversement de l’incivisme d’Etat n’a pas réussi à tirer un voile sur l’histoire du fils du « Timonier », la ligne de son parcours terrifiant, son inclination particulière pour les faux-serments, sa foi en l’achat de consciences et son fainéantisme d’engagement. Ramollir toutes les adversités contre l’usurpation du pouvoir, casser les résistances qui le met dans une situation d’ennui, voilà l’enjeu d’une trouvaille princière pour un règne normalisé.
 
Toutes nos fréquentations, toutes nos constructions de la vie sociale, toutes nos alliances affectives, économiques, politiques ont absolument besoin de quelque confiance. Ceux qui sont totalement indignes de confiance passent leur temps à vivre d’un écran d’artifices, inventant des grelots assourdissants pour s’allier des regards, une estime. Mais, dans le mépris et la distanciation, ils s’éteignent de leurs agitations à mesure que s’écoule l’instant de leur tapage.
 
Ceux qui par aventure mesurée ont cru devoir tenter l’expérience d’un accommodement à une sollicitation obscure pour répondre à cette pourriture fascinante « Togo Réussites Diaspora » quoique infimes qu’ils fussent, devraient plutôt s’inquiéter du charme du régime nébuleux, rapace et prédateur qui joue sur la vigilance relâchée de ceux qui lui prêtent le flanc.
 
Faure Gnassingbé a parfaitement conscience des entailles profondes qu’il laisse dans le coeur des Togolais. Comme il a brisé l’Union des Forces du Changement (UFC), il a concocté un plan de fascination pour ramollir des rancœurs flambées de l’extérieur qui se sont manifestées bruyamment contre un troisième mandat volé.
 
Le terrorisme électoral au Togo est mis au mât davantage par nos compatriotes de l’étranger, plus voyants dans l’exposition du drame électoral à la face du monde. Le « petit » est dans une rêverie morbide d’éternité au pouvoir. il tente de construire des soutiens de rassemblement autour d’un trône pour lequel, il est prêt à faire n’importe quoi, pourvu qu’il parvienne à se maintenir dans cet objectif. Il sait que le réveil durable des peuples se mène par les élites. D’où, face à la diaspora, un combat de décapitation sournoise est maintenant engagé. Il pense qu’on peut tout obtenir par la corruption active, passive ou par la brutalité fauve. Il peut encore jouer au chat, dans ce bidule « Togo Réussites Diaspora », qui ne caresse personne, mais qui se caresse à nous.
 
Quand on est d’une certaine qualité d’intelligence, on est toujours en révolte contre l’injustice, l’immoralité, le blasphème de la vie humaine. Une charité de reconnaissance et de célébration du mérite en gisant dans les pourritures du crime, du viol, du vol, de l’usurpation est le grand paradoxe qui nous éveille à la lucidité. Comme André Suares dans « Le Voyage du condottière », nous pensons que : « C’est aux hommes de ressembler à leurs portraits quand ils sont admirables ».
 
II – Une délinquance de célébration du mérite
 
La charité de l’intelligence se libère en grandeur d’âme. Avoir une considération pour autrui, une reconnaissance pour ses talents, son génie et le célébrer spontanément dans la noblesse de l’action en sa direction, c’est démontrer le souffle humain dont on est pourvu. Ce capital de solidarité est une grandeur. Nos concitoyens qui se distinguent positivement élèvent notre Nation. Notre qualité éthique, civique et morale nous impose un devoir de gratitude envers eux et non une ruse d’exploitation de leur rang pour couvrir nos sottises, nos abominations, nos délinquances. La taille de l’homme se perçoit non pas singulièrement dans l’audace à rebours, mais dans notre inclinaison profonde sur des valeurs pour en faire des principes d’identité, des repères d’amélioration de soi sur des bases honnêtes de construction de l’avenir. C’est la meilleure forme de solidarité et de partage par laquelle nous affirmons notre dignité d’homme.
 
Si nous abdiquons à la grandeur de responsabilité pour lorgner vers ceux qui ont réussi par la force du travail et de leur génie avec une calculette à la main et avec la question lancinante de Cheick Amidou Kane dans L’Aventure ambiguë : « Ce que nous gagnons vaut-il mieux que ce que nous perdons », alors nous ne serons jamais plus capables de faire des hommes une finalité, mais un moyen.
 
Le jeu du pouvoir est clair dans sa castration morale, dans sa vacuité éthique, dans sa pacotille républicaine de célébration du mérite, dans le venin à inoculer à une diaspora trop bouillante, trop distante et qui porte le flambeau de la contrariété populaire avec des rafales de la contestation.
 
Si tant « Bébé GNASS » est doué d’une faiblesse pour l’humainpatron, nous l’aurions déjà vu en dix ans de règne, tout au moins, une fois sur le théâtre des malheurs qui frappent assez souvent les Togolais. De terribles inondations se sont succédé et face aux désastres qui font languir nos populations de lacérations, jamais le noble en humanité qui fait primer nos valeurs de l’étranger n’a daigné se présenter sur les lieux de souffrance de nos concitoyens.
 
Un naufrage révoltant survint, il y a quatre ans sur le Lac Togo avec des dizaines de corps flottants de ceux qui revenaient des funérailles à Togoville. Le reclus du Palais de Kégué, sans frisson de partage du deuil, n’a pas fait le déplacement pour soutenir tant de familles en larmes. Alassane Ouattara, en Côte d’Ivoire, lui avait tout au moins montré l’exemple quelques mois plus tôt, quand le bus de la Société de Transport Abidjanais (SOTRA) était tombé dans la lagune Ebrié. Il était en personne sur les lieux, il a pris tous les frais des funérailles en charge. Un deuil national de trois jours fut décrété avec les couleurs nationales en berne. On peut s’étendre à l’infini sur le relevé de faillite du bon sens et du sens raboté du seulement républicain pour juste témoigner de l’expression incivique et amorale du « petit prince ».
 
Le grand marché de Lomé était en feu, il y a juste trois ans. Ce marché qui a fait l’histoire du Togo, un patrimoine économique, commercial, culturel qui a longtemps soutenu la paye des fonctionnaires du Togo et qui prêtait des Mercedes-Benz au régime Eyadéma pour les grandes célébrations pour accueillir des délégations officielles s’est consumé comme Pompéi sans qu’on ait aperçu le fils d’Eyadéma couvrir nos mamans, nos soeurs d’une assistance républicaine et paternelle. Il est resté gardien du Palais.
 
Cette abdication royale de responsabilité montre combien l’aiguillon d’intérêt subit et soudain pour les réussites de la diaspora est une farce, une comédie de séduction, un misérabilisme politique dont la finalité est de remorquer sur l’échafaud du silence ceux qui font le nom du Togo et qui érigent sa stature de visibilité à l’étranger, parce qu’ils sont prêts à cracher leur bile abondamment sur un homme fou du pouvoir, près à toutes les tragédies humaines pour s’y maintenir.
 
Pour penser le mérite des autres, il faut tout au moins un brin de sensibilité. Ce sont les yeux du coeur qui nous donnent une orientation morale et creusent en nous les sillons éthiques, civiques et humains. Les yeux du coeur délèguent à notre esprit, face à la misère du genre humain et surtout face aux détresses de ceux que nous avons en charge de protéger, de défendre, le devoir de l’action. Une si grande froideur de Palais de Kégué face à la déprime révoltante de nos concitoyens en des circonstances multiples ne saurait motiver le civisme, la gratitude à l’endroit d’une diaspora si lointaine. Seuls ceux qui accordent une primauté à la vie, un prix aux valeurs savent chérir le mérite, son rayonnement distinctif.
 
Benjamin Boukpéti est le premier médaillé togolais dans l’histoire des jeux olympiques. Quel accueil l’héritier du trône lui avait-il réservé pour le soutenir, l’encourager à persévérer ? Félix Houphouet Boigny accorda une bourse présidentielle à Gabriel Tiaco, un étudiant ivoirien aux Etats-Unis qu’il découvre sur l’écran de télévision en tant que premier médaillé de son pays aux jeux olympiques. Il l’avait reçu dans son palais tel un ambassadeur. Ceux qui réchignent à s’attacher aux symboles de leurs propres pays, sont ordinairement incapables de les célébrer.
 
Ce que le peuple togolais exige de ce régime n’est rien moins que le respect du pacte républicain, le consensus national consigné dans l’Accord Politique Global, dans sa forme intégrale et non le divertissement par la rapine et le terrorisme électoral couverts d’un sauvetage hasardeux avec une trouvaille ignominieuse de séduction manquée aux fins de polir une légitimité affreuse de rafistolage grossier. La restauration des citoyens dans leurs droits, dans la justice, dans la jouissance des privilèges attachés à leur statut, voilà ce dont ils peuvent être fiers.
 
Source : [19/01/2016] Didier Amah Dossavi, L’ALTERNATIVE – N°490 /27avril.com
 

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