Au nom de la pandémie du coronavirus, tous les pays ont mis en veilleuse leur situation d’endettement. Des pays avancés avec des ratios de 120% continuent de faire tourner la planche à billets, au nom de la lutte contre la Covid-19. Le Togo était sur une trajectoire descendante depuis qu’il a accepté à ses côtés l’appui du Fonds monétaire international (FMI). Mais les aides multiformes et autres prêts vont-ils faire repartir la dette publique du Togo vers des sinciputs ? Analyse.
D’après les chiffres officiels, la dette publique à fin décembre 2019 était de 2.196,64 milliards FCFA, ce qui représente 68,67% du PIB ; mais un an auparavant, soit fin décembre 2018, elle était de 73,6% du PIB. De façon éclatée, le trésor public devait 1.446,4 milliards au titre de la dette intérieure et 750,2 milliards comme dette extérieure. Quant au service de la dette, il était de 605,6 milliards FCFA.
Dans le document de Stratégie d’endettement à moyen terme couvrant la période 2019-2023, le Trésor public du Togo avait énuméré des facteurs de risque pouvant peser sur les perspectives macroéconomiques pour la période 2019–2023 qui, aux yeux du Comité national de la dette publique (CNDP), étaient favorables. Ainsi l’économie togolaise restait-elle particulièrement vulnérable à divers risques potentiels pouvant ralentir la croissance économique du Togo. Ce sont principalement : les faibles performances du secteur agricole, imputables essentiellement à la baisse des précipitations dans les principales zones de production ; la dégradation de la conjoncture économique dans les pays partenaires voisins ; le resserrement de la politique monétaire de la BCEAO ; l’assèchement de la liquidité sur le marché régional des titres publics, lié à l’augmentation des sollicitations de ce marché par les autres pays membres de l’UEMOA ; l’évolution défavorable de la conjoncture économique dans la Zone euro ; la contraction des investissements publics ; la faible efficacité des investissements privés ; le ralentissement des concours du système financier au secteur privé.
Se fondant alors sur ces risques, une stratégie avait été retenue pour la période 2019-2023. « Suivant les orientations du programme triennal conclu avec le FMI et celles du Gouvernement visant à mobiliser des ressources auprès des créanciers concessionnels extérieurs, tout en contribuant au développement du marché des titres publics de l’UEMOA, la stratégie retenue vise la mobilisation des ressources auprès des créanciers extérieurs concessionnels à savoir : FIDA, IDA, FAD et AFD afin d’atténuer d’avantage le risque de refinancement qui pèse encore sur le portefeuille de la dette existante après le reprofilage. La dette intérieure sera mobilisée également sur le marché régional des titres publics avec des instruments de maturités de 3 ans et 5 ans compte tenu des contraintes qui existent sur ce marché. Le Gouvernement continuera à mobiliser auprès des créanciers extérieurs semi concessionnels tels que Eximbank Chine, Eximbank Inde, le Fonds Koweitien et le Fonds Saoudien dont les projets sont en cours d’exécution. Cette stratégie réduit le risque de refinancement lié à la dette intérieure dans le portefeuille existant dont la maturité moyenne passe de 5,4 ans à 8,5 ans. Par contre, elle expose le portefeuille au risque de taux de change. Pour réduire ce risque, la devise qui devrait être privilégiée est l’euro », avait rassuré le CNDP.
Et la pandémie remit tout en cause
Dans la perspective de gestion de la dette, tous les scenarii étaient explorés et exposés. Sauf celui d’une pandémie à coronavirus pouvant geler le monde entier.
Contracter des dettes n’est pas une mauvaise chose, du moment que l’usage qu’en font les autorités est visible et palpable aux citoyens. Du fait des chamboulements occasionnés par la covid-19, le FMI via son Département des marchés monétaires et de capitaux estime que « La crise du COVID-19 met à l’épreuve les responsables de la gestion de la dette. Dans de nombreux pays, les tensions liées à la dette risquent de se manifester avec plus d’acuité qu’auparavant, que ce soit du fait d’une augmentation des besoins de financement, de dysfonctionnements des marchés ou, dans les économies émergentes et en développement, d’une baisse de la demande extérieure et d’une inversion des flux de capitaux ».
Le Togo aussi a des besoins de financement pour se relancer. Des bons, obligations, prêts et emprunts ne sont pas boudés. Comment peut-il en être autrement de par les chantiers auxquels fait face le pays ? Quand le souffle de la pandémie sera passé –chacun espère qu’il passera-, on en saura beaucoup plus sur le niveau auquel l’économie a été soutenu de l’extérieur et de l’intérieur. Mais en perspective, on parle d’un endettement qui oscillerait entre 71% et 73,3%. Ce qui veut dire que le seuil communautaire de l’UEMOA duquel le pays cherche à s’éloigner pourrait refaire surface. Soit, mais au moins, on n’entendra plus un ministre baragouiner la phrase suivante : « Ceco BTP a utilisé une partie des fonds pour s’équiper ». Hérésie à laquelle le chef de l’Etat n’a pas réagi. Bizarrement. Mais au cas où le Togo mettait en branle le processus de rebasage du Produit intérieur brut (PB), le pays pourrait être celui qui aura tiré le meilleur parti de la maitrise de l’endettement.
Rebasage avancé du PIB
D’autres pays y ont eu recours et leurs PIB a pris du volume, ce qui a pour conséquence heureuse la diminution de leur ratio Dette publique sur PIB.
Près de 80% de la population active exerce dans l’informel, un secteur non ou mal pris en compte dans l’évaluation du PIB. Ainsi, l’intégration de toutes les activités existantes comme émergentes qui n’étaient pas couvertes ou suffisamment prises en compte, permet de capturer le PIB du secteur informel.
Ghana, Nigeria, Sierra-Leone, Kenya, Benin, Burkina Faso, Niger, Sénégal, tous ces pays ont procédé au rebasage de leurs comptes nationaux. Il s’agit de mettre à jour les statistiques des comptes nationaux en partant désormais de 2016 comme année de base. Ce faisant, l’inclusion des activités du secteur informel aura des effets certains sur le PIB du pays. Et lorsqu’on sait que le ratio dette publique sur PIB diminue quand augmente le PIB, il ne sera plus qu’une demi-surprise lorsque le Togo annoncera que la dette publique a drastiquement chuté.
Dans les pays ayant activé ce système, la hausse du PIB est allé de 10% en Guinée-Bissau, à 36% au Benin. Mais de combien le PIB du Togo sera-t-il réévalué ? Quelle sera son incidence sur la dette publique ? Tout porte à croire que la hausse projetée de la dette pour fin décembre 2020 ne durera pas avant la décrue. Et le pays figurerait parmi les pays ayant tiré le meilleur partie de la pandémie.
Godson K