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Un homme vaut un homme, une vie, une vie, peut importe l’endroit de la terre où il naît et éclot. Et peu importe son appartenance politique. Tel est le socle sur lequel toutes les luttes pour le pouvoir devraient se baser. Mais le Togo est encore très loin de cet idéal. Et si on n’y prend garde, la mort d’Etienne Yakanou risque d’être le début d’une longue liste funeste qui inclurait tous les militants de l’opposition embastillés dans cette affaire et surtout le témoin vital des forfaitures des capitaines Akakpo, Agbenda et autres, le jeune Mohamed Loum alias Toussaint Tomety.
 
De par le caractère sensible du dossier des incendies des marchés au Togo, il paraît surprenant que le reste des prévenus détenus dans la réserve, à l’abri des regards, y soit encore gardé suite à la mort non encore élucidée de l’un d’entre eux. C’était vendredi dernier et après la sortie peu glorieuse de Blaise Essolissam Poyodi, procureur de la République, estimant qu’Etienne Yakanou, militant actif de l’ANC, est mort d’une crise cardiaque, le silence semble retombé sur l’affaire. A ce jour, M. Poyodi n’a encore convaincu personne sur les raisons qui le motivent, bien qu’il ait signé des mandats de dépôt, à laisser certains des prévenus entre les mains de la soldatesque de la réserve alors que beaucoup connaissent la sinistre réputation qui caractérise les éléments de cette réserve.
 
Sans avoir visité les arcanes du droit pénal, le citoyen lambda voudrait comprendre s’il n’y a pas d’articles dans le code de procédure pénale qui permettent de soustraire des mains de leurs tortionnaires des prévenus qui accusent ouvertement ceux-ci de tortures et de mauvais traitements ? Ou de manière plus empirique, Etienne Yakanou a confié à sa femme les tortures que des éléments du SRI lui auraient fait subir. Or la santé du prévenu s’est malheureusement détériorée – pour des raisons obscures – et il devrait être soigné à la Gendarmerie dont est issu le SRI. La loi n’aurait-elle pas aménagé un article qui permettrait de protéger la vie du prévenu, comme ce fut le cas pour Mohamed Loum ? Pour tous ceux qui, diplomates et défenseurs des droits humains compris, tiennent pour sacrée la vie, les soins devraient être administrés par un médecin externe. Mais tel n’a pas été le cas. « …J’ai été surprise que juste après que mon mari a rendu son dernier souffle, ils me demandent de leur remettre l’ordonnance dont le montant total est inférieur à 2.500 FCFA. Vont-ils pondre une autre avec un autre montant ? J’attends de voir », nous a révélé veuve Yakanou à la morgue du CHU Tokoin.
 
Lorsqu’il était question d’agir pour soustraire Mohamed Loum des griffes des éléments du SRI suite à ses déclarations chargeant les capitaines Akakpo, Agbenda, Yanani et autres – même si en prison Loum n’est pas totalement en sécurité -, Mme Ige Olatokunbo, représentante du HCDH s’est remuée, sous la pression du président du MRC, Abbas Kaboua et d’autres personnalités, pour faire transférer le jeune prévenu à la prison civile de Lomé en attendant son procès qui risque de supplanter celui du « Kpatchagate » tant l’enjeu est vital. Aujourd’hui, c’est un euphémisme de dire que Mohamed Loum est un « prisonnier spécial ». Mais suite à la mort du « prisonnier politique » Etienne Yakanou, il est impératif que toutes les organisations de défense des droits de l’Homme œuvrent afin que tous les prévenus encore gardés dans la réserve, soient conduits à la prison civile de Lomé. Ceci aura l’avantage d’amoindrir leur exposition permanente aux regards de leurs tortionnaires alors qu’ils ne sont pas encore jugés coupables de quelque crime que ce soit.
 
Aujourd’hui, il est certain que ceux que Mohamed Loum a cités lors de son audition devant le juge d’instruction, à savoir les capitaines Akakpo, Agbenda, Yanani et les autres feraient l’impossible afin que le procès dans l’affaire des incendies des marchés n’ait jamais lieu au Togo. Ajoutée à cet instinct de survie la confidence du procureur de la République au ministre Tchalim Tchitchao selon laquelle « ce jeune nous a tués ; il parle trop » au sortir d’une audition de Loum Mohamed – selon Abass Kaboua -, il est URGENT ET IMPERATIF que la vie du reste des inculpés encore vivants tant dans la réserve qu’à la prison civile de Lomé soit surveillée comme du lait sur le feu. Il y va de la recherche de la vérité sur les auteurs des incendies.
 
Et s’il y a un élément déterminant qui puisse militer en faveur de leur survie, c’est bien la publication du rapport des experts ordonné par le gouvernement togolais dans le cadre des enquêtes. A ce titre, on comprend aisément la piètre prestation du procureur de la République à la télévision nationale tendant à inventer un enquêteur israélien, ce qui a poussé certains à dire que « le procureur de la République fait du Shlomo Maor ». Quand on lit plus haut sa confidence à Tchitchao Tchalim, on comprend qu’il est dans son rôle à lui dévolu par le Prince.
 
Robert Einstein disait : « ce ne sont pas les méchants qui font du mal, mais ceux qui les laissent faire ». Lorsqu’Hitler avait commencé à appliquer la « solution finale », beaucoup avaient pensé à tout sauf à la destruction de plus de 6 millions de Juifs. Le temps qu’ils s’en rendent compte, l’holocauste avait déjà eu lieu. Aujourd’hui, on ne parle encore que d’Etienne Yakanou. Et demain ? Le monde aurait réagi énergiquement plus tôt que le dictateur allemand aurait certainement échoué dans sa macabre entreprise. Le mal est au Togo et les mots d’Einstein devraient interpeller. Et que dire de Jean-Jacques Rousseau qui affirme : « Je déteste les victimes qui respectent leurs bourreaux » ?
 
Abbé Faria
 
Liberté Togo
 
 

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