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Un nouveau rapport du FMI paru la semaine dernière vient de classer le Togo parmi les 10 pays les plus pauvres du monde avec un PIB de 578, 1%. Ce rapport s’ajoute à la longue liste d’autres rapports déjà parus et qui ont inscrit depuis longtemps le pays de Faure Gnassingbé dans le cachot du désespoir.
 
La pauvreté au Togo a atteint des proportions plus qu’inquiétantes. Pendant qu’une minorité de prédateurs font main basse sur les richesses du pays, et de façon très insolente, la majorité des Togolais du Sud au Nord se trouve confrontée à une misère corrosive avec moins d’un repas par jour. Selon les statistiques du PNUD à travers plusieurs rapports et documents, les régions de la Kara et des Savanes battent le record de pauvreté au Togo parfois jusqu’à un taux de 95% des populations. Et pourtant, ces deux régions concentrent à elles seules la majorité des milliardaires du pays, des individus sortis de nulle part sans aucun héritage connu, ni d’ascendants nantis qui ont engrangé leurs fortunes dans le pillage systématique des richesses du pays en toute impunité.
 
Une récente étude des institutions de Breton Woods a mis en exergue le contraste effarant qui caractérise la concentration urbaine au Togo
avec son corollaire de pauvreté dans les villes qui sont devenues de véritables ghettos de concentration pour les populations pauvres. La part relative de la population augmente au fur et à mesure que l’on se rapproche de la région Maritime qui concentre 68% d’urbains. Selon toujours les mêmes études, la région Maritime qui ne couvre que 11% du territoire, collecte 98 % des recettes fiscales, concentre 82% des médecins, consomme 86% de l’énergie électrique du pays. En d’autres termes, la vie politique, économique et sociale ne se limite qu’à la région Maritime, plus précisément à la ville de Lomé. On en conclut à l’analyse de ces chiffres que les villes de l’intérieur ne sont en réalité que des bourgades perdues sans aucun dynamisme susceptible de permettre aux populations de s’épanouir. Rien d’étonnant lorsque le Togo se présente comme le seul pays de l’espace UEMOA qui refuse d’ouvrir le chantier de la décentralisation et dispose à la tête de ses villes des présidents de délégations spéciales depuis 1987.
 
Parlant justement de décentralisation et surtout d’organisation des élections locales, des voix et non des moindres se font entendre pour sonner la fin de la récréation et l’organisation le plus tôt possible de ce scrutin qui non seulement permettra de doter les villes d’autorités légitimes, mais aussi rapprochera davantage le pouvoir des administrés. Des préoccupations légitimes que le pouvoir en place continue d’ignorer. Au ministère de l’Administration territoriale, de Décentralisation et des Collectivités locales, les ministres se succèdent, prennent l’engagement d’aller aux élections locales, mettent des commissions de réflexion en place; mais à la fin, c’est toujours le statu quo. Un dilatoire savamment orchestré pour repousser aux calendes grecques des élections locales redoutées. Gilbert Bawara, le ministre de l’Administration territoriale d’alors avait promis aux partenaires que le gouvernement accorde une grande importance à l’organisation des locales. Une commission d’experts a d’ailleurs été mise en place dans ce sens. Comme à l’accoutumée, les lignes n’ont pas bougé jusqu’à son départ. Son successeur Payadowa Boukpessi s’inscrit dans la même veine. Depuis quelques semaines, il sillonne le territoire à la rencontre des populations. Et c’est l’une de ses déclarations à l’étape de la préfecture de Sotouboua qui traduit la réticence du régime à rendre effectives la décentralisation et surtout les élections locales.
 
En effet il y a deux semaines, Payadowa Boukpessi a déclaré à Soutouboua que les élections locales ne pourront se tenir avant quatre ans. Il n’a pas manqué de pointer un doigt accusateur en direction de son prédécesseur Gilbert Bawara qui n’a pas fait un boulot conséquent dans ce sens et qui a mis en place une commission de réflexion dont les travaux ne cadrent avec aucune réalité de notre pays. En conclusion, il faudra tout reprendre, et cela ne pourra se matérialiser avant quatre bonnes années. Une curieuse posture qui nous pousse à retourner dans les archives pour faire ressortir les différentes initiatives sur la décentralisation au Togo dont les rapports des travaux sont toujours enfermés dans les tiroirs par le pouvoir en place. Le chantier de la décentralisation au Togo a été ouvert depuis 1992 et consacré dans la Constitution du 14 octobre. Le 11 février 1998, le Togo s’est doté d’une loi portant décentralisation. Une loi fidèle au cadre fixé par la Constitution qui instaure trois niveaux de collectivités territoriales décentralisées, notamment la Commune-une communalisation intégrale du Togo était prévue, la préfecture et la région. Présentée par des experts comme un modèle le plus avancé de décentralisation, cette loi n’a jamais été mise en application.
 
En 2004, et précisément les 6, 7 et 8 avril, s’est tenu à Lomé l’atelier national sur la décentralisation. Cet atelier initié par l’ancien ministre de l’Intérieur, le Chef d’Escadron François Akila-Esso Boko financé par les partenaires dont le PNUD et l’Union européenne, présidé par Charles Kondi Agba et ayant regroupé des experts de renom (juristes, économistes, urbanistes, environnementalistes etc) a débouché sur des recommandations pertinentes devant permettre au Togo de disposer d’un des meilleurs cadres juridiques de la décentralisation. Il a d’ailleurs été préconisé dans ce document de faire de la région des Plateaux deux régions, l’une à l’Est avec chef-lieu Atakpamé, et l’autre à l’ouest avec chef-lieu Kpalimé. Cette initiative qui découle des engagements pris le 14 avril 2004 par le gouvernement d’Eyadema à Bruxelles (les 22 engagements), jugée trop libérale a été mise dans les poubelles de l’histoire. La suite a été un enchevêtrement d’initiatives des ministres qui se sont succédé au ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales.
 
Somme toute, il faut le rappeler et surtout le marteler, le Togo n’a jamais été en carence de lois sur la décentralisation. Tous les travaux des experts dans ce sens sont toujours rangés dans les tiroirs par le pouvoir en place qui, par la même occasion, tente de faire croire à l’opinion et aux partenaires que le pays ne dispose pas de cadre juridique en la matière. Il appert, au vu de ce bref rappel que nous venons de faire, que c’est le régime qui multiplie les manœuvres dilatoires pour ne pas tenir les élections locales.
 
Il est donc impérieux que les partenaires au développement, notamment l’UE devant laquelle le gouvernement de feu Eyadéma a pris les 22 engagements le 14 avril 2004 à Bruxelles (notamment l’organisation des locales dans un délai de 12 mois) franchissent le stade de simples discours pour contraindre le régime en place à faire bouger les lignes. Il en est de même des acteurs politiques, des acteurs de la société civile qui doivent intensifier la pression pour la tenue le plus tôt possible de ces élections locales. Sachant que la question des locales induit non seulement un développement à la base, mais aussi le contrôle de l’Etat civil, le fichier électoral, base de toutes les manipulations des résultats des élections, c’est plus qu’une urgence aujourd’hui de tenir ces élections, même si a priori une dictature ne se décentralise pas; surtout que le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Payadowa Boukpessi vient de faire tomber les masques.
 
Ferdi-Nando
 
source : L’ALTERNATIVE – N°469 du 27 Octobre 2015
 

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