Mini sommet de la CEDEAO au Niger


La crise politique que traverse le Togo depuis plus de deux mois ne laisse pas indifférente la communauté internationale. Elle fait sa part (sic) pour sa résolution et exerce des pressions sur Faure Gnassingbé, par le biais de médiations tous azimuts. C’est dans ce cadre que le Prince était « convoqué » hier à Niamey au Niger, même si le déplacement était officiellement mis au crédit d’une rencontre du Groupe de travail sur la monnaie unique au sein de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Va-t-il enfin entendre raison ?
 
Faure « convoqué » au Niger par ses pairs
 
Officiellement, c’est un mini-sommet de la CEDEAO sur le processus de création de la monnaie unique qui est organisé par le Niger. Plus précisément, il s’agit de la quatrième réunion du Groupe de travail sur la monnaie unique devant être « consacrée à l’examen de la feuille de route définissant les conditions de création de la monnaie unique ». Devraient y participer les chefs d’Etat du Ghana Nana-Akufo Addo, du Nigeria Muhamadu Buhari, du Togo Faure Gnassingbé et bien sûr du Niger Mahamadou Issoufou. Faut-il le rappeler, ce Groupe est composé des ministres des Finances des Etats concernés, des gouverneurs des banques centrales des huit pays de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et des sept autres pays de la deuxième zone monétaire de l’espace ouest-africain, des présidents de la CEDEAO et de l’Union monétaire des Etats de l’Afrique de l’ouest (UEMOA). Mais, selon les indiscrétions, la présence du Togolais à cette rencontre de Niamey a d’autres motivations.
 
En effet, selon une source diplomatique, le fameux mini-sommet n’était qu’un paravent. On peut d’ailleurs épiloguer sur le fait que ce soit le Niger qui organise un tel mini-sommet et non le Togo qui assure la présidence de la CEDEAO. Faure Gnassingbé serait en fait « convoqué » par ses pairs, dans le cadre des tentatives de résolution de la crise Togo. A titre de rappel, il devrait procéder hier dans la matinée, à l’inauguration du centre de cinéma Canal Olympia construit à Hanoukopé près du marché par le Groupe Bolloré dont le PDG Vincent Bolloré a fait le voyage de Lomé pour la circonstance ; mais la cérémonie a été décalée sur l’après-midi à cause du déplacement surprise à Niamey.
 
Dans le lot des chefs d’Etat au rendez-vous de Niamey, il faut déjà noter, comme par hasard, la présence d’Alassane Ouattara et de Nana-Akufo Addo, tous deux membres du Groupe des 5 mis en place par le Secrétaire Général des Nations Unies, pour entreprendre une médiation dans la crise togolaise et surtout convaincre leur pair togolais d’entendre les cris du peuple et faire une sortie de piste honorable. A eux se sont ajoutés le Nigérian Buhari et l’hôte nigérien Mahamadou Issoufou pour la mission. Ce quatuor de présidents devrait « transmettre un message » à Faure Gnassingbé, celui d’une résolution pacifique de la crise, et tenter de le persuader d’entendre raison. Selon les sources informées, les partenaires occidentaux souhaiteraient que ce problème togolais se règle avant le sommet Union Européenne-Union Africaine prévu les 29 et 30 novembre prochains à Abidjan en Côte d’Ivoire.
 
Va-t-il entendre raison ?
 
Le peuple togolais n’en demanderait pas mieux. C’est d’ailleurs le vœu ardent des populations qu’il entende enfin raison, écoute les propositions de sortie de crise et fasse une sortie honorable de l’Histoire. Mais rien n’est gagné d’avance lorsqu’on considère l’opacité dont fait montre Faure Gnassingbé aux revendications de ses concitoyens et aux tentatives de médiation.
 
Cette démarche du quatuor de chefs d’Etat africains à Niamey ne serait que la nième. Les initiatives à son endroit se multiplient sans rien donner. Patrice Talon est l’un des tout premiers chefs d’Etat africains à s’immiscer dans la résolution de la crise togolaise, sans doute mandaté par ses pairs au nom de la proximité. Il aura déjà entrepris deux déplacements au Togo, d’abord du retour d’une visite en France où il avait fait une escale le 12 octobre à Lomé et échangé avec Faure Gnassingbé dans le salon présidentiel de l’Aéroport de Lomé, puis discrètement le vendredi 20 octobre dernier.
 
Nana-Akufo Addo, mandaté par le Groupe des 5 chefs d’Etat pour prendre la tête de la médiation, aurait eu des échanges avec son homologue togolais. Mais Faure Gnassingbé l’aurait bluffé qu’il n’y a pas de crise, que c’est seulement une « minorité » qui s’agite et que la grande majorité du peuple est avec lui.
 
Alassane Ouattara, qui est bien placé pour lui conseiller de lâcher le pouvoir, pour avoir renoncé en Côté d’Ivoire à briguer un 3e mandat, ne le lâche pas non plus. Le président ivoirien a envoyé spécialement son ministre de la Défense, Hamed Bakayoko à Lomé le en fin de semaine dernière. Mais l’émissaire est retourné sans obtenir rien de probant de son interlocuteur.
 
Au-delà de ces démarches, il y en a de parallèles et des échanges de diplomates occidentaux accrédités au Togo qui se font les relais de leurs Etats. Albert Tévoédjre, lui a même écrit, en tant que Frère (sic), pour lui conseiller de terminer son 3e mandat et quitter le pouvoir. Les indiscrétions font état de ce que Faure Gnassingbé se serait rendu discrètement à Paris le week-end passé et aurait rencontré les sommités de l’Etat français dont le président Emmanuel Macron et le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian… Mais les sources proches du Palais de la Marina démentent formellement. Son conseiller Edem Kodjo se porte candidat pour assurer une médiation entre lui et l’opposition.
 
Les propositions de sortie de crise sont pourtant simples et se résument globalement à la libération de l’imam de Sokodé ainsi que de tous les manifestants arrêtés, à un discours présidentiel à la Nation togolaise pour assurer clairement qu’il se retire à la fin de ce 3e mandat… Mais l’homme est resté opaque à toutes les suggestions. Et pendant ce temps, c’est la violence qu’il déverse sur les populations togolaises qui ne réclament que l’alternance au pouvoir. Ils sont déjà une bonne quinzaine de citoyens à s’être vu ôter la vie dans la répression des manifestations populaires. La violence est même montée d’un cran depuis la semaine dernière, avec le déploiement des milices qui ont semé la désolation à Lomé. A l’intérieur du pays, notamment à Sokodé, Bafilo, Mango et autres localités, c’est un véritable drame humanitaire que vivent les populations, obligées de se réfugier dans la brousse, pour fuir les violences. Mais jusqu’à quand Faure Gnassingbé va-t-il rester opaque aux solutions de sortie de crise ?
 
Tino Kossi
 
Source : Liberté No.2544 du 25 octobre 2017
 

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