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« La forme supérieure de l’opposition, c’est la création » (Lev Kopelev)
 
L’opposition est une composante essentielle de la démocratie. Son existence et son action permettent de contrebalancer le pouvoir, sinon de le limiter. Elle a un devoir de vigilance et d’alerte face à des actes ou des situations qui semblent non conformes au droit ou à l’intérêt général. Et dans toutes les démocraties, la mouvance tout comme l’opposition doit avoir un chef. Au Canada par exemple, le chef de l’Opposition est placé au neuvième rang dans l’ordre de préséance, après les ministres de la Couronne au Cabinet et devant les lieutenants-gouverneurs des provinces. De même, la Grande Bretagne a érigé la fonction de chef de l’opposition en fonction officielle, « chef de l’opposition à Sa Majesté » (Leader of Her Majesty’s Most Loyal Opposition) ; c’est le leader du principal parti politique qui n’est pas au gouvernement, ce qui correspond habituellement au second parti le plus représenté à la Chambre des Communes.
 
Le seul indicateur pouvant permettre d’apprécier la représentativité de chaque formation politique reste donc les élections. Même si elle doit être améliorée comme le souhaitent certains, la loi portant statut de l’opposition prévoit en son article 24 que « le chef de file de l’opposition est le premier responsable du parti politique appartenant à l’opposition, ayant le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale ». En l’état actuel des choses, Jean-Pierre Fabre, Président national de l’ANC, est sans conteste le chef de file de l’opposition.
 
Mais au Togo, les coups bas restent la norme et ceux qui ont, comptant sur un boycott des législatives par l’opposition, taillé sur mesure cette loi pour Gilchrist Olympio, mettent à contribution leurs griots pour semer la zizanie entre les deux regroupements de l’opposition dont l’union sacrée fait peur dans la perspective des prochaines échéances. Au lieu de prendre de la hauteur en s’attelant à l’essentiel, l’ANC et le CAR ont choisi de se bouffer par médias interposés. Dans cette farandole de joutes verbales, c’est Me Dodji Apevon qui interloque son monde avec les déclarations du genre : « Et ce qui me surprend, c’est qu’on se réfère au texte sur le statut de l’opposition. Or, ce texte est à combattre. Aucun opposant ne peut accepter ce texte.
 
Même avec la définition de l’opposant dans ce texte, personne ne peut dire qu’il est leader de l’opposition. Je pense que si nous sommes sérieux, nous devons d’abord nous organiser à réécrire ce texte ». Pour être poli, nous dirons qu’il est de mauvaise foi puisque le critère de choix du chef de l’opposition n’est pas une trouvaille togolaise, il est le même partout. Le CAR, se fondant sur sa razzia électorale aux législatives de 1994, n’avait-il pas dénié pendant longtemps à l’UFC, la vraie, le titre du plus grand parti de l’opposition ? N’est-ce pas avec un regard hagard et hâve que Me Agboyibo entendait les médias occidentaux appeler Gilchrist Olympio, « leader de l’opposition togolaise » ou « opposant historique » ?
 
Comme on le voit, Me Apévon doit se plier à l’évidence. Et il se fait prendre plus au sérieux quand il dit : « Le leader est celui-là qui doit réfléchir pour que l’opposition puisse exister en tant que famille politique. Nous n’avons jamais été une famille politique au sein de l’opposition ». Le chef de l’opposition doit être en effet un rassembleur et faire preuve de retenue en toutes circonstances. A force de gonfler la poitrine et de ressasser qu’il est le « chef de l’opposition », Fabre indispose les autres. En sonnant à tue-tête la cloche de Notre Dame de Paris, Quasimodo a non seulement indisposé son entourage mais surtout fini par perdre son ouïe. C’est à croire qu’ici on va aux élections pour n’être que « chef de l’opposition ».
Zeus AZIADOUVO
 
Liberté Hebdo

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