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Editorial de Fenêtre sur l’Afrique du 13 mai, radio Kanal K en Suisse
 
Il va sans dire que coup d’Etat et démocratie sont idéologiquement et philosophiquement antinomiques. La rédaction de votre émission FSA ne cautionnera ou ne fera jamais l’apologie des coups d’Etat militaires. Nous connaissons toutes et tous les affres et, surtout, l’obstruction à toute avancée humaine et sociétale des régimes militaires installés par le biais de coups d’Etat. Le cas togolais fait légion.
 
Une fois ceci dit, force est de constater qu’il y a des cas qui inspirent à nuancer le propos. N’eût été l’implication d’une frange de l’armée, la révolution burkinabè n’aurait guère eu l’issu qu’on lui connait. Comme si elle empruntait le même chemin, la société civile burundaise a, elle aussi, commencé à se mobiliser et à intensifier des manifestations publiques contre l’entêtement de Pierre Nkurunziza à se maintenir au pouvoir. Nous n’allons pas vous abreuver d’une analyse sèchement juridique sur le point de discorde entre le pouvoir et la société civile renforcée par l’opposition. La seule question légitime qui se pose est : Pierre Nkurunziza et son clan sont-ils plus constitutionnalistes que tout le peuple burundais et la communauté internationale qui soutiennent qu’il a déjà effectué ses deux mandats légaux ? Si ce n’est une volonté autocratique et aveuglée de s’accrocher au pouvoir vaille que vaille, comment se fait-il qu’il soit le seul à faire une toute autre interprétation de la Constitution et des accords d’Arusha du 28 août 2000 ?
 
Le Général Godefroid Niyombare, ancien chef d’Etat major et ex chef des renseignements, camarade de lutte de Nkurunziza pendant la période du maquis, était le chef des putschistes. Selon les informations recueillies, ce dernier aurait conseillé à Nkurunziza d’écouter le peuple en ne se représentant pas aux élections. Cette position lui a valu son éviction du poste de chef des renseignements par son ancien camarade. Craignant le retour des vieux démons ayant ensanglanté et endeuillé son pays dans les années 90, ce dernier, profitant de l’absence de Nkurunziza, a pris ses responsabilités. Il convainc quelques responsables de l’armée et de la police pour l’aider à protéger l’esprit des accords d’Arusha, base de la paix nationale depuis bientôt 15 ans.
 
Temporellement, l’action a été éphémère. L’entreprise du général Niyombare n’a pas abouti à cause de la détermination de la garde républicaine (la garde présidentielle) à rester fidèle au président Nkurunziza à tous prix. Ce qui est certain, c’est que l’initiative de la bande à Niyombare a reçu l’adhésion de la population. Nous n’en voulons pour preuve que les scènes de liesses populaires à Bujumbura et dans certaines villes de l’intérieur du pays à l’annonce de la destitution de Nkurunziza. N’est-ce pas la première mission d’une armée républicaine de défendre l’intérêt supérieur de sa nation ? Le putsch a certes échoué, mais la preuve est faite de l’existence de républicains au sein de l’armée burundaise.
 
Il y aura dorénavant un avant et un après 13 mai 2015 au Burundi. Plus rien ne sera comme avant. Même si Nkurunziza retrouve son fauteuil, nous ne serons pas surpris qu’il revoie son interprétation de la loi fondamentale burundaise sur la durée du mandat présidentiel. Il n’a plus affaire seulement au peuple et aux partis de l’opposition. Désormais, il sait qu’une partie de la grande muette n’est plus acquise à son entêtement, mais aspire à mener sa vraie mission comme la constitution la lui a confiée. Les armées africaines héritées des périodes postcoloniales font inexorablement leur mue. Les dictatures encore en place ont de sérieux soucis à se faire. Le vrai pilier sur lequel elles se sont toujours tenues, c’est-à-dire leurs armées, commence à prendre place dans le train de la modernité, de la démocratie et de l’esprit républicain. L’action des armées lors du printemps arabe, l’implication de la grande muette pendant la révolution burkinabé et la mutinerie au sein de l’armée burundaise pour la bonne cause sont des signes avant-coureurs qui ne trompent pas. Une nouvelle ère se lève.
 
Amis fidèles auditeurs de Fenêtre sur l’Afrique qu’on le veuille ou non, cette tentative de coups d’état au Burundi vient de sonner le glas avec fracas de mandats plusieurs fois renouvelables en Afrique. Les révolutions qui naissent par les armes peuvent être arrêtées mais celles qui se propagent par les esprits sont insaisissables. Vive le peuple Burundais pour que vive l’Afrique.
 
La Rédaction de FSA
Radio Kanal K
Suisse
 

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