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Accoudé au balcon du deuxième étage, Soma Kader sourit, le regard tourné vers l’orangé du soleil couchant. « Regarde, c’est la couleur de notre parti, de notre président », lance le militant avant d’entonner quelques paroles victorieuses. Il n’est que 17 heures ce lundi 30 novembre, au lendemain du premier tour des élections présidentielles. Mais au siège du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), dans la capitale Ouagadougou, les militants qui arpentent les quatre étages du QG se félicitent déjà. « Je savais que nous allions gagner depuis le début de la campagne, se targue Soma Kader. C’est comme dans un combat de boxe. Quand un boxeur monte sur le ring en étant sûr de lui, il remporte le combat. »
 
Un « coup K. O. ». Une expression répétée sans cesse avec vigueur, ce lundi 30 novembre. « Ce concept est de Salif Diallo, notre mentor politique. C’est un père pour nous », poursuit le militant. Salif Diallo, « l’animal politique », comme certains ont surnommé le directeur de campagne de Roch Marc Christian Kaboré, le nouveau président du Burkina Faso.
 
A quelques heures de la publication des résultats provisoires par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), son attitude posée et distante tranche avec l’agitation générale. « Ce qui a fait notre force pendant la campagne, c’est notre organisation. Nous avions 909 295 délégués dans le pays », expose derrière son bureau de verre noir Salif Diallo, un géant d’1 m 90 qui a servi le régime de Blaise Compaoré comme ministre et ambassadeur avant de rejoindre Roch Marc Christian Kaboré dans l’opposition. Dans un coin, un lit de camp est replié. « J’ai passé la nuit ici et je n’ai pas bougé depuis, pour attendre les résultats », poursuit-il.
 
Une attente qui n’en était pas complètement une. Trois étages plus haut, Mamata Tiendrebeogo, membre du bureau exécutif du MPP, revient sur le secret révélé dans la journée : une application a permis au MPP de procéder à un comptage parallèle des votes. 368 « agents smartphones » répartis dans chaque commune du Burkina ont ainsi pu envoyer au département central les résultats des élections dès la fin du dépouillement. Un processus plus rapide que celui mis en place par la CENI. « C’était notre source interne, un moyen pour nous de nous préparer rapidement à un éventuel second tour », explique Mamata Tiendrebeogo.
 
Autour d’elle, l’excitation de la victoire n’empêche pas l’épuisement. Certains dorment, allongés sur un bout de tissu ou avachis derrière leur ordinateur. Les quelques éveillés pianotent sur leurs téléphones et ordinateurs mais gardent un œil méfiant sur les personnes franchissant les portes de leur service. « Accès interdit à toute personne », indique une affichette sur la porte. « Nous mangeons là, nous dormons là, nous nous douchons là. Cela fait 72 heures que nous ne sommes pas sortis car nous n’avions pas le droit de parler [hors du siège] », poursuit Mamata Tiendrebeogo.
 
L’espoir du changement
 
Les paroles de la jeune femme sont vite masquées par le son des basses. Il est 19 heures et devant le bâtiment, des artistes et des militants commencent à se succéder sur une large scène. La façade du siège du parti a été décorée aux couleurs du parti, le blanc et l’orange. Entre deux écrans géants, des milliers de Burkinabés s’amassent, venus assister à un jour que beaucoup ont qualifié d’« historique » pour l’Afrique. Minuit approche.
 
« Avec ces élections, nous avons montré l’exemple, estime Innocent Ouedraogo, collé contre les barrières de sécurité. Maintenant qu’elles sont terminées, j’espère que cette présidence va apporter un vrai changement politique à notre pays. » Quelques minutes plus tard, les têtes se tournent vers les écrans et les voix se taisent. Roch Marc Christian Kaboré est élu au premier tour avec 53,49 % des voix, annonce Barthélemy Kéré, le président de la CENI, à 00 h 10. La foule en délire agite des drapeaux à l’effigie du nouveau président du Burkina et entonne l’hymne du MPP. Entouré de sa garde rapprochée, Roch Marc Christian Kaboré monte sur scène et entame un discours sobre, sous les acclamations des Burkinabés qui découvrent leur nouveau « prési ».
 
A l’intérieur du bâtiment, plusieurs candidats sont venus adresser leurs félicitations à celui qui devrait être officiellement déclaré président du Burkina Faso par le Conseil constitutionnel dans les prochains jours. « Cela montre aux plus grandes puissances du monde que le Burkina reste bien le pays des hommes intègres », affirme Amado Ganemtore, militant au MPP, avant de s’en aller. Le couvre-feu ayant été maintenu de 1 à 4 heures du matin, les abords du QG se sont rapidement vidés. Les derniers ont attendu le départ de Roch Marc Christian Kaboré, peu avant une heure. « Je ressens beaucoup de fierté et d’humilité, nous glisse le vainqueur avant de quitter le siège. Je sais que la tâche qui nous attend est lourde. »
 
source : lemonde.fr
 

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