Frédéric Joël AÏVO

Dans quelques mois, les Béninois auront un rendez-vous crucial avec l’histoire. Ils vont se soumettre aux exigences démocratiques en se rendant aux urnes pour choisir un des leurs qui aura la lourde responsabilité présider au destiné du pays. Ils auront le choix de la continuité avec Patrice Talon ou réaliser l’alternance. Pour le moment rien n’est joué. Les acteurs politiques se jettent dans l’arène et occupent le terrain. C’est le cas de Frédéric Joël AÏVO. Homme politique avisé, Agrégé des facultés de droit, Professeur titulaire de droit public et Doyen honoraire  de la Faculté de droit et de science politique (Université d’Abomey-Calavi) est en train prendre de manière irréversible une place prépondérante dans le débat public et conquiert les âmes. «Le Professeur », comme on le surnomme est très proche du bas peuple. Le Constitutionnaliste a pris le temps de s’imprégner du quotidien de ses compatriotes touchant du doigt les réalités du terrain. Dans une tribune (que nous publions) il a dressé  diagnostic sans complaisance et sans concession de la gestion du Président Patrice Talon. Il clame par ailleurs son envie pressante  de le rencontrer autour d’un débat républicain pour, non seulement, le confronter sur sa gestion pendant son quinquennat mais aussi lui dire un certain nombre de vérités sur l’état du pays.

« Je veux débattre avec Patrice Talon »

Le 1er aout 2020, à l’occasion de la commémoration des soixante (60) ans de l’indépendance de notre pays, j’ai dit à un groupe de femmes rencontrées à Pahou dans la commune d’Ouidah, qu’en leur nom et au nom des onze (11) millions de Béninois, je débattrai publiquement avec le Président Patrice Talon en 2021, avant l’élection présidentielle.

Oui, je travaille depuis des années pour parvenir, au nom des Béninois, à ce moment de vérité avec le Président de la République. En 2021, je veux débattre avec le Président sortant.

Je veux le confronter à la réalité du Bénin, à ce qu’il n’a pas voulu voir ni entendre depuis qu’il est entré au Palais de la Marina. Ces écoles publiques abandonnées, ces hôpitaux sans médecins, le CNHU sans équipements, les universités livrées à la ruine, ces courageuses femmes sans le moindre soutien, ces fonctionnaires humiliés et dépouillés, ces entreprises traquées et fermées, ces hommes et femmes fuyant la vengeance et l’injustice, ces chômeurs sans perspectives etc.

Je veux parler avec le Président de la République du salaire de ses Ministres, de ses collaborateurs extérieurs dont les salaires suscitent l’effarement et l’indignation du commun de nos concitoyens, de la dette de notre pays, de l’image du Bénin dans le monde, de notre diplomatie erratique, de ce qui reste de nos institutions, de nos médias d’information, de nos libertés, de l’indépendance de la justice, de notre démocratie, bref de tout ce qui a fait, jusque-là, la fierté de notre pays.

Je veux me plier à cet exercice salutaire, afin que cette cruelle réalité ne soit plus occultée, ignorée du Président Patrice Talon. Cette réalité vaut bilan. Bilan de sa mandature. Révélateur des limites de sa gouvernance, de l’échec de sa politique et de ses conséquences drastiques sur la collectivité nationale.

Je veux, au nom des Béninois, lever le voile des artifices de son quinquennat et le confronter au réel. Je veux percer la bulle dans laquelle le pouvoir s’est confiné, le sortir de son aquarium pour le plonger dans la réalité de la lagune.

Je veux parler au nom de tous les Béninois attachés à la République. Au nom de tous ceux qui rejettent la violence, et qui n’ont cessé de témoigner de leur détermination à faire barrage à l’entreprise de démolition de notre patrimoine démocratique. Une question se posera au terme de ce débat : comment, avec quels mots et quelles improbables promesses le Président Patrice Talon pourrait-il encore solliciter la confiance des Béninois, ce peuple avisé, lucide et capable de tous les sursauts salvateurs ?

Ayant parcouru près d’une cinquantaine de communes et des centaines de villages, après avoir été auprès des couches vulnérables et des forces productrices du pays abandonnées par l’État ; après avoir écouté, échangé avec chacun d’entre eux, ceux qui sont restés au Bénin comme ceux qui ont dû s’éloigner du pays, je suis aujourd’hui convaincu du fossé qui sépare le Président de la République du pays réel. J’ai pu mesurer à quel point le Président de la République se trouve en total déphasage avec le pays et coupé des aspirations profondes des populations qui l’ont pourtant démocratiquement et librement élu.

Je rentrerai dans ce long débat avec le Président Talon, vision contre vision, projet contre-projet, avec ce que j’ai senti et entendu depuis bientôt deux (2) ans auprès de nos compatriotes, à Savé, à Nikki, à Kétou, à Parakou, à Toffo, à Porto-Novo, à Dogbo, à Comé, à Glazoué, à Pahou, à Adjohoun, à Pobé, à Aplahoué, à Bohicon, à Ouinhi, à Lokossa, à Adjarra, à Abomey-Calavi et dans bien d’autres localités.

Je veux parler au nom de nos concitoyens contraints à l’exil, condamnés, jetés en prison.

Je veux être le porte-voix de nos frères et sœurs morts en défendant des élections libres et la démocratie.

Au bout de deux (2) ans d’un dialogue itinérant avec les Béninois, je me prépare à mettre dans le débat public une offre politique résolument opposée à la vision du Président Talon et aux actes posés par ses gouvernements successifs.

Je suis porteur d’un projet pacifique, fermement opposé à la vengeance et déterminé à combattre l’injustice politique et économique qui frappe indifféremment partis politiques, opérateurs économiques, travailleurs, fonctionnaires etc. Pour mon pays, à partir d’avril 2021, je veux la paix, l’unité et le progrès économique mais dans la démocratie.

Cette offre politique que je veux confronter au Président Talon est celle d’un homme qui croit fermement qu’on peut, qu’on doit développer ce pays dans la démocratie, mais pas en le sortant de la démocratie.

En un mot, cette offre politique est destinée à faire renaître le Bénin que nous aimons tous.

Je veux que, tous ensemble, nous œuvrions à remettre notre pays debout, et, à le rendre de nouveau, aimable aux yeux du monde.
Cette offre politique se fonde sur cinq (5) priorités urgentes. Les 5R : Rassembler les Béninois et apaiser un pays en proie au doute et au désarroi; Rétablir la démocratie ; Relancer l’économie nationale en ouvrant tous les secteurs d’activités vitaux à tous les fils du pays ; Redistribuer la richesse nationale et vaincre la pauvreté ; Repositionner le Bénin sur la scène internationale et réconcilier le pays avec nos voisins à qui nous ne pouvons pas tourner le dos.

Monsieur le Président de la République,

Depuis 2018, le Bénin a trop souffert du passage en force et de l’exclusion politique. En conséquence, je souhaite que vous ne vous dérobiez pas à ce débat démocratique, ce moment de vérité qu’attendent les Béninois pour panser leurs plaies. Avec le respect que j’ai toujours eu pour les institutions de la République et, particulièrement, pour l’Institution que vous représentez, je vous invite à renoncer à tirer profit des réformes controversées et des mesures d’exclusion, pour échapper à l’évaluation légitime de votre bilan par le peuple et pour l’empêcher de choisir librement ses dirigeants.

Monsieur le Président de la République,

Je vous le dis, fort de ce que j’ai entendu ces derniers mois auprès de nos compatriotes de tous âges et de toutes conditions sociales, sur toute l’étendue du territoire national. Je sais que notre peuple n’acceptera pas cette fois-ci, et sous aucun prétexte, que des candidats opposés à votre politique soient exclus du processus électoral de 2021. Ainsi, en avril 2021, si au terme d’une élection ouverte, libre et démocratique, une majorité vous exprime son adhésion, ce choix sera naturellement respecté de tous. Mais si, comme je le pressens, la force de nos idées et l’esprit collectif de ce pays triomphent, nous aurons les cinq (5) prochaines années pour rendre les Béninois de nouveau fiers de leur pays, en harmonie avec tous nos voisins et partenaires.

      Frédéric Joël AÏVO

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