L’opinion publique est la manière de penser la plus répandue dans une société. Elle est le produit des influences de plusieurs composantes de la société.

Au Togo, l’Église catholique représente 25 % de la population. Quelle est son influence sur la construction de l’opinion publique ?

Sur les 7 millions de Togolais, 25 % sont catholiques. Ils sont engagés dans divers secteurs sociaux, politiques et économiques. Mais participent-ils à la réflexion sur des sujets d’intérêt public et influencent-ils les manières d’être et de penser de leurs concitoyens ?

Pour le père Marc Agayi, prêtre du diocèse d’Atakpamé, à 160 km au nord de Lomé, la capitale, l’Église occupe une place importante dans la construction de l’opinion publique au Togo. Spécialiste en théologie morale, le prêtre togolais qui a soutenu sa thèse en 2010 sur l’engagement politique des chrétiens dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest estime que « c’est notamment par la voie de la conscientisation des citoyens que l’Église contribue à la construction de l’opinion publique, mais aussi à travers la formation des consciences dans les écoles catholiques ».

Mathilde Ezih, chrétienne résidant à Lomé, partage l’avis du père Agayi. Pour elle « l’Église a été au premier rang de l’éducation des enfants dans le pays et jouit du respect d’une bonne partie de l’élite dont la plupart sont passés par ses écoles ».

L’Église peut influencer l’opinion publique

« Composante de la société, l’Église représente une institution crédible dans les représentations sociales des citoyens », estime Roger Folikoué, enseignant chargé de cours de philosophie politique à l’Université de Lomé. Cet acteur de la société civile note que l’Église a un grand rôle à jouer et doit prendre conscience de l’influence qu’elle peut avoir. « Elle peut influencer positivement et propulser les citoyens dans leur implication dans l’ordre temporel », insiste-t-il.

En novembre 2018, les évêques togolais avaient publié un message dans lequel ils s’inquiétaient de l’impasse politique, économique et sociale dans laquelle le pays est plongé depuis 2017 et qui s’est aggravée fin 2018 avec l’organisation unilatérale des élections législatives par la majorité présidentielle. L’épiscopat a appelé « à la conscience et à la raison des uns et des autres, à l’arrêt de tout calcul politicien » et demandé « la mise en œuvre des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales ».

L’Église est-elle écoutée ?

Malgré ses nombreuses interventions dans la vie politique nationale depuis le temps de l’indépendance à travers des lettres pastorales, des déclarations et différentes actions, l’Église catholique semble, cependant, incomprise et sa voix, peu écoutée. « L’Église n’est malheureusement pas assez écoutée au Togo », déplore Roger Folikoué. Pour le père Agayi, « la classe politique écoute l’Église d’une certaine façon, mais elle est encore dure de cœur ». « Les politiques, explique-t-il, savent que l’Église dit la vérité, mais poussés par leur intérêt personnel, ils font la sourde oreille au détriment du bien commun ».

Pour plusieurs catholiques interrogés par La Croix Africa, les gouvernants semblent ignorer les contributions de l’Église qu’ils considèrent comme une ingérence en politique, tout en réduisant ses interventions à l’ordre spirituel pour l’écarter du temporel.

Selon ces chrétiens, la dépendance économique de certains pasteurs vis-à-vis des politiques, les difficultés dans les écoles catholiques, les carences dans la formation des consciences, constituent des freins à la contribution de l’Église au débat public. « Voilà des défis à relever, car, indique Mathilde Ezih, se taire face aux problèmes du pays serait une démission impardonnable pour l’Église ».

Charles Ayetan (à Lomé)/africa.la-croix.com
 
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