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Loïk Le Floch Prigent sur Rfi :

Il y a un an, précisément le 26 février 2013, Loïk Le Floch Prigent sortait de prison au Togo. L’homme d’affaires français, ancien patron de Elf Aquitain,e aujourd’hui expert en énergie, avait été arrêté cinq mois plus tôt à Abidjan, en Côte d’Ivoire, puis « transféré » à Lomé où il était recherché suite à la plainte déposée par son ancien associé émirati Abbas Youssef dans l’affaire dite d’« l’escroquerie internationale ». Dans un livre qui vient de paraître, Le mouton noir aux éditions Pygmalion, il règle ses comptes au pouvoir togolais : il assure avoir été victime d’un « échange de bons procédés » entre la Côte d’Ivoire et le Togo. Et, affirme que le Togo a voulu se servir de lui pour « faire tomber » Pascal Bodjona, l’ancien porte-parole du gouvernement togolais.

 

RFI : Vous dites : « Il ne fait aucun doute que j’ai été la victime d’un marchandage entre la Côte d’Ivoire et le Togo ». De quoi parlez-vous ?

 

Loïk Le Floch Prigent : Il y avait un ancien ministre de la Défense qui était au Togo et qui ne pouvait pas être extradé du Togo vers la Côte d’Ivoire, et quelques mois avant, il a été transféré exactement de la même façon que moi j’ai. C’est-à-dire illégalement par rapport aux règles à la fois du Togo, de la Côte d’Ivoire et de la Cédéao, c’est-à-dire l’organe de l’Afrique de l’Ouest.

 

Loïk Le Floch Prigent : Il est clair aujourd’hui que c’est de ce marchandage dont j’ai été la victime. C’est-à-dire d’un côté, un général et de l’autre côté, un homme connu internationalement et qui va permettre au régime en place de se débarrasser de quelqu’un qu’ils n’ont pas envie d’avoir «dans les pattes », qui est le numéro 2 de l’époque, Pascal Bodjona, dont on me demande d’assurer qu’il est mêlé à une affaire d’escroquerie internationale. Et comme je suis connu internationalement, ça permet de justifier internationalement cette mise à l’écart.<:p>
 

RFI : Mais concernant ce marchandage, avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?

 

Loïk Le Floch Prigent : J’ai simplement le fait qu’il me soit demandé par les juges que j’ai en face de moi, de faire en sorte que Monsieur Bodjona soit considéré comme complice de cette escroquerie. Et c’est ce qui m’est demandé et ils ne comprennent pas pourquoi je ne le fais pas.

 

RFI : Mais concernant le marchandage avec le ministre ivoirien ?

 

Loïk Le Floch Prigent : C’est mon hypothèse.

 

RFI : C’est votre hypothèse ?

 

Loïk Le Floch Prigent : C’est une hypothèse. A l’intérieur du Togo comme de la Côte d’Ivoire, c’est l’hypothèse qui est en général retenue par les gens que je rencontre.

 

RFI : Vous avez fait votre enquête…

 

Loïk Le Floch Prigent : J’ai fait mon enquête depuis ma rentrée. J’ai interrogé les uns et les autres et ils me disent qu’effectivement, c’est ce qui s’est passé.

 

RFI : Vous avez porté plainte l’an passé à Lomé et à Paris. Où en est la procédure ?

 

Loïk Le Floch Prigent : Nulle part. C’est-à-dire que rien n’a bougé à Lomé. J’ai demandé en particulier une expertise médicale du plaignant, à savoir Abbas Youssef. Je me suis plaint également puisque pendant 26 heures devant les juges, il m’a menacé de mort. Par ailleurs, il a soudoyé les fonctionnaires togolais et les fonctionnaires ivoiriens pour que je sois kidnappé et transféré.

 

Et rien n’a bougé. Pas plus qu’en France d’ailleurs, où j’ai porté plainte également avec constitution de partie civile que j’ai payée. Ainsi, normalement, un juge aurait dû être nommé. Mais cette affaire n’intéresse pas autant que d’autres affaires, j’imagine. Parce que, parce que, parce que…
Au détour du livre vous parlez des horreurs commises en Afrique par des industriels de notre pays, de la France.

 

RFI : Vous citez des noms. De quoi parlez-vous ?

 

Loïk Le Floch Prigent : Je pense qu’à partir du moment où lorsqu’on a envie de quelque chose en Afrique et qu’il apparaît que la corruption est le seul moyen de l’obtenir, ensuite plus rien ne peut étonner. Et je pense qu’aujourd’hui il y a des opérations qui sont menées par des Français – mais pas seulement des Français – en Afrique, qui sont préjudiciables aux Africains et qui conduisent à ce que des familles entières soient « décimées », soit par manque d’argent, soit «tout court ». Donc il y a vraiment des choses affreuses qui se passent en Afrique, parce que les gens n’ont plus aucune limite dans la corruption qu’ils peuvent exercer à l’égard des autorités ou certaines autorités.

 

Et je pense qu’en particulier au Togo aujourd’hui, les rentrées d’argent existent pour l’Etat togolais, et ces rentrées d’argent sont complètement détournées par la bande de gens qui sont au pouvoir aujourd’hui ! Je le dis aussi bien sur le port de Lomé que sur les phosphates, et hier comme demain, sur ce que peut être la recherche pétrolière.

 

Ça, ça me choque profondément parce que ça n’a pas été du tout la pratique, contrairement à ce qu’on peut dire, de mon activité en Afrique tout au long des dernières années, puisque j’ai été en Afrique depuis maintenant une trentaine d’années et je sais à peu près de quoi je parle. C’est-à-dire que soit on considère qu’il existe un Etat et qu’il existe de la corruption mais qu’elle est marginale par rapport aux rentrées d’argent, auquel cas je dis «j’adhère à cette position »…

 

RFI : Oui, vous justifiez en fait les commissions, rétro-commissions, mais minimes en fait. C’est ça ?

 

Loïk Le Floch Prigent : Minimes… Mais quand elle fait la majorité des rentrées d’argent d’un Etat, c’est inacceptable, et personne ne doit continuer à les accepter !

 

RFI : Concernant l’Afrique encore, vous faites une proposition notamment, c’est de créer un statut d’ancien président. De quoi s’agit-il ?

 

Loïk Le Floch Prigent : Je pense que l’un des problèmes des chefs d’Etat africains aujourd’hui, c’est qu’ils veulent rester en poste jusqu’à leur mort. Et la fin de vie d’Houphouët Boigny ou la fin de vie d’Omar Bongo ce n’est pas quelque chose qui est souhaitable pour l’Afrique. Et je pense que le modèle, le bon modèle, c’est celui du Ghana où Jerry Rawlings s’en va et laisse la possibilité à ses successeurs de se relayer. Mais pour ça il ne faut pas que le chef d’Etat parte au tribunal de La Haye ! Pendant ce temps-là on continue à diriger le pays, mais on arrête d’avoir les Blancs qui jugent les Noirs. Voilà. Et grossièrement, à l’intérieur des pays africains aujourd’hui, le tribunal de La Haye c’est considéré comme ça.

 
Source : Rfi
 

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Liberté Togo
 

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