Emission « Au cœur de la Nation » sur la TVT

 
Le mercredi 2 mai 2012, le monde entier a suivi le très passionnant débat d’entre-deux tours de l’élection présidentielle en France entre le très bling-bling Nicolas Sarkozy et son futur délogeur François Hollande. La tension était montée par moments et certains écarts de langage ont fusé, surtout de la part du Hongrois devenu Gaullois. Mais le débat était resté dans les limites de la civilité. Ce qui a séduit nombre de Togolais, qui ont émis le vœu ardent qu’une telle initiative fasse des émules au Togo aussi. Et il semble que Dieu a écouté ces nombreux compatriotes.
 
Ce n’est nullement un débat d’entre-deux tours d’élection présidentielle au Togo, mais sur le processus électoral en cours dans notre pays qui s’est déroulé vendredi dernier sur la Télévision Togolaise. C’était sans doute ce qu’il conviendrait d’appeler « LE DEBAT DE LA DECENNIE FAURE GNASSINGBE AU TOGO ». Mille regrets aux absents, devrions-nous dire. C’était côté tension. Mais côté éclairage attendu par les téléspectateurs, c’est un débat à vite oublier. A cause surtout du comportement des émissaires du pouvoir qui se réduisait à l’impertinence, à l’arrogance, à la gueule forte, au manque de civilités, avec une avitaminose de galanterie, ou plutôt un machisme grandeur nature.
 
Les attentes déçues
 
« Togo/Législatives : Que fait le gouvernement, que veut l’opposition ?», c’était le thème de l’émission « Au cœur de la Nation » organisée vendredi dernier sur la Télévision Togolaise. A l’animation, le confrère Franck Missité, qui avait comme invités côté gouvernement, le ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Pascal Bodjona, et son collègue du Commerce et de la Promotion du Secteur privé, Arthème Seleagodji Ahoomey-Zunu ; et côté opposition, Jean-Kissi du Comité d’action pour le renouveau (Car) et Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson de la Convention démocratique des peuples africains (Cdpa). Même si le sujet choisi, le processus électoral était sensible et d’actualité, rien ne présageait des échanges aussi houleux.
 
Les téléspectateurs s’attendaient à voir leur lanterne éclairée sur un processus géré par le pouvoir façon sectaire et comme un secret d’Etat, et qui fait monter la tension au sein de la classe politique. Mais le débat était plutôt bas, et s’il fallait lui donner une note, elle doit être négative. Il s’est presque terminé en queue de poisson, tant la bile est montée de tous les côtés et les tensions exacerbées. « Débat très heurté », « débat : cogne-moi, et je te cogne aussi », c’est ainsi que des confrères l’ont qualifié.
 
La haine de la contradiction
 
Au-delà de la conduite unilatérale du processus et des réformes y relatives, les questions fondamentales sur lesquelles étaient attendues les « grandes gueules » du pouvoir, c’étaient sur les projets iniques de Code électoral et de découpage électoral. Pascal Bodjona et Arthème Ahoomey-Zunu étaient censés convaincre les populations de la légitimité de la façon dont le gouvernement conduit le processus, et étaler au grand jour la pseudo mauvaise foi (sic) qu’ils ne cessent de reprocher aux acteurs de l’opposition. Mais ils n’y sont pas arrivés. C’était presque « MISSION IMPOSSIBLE », car il s’agissait de convaincre de l’« inévidence », de nier que le pouvoir n’est pas en train de verrouiller le processus. Et en plus, leurs interlocuteurs de l’opposition leur ont compliqué la vie, juste en leur portant la juste contradiction. Ce pour quoi ils étaient d’ailleurs sur le plateau. Et ça, les émissaires du pouvoir n’ont pas du tout aimé.
 
Les téléspectateurs ont vu leur agitation tout au long de l’émission. Pascal Bodjona a mis en branle toutes ses compétences en rhétorique, monopolisant à lui tout seul la parole pour au moins 60 % du temps total. A un moment donné, les téléspectateurs ont senti chez « grand format » des envies d’imposer sa forme à ses interlocuteurs et les faire taire. Mais Jean Kissi qu’on ne connaît pas bègue et Mme Adjamagbo-Johnson ne se sont nullement laissé marcher sur les pieds.
 
L’énervement était beaucoup plus perceptible chez le ministre Ahoomey-Zunu, qui n’est pas réputé pour sa courtoisie et le respect de ses interlocuteurs. Il présentait sur le plateau un faciès fermé, tel celui des gardes du corps d’un certain George Bush en visite surprise à Bagdad, ou encore de ces « gros bras » postés souvent à l’entrée des boîtes de nuit pour assurer l’ordre, lorsque leurs contradicteurs avaient la parole. La température qui s’en dégageait pourrait faire cuire le tibia d’un éléphant garçon (sic) ou fondre le fer de Bangéli en un clin d’œil. A un moment donné, on a retrouvé le faciès qu’on présentait dans l’enfance lorsque votre papa ne vous offrait pas un « mawa » complet pour les fêtes de fin d’année. Durant une bonne partie de leur intervention, Ahoomey-Zunu avait ce regard fermé et dirigé ailleurs, signe de son dédain ; et lorsqu’il était obligé de dévisager ses vis-à-vis, c’est avec un regard de fauve prêt à bondir sur sa proie et la dévorer qu’il le fait.
 
C’était manifeste que Pascal Bodjona et son compère Ahoomey-Zunu ne supportaient pas la contradiction, et ce n’est que caractéristique du pouvoir en place. La représentante de la Cdpa le leur a bien craché à la figure. Même constat chez l’animateur de l’émission, qui a lâché, dépité : « …Nous ne sommes pas encore habitués à des débats contradictoires ». Le même constat a été fait par les téléspectateurs, dont l’un lui a justement envoyé un message dans ce sens.
 
Impertinence, incivilité, machisme de Bodjona et d’Ahoomey-Zunu
 
Le ministre du Commerce n’est pas connu pour sa courtoisie dans ses interventions médiatiques. On se rappelle encore ses propos à la limite irrévérencieux sur le plateau de Africa 24 à la veille du scrutin présidentiel du 4 mars 2010 au Togo lorsqu’il était face à Kofi Yamgnane, à l’époque porte-parole du candidat Jean-Pierre Fabre. Les Togolais doivent encore se rappeler les propos révoltants de l’ancien galérien de l’Union togolaise pour la démocratie (Utd) puis de la Convergence patriotique panafricaine (Cpp), qui s’est refait une bonne santé financière aux côtés de Faure Gnassingbé, sur la hausse des prix du carburant. Ahoomey-Zunu, c’est celui qui aime prendre ses interlocuteurs de haut, avec condescendance donc, scintille l’arrogance dans ses propos. Mais nous ignorions qu’il souffrait aussi d’une avitaminose de galanterie, mieux, de machisme.
 
« Vous devez bien me parler, vous ne devez pas me manquer de respect… », n’a-t-il eu de cesse de cracher tout le long du débat lorsque Mme Adjamagbo-Johnson intervenait. C’était loisible de constater qu’à chaque prise de parole, le transfuge de la Cpp qui s’est autotransféré dans le club du « Leader nouveau », maugréait et cherchait presque à intimider la dame. Le pic, c’était lorsque la représentante de la Cdpa, qui n’est pas trop connue pour être bavarde au point d’être irrévérencieuse – cela ne lui ressemble pas -, a juste relevé l’argumentaire perclus (sic) du très zélé Ahoomey-Zunu selon lequel le gouvernement avait à faire des choix dans la mare de propositions qui lui sont faites, raisonnement développé visiblement pour justifier le coup de force actuel. Aucune galanterie donc ! Et pourtant une femme, ça se respecte.
 
A un moment donné, on se demander si Monsieur le ministre du Commerce était misogyne et macho, parce qu’il ne réservait pas le même traitement à Jean Kissi. C’était comme un match dans le match, et on avait l’impression que les vraies motivations étaient ailleurs. Mais on a tout de suite compris cette aigreur lorsqu’un confrère a actualisé nos connaissances. Ces réactions phallocrates étaient juste l’effet d’un complexe créé par un événement récent – seulement quelques mois – et un autre lointain – plusieurs dizaines d’années -, en réalité la phase retour d’une rencontre – pas politique quand même – qui a commencé dans un autre monde, à mille lieux de la Terre de nos aïeux et qui a changé beaucoup de choses. Souffrez qu’on soit juste allusif.
 
Même si le lièvre est ton rival, l’honnêteté recommande de reconnaître qu’il court plus vite que toi, dit l’adage. Pascal Bodjona est le meilleur ami politique de nombre de journalistes à cause de sa magnanimité – suivez les regards – ; cependant nous l’avouions dans un récent article que l’homme séduit par son art de la rhétorique, même lorsque ce qu’il défend manque de légitimité, et reste dans les limites de la courtoisie, au contraire de son compère Gilbert Bawara, l’autre avocat défenseur de Faure Gnassingbé qui perd trop souvent les pédales et verse dans les injures. Mais le ministre « grand format » est sorti de la clôture de civilités qui devrait entourer ce débat. Je vous sais plus intelligente que ça, a-t-il dit en substances à Mme Adjamagbo-Johnson, son seul péché étant d’avoir dit tout haut ce que tous les Togolais pensent tout bas : « Le problème de ce régime c’est qu’il pense qu’il ne quittera jamais le pouvoir, mais moi je vous dis que vous quitterez le pouvoir, soit par les urnes, ou d’une autre façon ». De l’insulte indirecte donc. Ce que le commun des téléspectateurs ignorait, c’est que le préposé du gouvernement parlait à son professeur d’Université lorsqu’il était encore sur le campus de Lomé, qu’il quittera par les persiennes – hum…
 
Franck Missité, yakoo !
 
Animer des émissions de grande écoute, voilà une ambition souvent nourrie par les confrères télé de par le monde, car cela offre beaucoup de visibilité. Et le plus souvent, on se livre une concurrence –saine- pour être choisi pour ce faire. C’est sans doute le cas des confrères de la TVT aussi avec l’émission « Au cœur de la Nation ». Le sujet retenu pour vendredi dernier était en plus d’actualité. Mais on avoue que cette date devra rester gravée dans les mémoires de Franck Missité, et il devrait regretter ces presque deux heures d’émission passées sur le plateau. Tant il a eu toutes les peines du monde à la diriger. Cela n’avait rien à avoir avec ses compétences personnelles. C’est tout simplement que ses interlocuteurs ne lui ont pas rendu la tâche facile, surtout les deux « grandes gueules » du pouvoir. Et pour rien au monde, on n’aimerait pas être à la place de notre confrère ce vendredi soir.
 
Tous parlaient à la fois, et il fallait faire la police pour faire régner l’ordre. Par moments, c’est le ministre « grand format » qui, non repus de privatiser la parole tout le long de l’émission, usurpait la prérogative de Franck Missité et se permettait de poser directement des questions à ses interlocuteurs. Dépassé, le confrère a dû faire la morale par moments à tous les invités. « Ça se voit que vous n’êtes pas habitués à des débats contradictoires. Il y a un téléspectateur qui m’a envoyé un message me demandant de discipliner le plateau. Vous êtes des personnalités publiques, vous devez donner l’exemple aux populations qui nous regardent », a-t-il été obligé de leur dire. Mais ce rappel à l’ordre n’a pas du tout plu à nos très honorabilissimes ministres qui sont montés sur leurs ergots – c’est leur habitude, ils n’ont jamais tort et n’admettent pas qu’on leur donne des leçons -, au point que le confrère a été tenté de sortir son portable pour leur montrer le message. Clôturant l’émission, il a dû appeler ses invités à suivre les émissions débats – civilisées – sur les chaines françaises, allusion sans doute au débat Hollande – Sarkozy. Il a manqué de peu que Franck Missité ne perde son sang froid et déconne. Et ce ne serait pas faute d’avoir essayé de se retenir, car ses nerfs ont été dûrement éprouvés, et beaucoup d’animateurs auraient flanché à sa place. Ce courage qu’il a eu à faire la morale aux deux ministres indomptables nous fait même craindre des représailles de leur part sur sa personne et sur sa carrière dans la boîte.
 
« C’est triste, le spectacle que les deux ministres nous ont offert vendredi sur le plateau de la TVT (…) Les grandes personnes ont le devoir de faire preuve de civilités » ; « Ce n’est pas la peine d’organiser des débats si tous devraient se passer de la sorte. Mais à quelque chose, malheur est bon ; ce débat a été très riche en enseignements… ». Voilà quelques réactions suscitées dans la masse par cette émission – Dieu sait qu’elles sont nombreuses et vont dans le même sens – qui a vu les invités se chamailler non seulement sur, mais aussi hors du plateau. Il nous revient justement que la prolongation s’est jouée après l’émission et des propos vifs ont encore fusé, dans les couloirs de la TVT.
 
 
Tino Kossi
 
 
liberte-togo.com
 

1 commentaire

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here