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6,378 milliards pour régler les factures de « certains ministères et structures de l’Etat »
 
Hier, nous démontrions comment les présidents du Conseil de surveillance et du Conseil d’administration ont aussi pris part à l’effondrement des finances de Togo Télécom par leur passivité coupable dans la gestion. Au regard des chiffres des comptes de bilan que présente le rapport de la Cour des comptes, il apparaît que l’Etat togolais a pris une part active dans le siphonage des finances de la société qui a perdu aujourd’hui de sa superbe. Fichier des immobilisations peu fiables, actif circulant lourd de créances, créances sur les clients privés élevées, créances sur l’Etat au-delà de 20 milliards, créances exorbitantes sur le personnel et aussi dettes fiscales et sociales pouvant hypothéquer la retraite des employés, fonds propres surévalués, montant élevés des dettes et des charges financières, recourt excessif au crédit de trésorerie, multiplicité de comptes bancaires, autant de situations ubuesques qui ont participé à la mise à terre de Togo Télécom, une société qui, si elle était mieux gérée, aurait moins recouru aux emprunts.
 
Si Yao Kanekatoua et Kokouvi Dogbé avaient pris sur eux de rendre compte au gouvernement de la marche de Togo Télécom, certainement que sa situation financière désastreuse aurait été vite sue et rectifiée. Désastreuse, nous disons bien, au vu de l’analyse de certains comptes significatifs du bilan contenue dans le rapport de la Cour des comptes. La situation bénéficiaire de plus de 6,8 milliards de FCFA au 31 décembre 2007 contre 6,1 milliards en 2006 ne doit en rien occulter les dysfonctionnements relevés. Ainsi, l’analyse des grandes masses de l’actif du bilan parle de fichier des immobilisations peu fiable, d’un actif circulant lourd de créances et d’une trésorerie active tendue.
 
Même si les immobilisations dépassent les 61 milliards de FCFA, le rapport indique que le fichier de celles-ci n’est pas réaliste du fait qu’elles n’ont pas fait l’objet d’inventaire depuis 5 ans et que la plupart ne sont plus immatriculées. Conclusion, il y a eu une sous évaluation de la valeur des terrains.
 
C’est la lourdeur de l’actif circulant des créances qui fait froid dans le dos, surtout lorsqu’on apprend que la part léonine revient à l’Etat. Ainsi, de 61,515 milliards en 2006, cet actif a augmenté de 14,87% pour se situer à 70,667 milliards un an plus tard. Les créances sur les clients privés sont passées de 29,012 milliards à 33,197 milliards de FCFA entre 2006 et 2007. Même si ces créances ont été provisionnées à près de 94,51%, soit 31,376 milliards de FCFA. Dans cette rubrique, le rapport a relevé le problème de capacité de Togo Télécom à recouvrer ses créances. L’Etat s’est permis beaucoup d’écart envers la société.
 
Au 31 décembre 2007, l’Etat togolais restait devoir plus de 20,590 milliards à Togo Télécom, un montant dont près du 1/3 a servi à « régler des factures de certains ministères et autres structures de l’Etat sans qu’ils soient en mesure de vérifier l’effectivité des services faits », selon le rapport. Soit plus de 6,378 milliards de FCFA ! Le reste, estimé à plus de 14,212 milliards a été décaissé par Togo Cellulaire pour le compte de Togo Télécom. Et pour ce dernier montant, le rapport affirme que ces avances ont été faites sans l’autorisation préalable de l’autorité de tutelle, c’est-à-dire le ministère dont Kokouvi Dogbé a la charge. Comme quoi, lorsqu’il s’agit de l’Etat, personne ne doit prononcer un mot ou demander des explications. Chose plus troublante et qui indique que le président du CA était complice de l’écroulement de la société, « les investigations de la mission ont permis de relever que d’une part, il s’agit d’appels de fonds sur simple demande (note ou lettre) du président du Conseil d’Administration (CA) et d’autre part, tous les montants décaissés par Togo Cellulaire pour le compte de Togo Télécom sont déposés sur un compte ouvert à la BTCI au lieu d’être versés dans les caisses du Trésor public ». Et devinez qui était directeur général de la BTCI. Il s’agit du président du CA en la personne de Yao Kanekatoua ! La boucle est bouclée. Comment la société pouvait-elle survivre devant autant de machiavélisme ?
 
Les créances sur le personnel n’ont pas aussi arrangé la situation de cette société monopolistique. De 351,113 millions en 2006, elles étaient montées à 1,027 milliard en 2007. La trésorerie active, du fait du cumul des dettes non payées à la société, risque de jouer des tours aux futurs retraités. Bien que chiffrée à plus de 2,285 milliards, la contrepartie, c’est-à-dire les dettes, s’élève à plus de 42,616 milliards de FCFA répartis comme suit : 28,942 milliards de FCFA pour les dettes des fournisseurs d’exploitation, 4,8 milliards de dettes fiscales, 521,9 millions de dettes sociales et 8,35 milliards de dettes diverses. Et du passif du bilan, que peut-on retenir ?
 
Le rapport parle de surévaluation des fonds propres d’un montant de 62,048 milliards contre 59,479 milliards en 2006. Lorsqu’on réalise que des réserves pour investissements de plus de 9 milliards, et la TVA collectée pour le compte de l’Etat d’une valeur de 8,621 milliards sont incorporées dans ces fonds propres, on se dit que le rapport dit vrai lorsqu’il parle de surévaluation. Togo Télécom cumule des dettes dont l’essentiel est composé d’emprunts. De 1997 à 2007, on a les emprunts UTB1 et 2, BTD, SGI II et III, BOAD I et II, BDT ; la situation de ces emprunts s’élève à plus de 29,241 milliards de FCFA. Et aucune justification de leur usage n’a pu être faite, à en croire le rapport. «Tout en affirmant que d’importants projets ont été réalisés grâce à ces fonds, la direction générale n’a pu citer aucun cas concret. Ce qui n’est pas de nature à rassurer de la bonne gestion de ces fonds », dénonce le rapport. Il est vrai que des remboursements ont été effectués au cours de l’exercice à hauteur de 3,855.726 milliards de FCFA. Mais 277,970 millions de FCFA s’y sont ajoutés à titre de charges financières, entendez les intérêts. Togo Télécom aurait-elle pu faire autrement ? Oui, puisque « la Cour relève que Togo Télécom aurait moins recouru aux emprunts si elle avait mis en place une politique efficace de recouvrement de toutes ses importantes créances et si elle n’avait pas fait l’objet de multiples ponctions par l’Etat ». En français facile, l’Etat du Togo a contribué à enfoncer financièrement Togo Télécom, au moins depuis 2007.
 
Le passif circulant de la société est passé de 45,737 milliards en 2006 à 46,006 milliards un an plus tard. Sans ciller, le rapport de la Cour des comptes dit : « le non-paiement des dettes sociales compromet la jouissance effective par les retraités de leurs droits ; le non-paiement des dettes fiscales qui entraîne un manque à gagner pour l’Etat ». Le recours excessif au crédit de trésorerie est aussi pointé du doigt. Puisqu’à fin décembre 2007, ces crédits s’élevaient à 6 milliards contre zéro franc en 2006, et les découverts bancaires, à 650,456 millions contre 36,944 millions un an plus tôt. « Le recours aux crédits de trésorerie, particulièrement à partir de 2007 s’explique par la pénurie de liquidités », constate le rapport. La situation des comptes bancaires de Togo Télécom est telle que le rapport, devant la disparité des chiffres, a conclu : « Le mal est donc plus profond que ne laisse entrevoir le rapport du Commissaire aux comptes. Et comme le souligne le rapport de l’IGA, le nombre et le montant élevés de ces suspens occasionnent un déséquilibre financier, un résultat comptable erroné, un bilan dénaturé, une sous-estimation ou une surestimation des soldes bancaires dans les livres de Togo Télécom ». Au sujet de la multiplicité des comptes bancaires, on apprend que Togo Télécom gère 23 comptes ouverts dans 6 banques de la place. « La Cour s’interroge sur la nécessité de tous ces comptes. Il se pose aussi le problème de leur suivi et de la maîtrise des charges financières qui en découlent », fait remarquer le rapport.
 
Dans ce rapport, il est apparu que le président du CS et celui du CA ont fait preuve d’un laxisme coupable et d’une complicité subtile qui n’ont certainement pas permis à Sam Bikassam de se remettre en question. Peut-être. Mais il serait tout aussi utile que d’autres rapports démontrent si les successeurs de tout ce beau monde ont fait mieux jusqu’à cet instant, histoire de se renseigner sur l’état financier de la société de nos jours. Car des informations d’une autre nature pourraient épingler d’autres personnes qui seraient tapies dans l’ombre et bénéficieraient de la protection du sommet de l’Etat. Mais il est désolant de constater qu’une société détenant le monopole dans la téléphonie fixe, fasse faillite. Il n’y a qu’au Togo qu’on puisse assister à pareille situation, vu que des rapports d’experts ont relevé que notre pays fait partie de ceux dans lesquels les coûts de communication sont les plus chers.
 
Abbé Faria
 
source : Liberté Togo
 
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