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Editorial de Fenêtre sur l’Afrique du 10 décembre 2015 sur radio Kanal K en Suisse
 
Après plus de 22 ans passés au pouvoir, Yahya Jammeh vient de passer la main en Gambie. A la surprise générale, celui qui a régenté la République Gambienne d’une main de fer pendant plus de deux décennies, celui-là même qui se disait recevoir ses ordres directement de Dieu, l’homme qui affirmait être capable de guérir le sida et la stérilité, le désormais ex-numéro gambien qui, encore à la veille des élections du 1er décembre 2016, criait à tue-tête que sa réélection serait un tsunami, Yahya Jammeh himself, avant même que la commission électorale ne donne les résultats provisoire, a reconnu sa défaite et appelé Adama Barrow pour le féliciter.
 
Les extraits de la conversation téléphonique entre les deux hommes sont tellement hallucinants, disons plutôt surréalistes, si on considère l’évidence de la victoire de Jammeh convenue  et alimentée par tous les observateurs. Tous disaient que ces élections, à l’instar des précédentes, ne seraient ni plus ni moins qu’une simple formalité. La volte-face de Jammeh fut tellement surprenante que nombre de médias, surtout internationaux, en avaient perdu leur latin.
 
« Vous, Gambiens, avez décidé que je devais partir. Vous avez choisi quelqu’un pour diriger votre, notre pays et je vous souhaite le meilleur », tels sont les mots de Yahya Jammeh lorsqu’il il reconnaissait la victoire d’Adama Barrow. Il a ajouté qu’après la passation du pouvoir, il se retirerait dans sa ferme sise dans son village natal Kanilai pour s’adonner à la culture de la terre. Enfin, il a déclaré être à la disposition du nouveau pouvoir pour toute contribution ou aide pendant la période transitoire.
 
Devrait-on prendre Yahya Jammeh au sérieux dans son attitude et ses déclarations d’après les dernières présidentielles si on sait que la grande majorité de  l’armée gambienne lui reste encore attachée et que le personnage, en dehors de son côté fantasque, nous a habitués à des postures, discours et actes à mille lieux de l’idéal démocratique ? Peut-on lui accorder le bénéfice du doute quand on sait qu’il a sorti la Gambie du Statut de Rome en octobre dernier ? Voulait-il prévenir ainsi sa possible comparution devant la CPI ? Ces interrogations méritent une attention particulière. Ces questions sont d’autant pertinentes que le même Jammeh l’insaisissable, l’imprévisible vient de frapper encore un grand coup en remettant en cause sa défaite, mettant ainsi tout un peuple dans une angoisse terrible.
 
Pas plus tard que le 19 mai 2015 au sommet de la CEDEAO à Accra, Yahya Jammeh avait formé une paire de choc avec Faure Gnassingbe pour faire capoter le protocole d’accord sur la limitation des mandats, un document qui voulait pourtant impulser une dynamique démocratique solide en vue de la prévention des conflits relatifs à l’absence d’Etats de droit dans nos Etats.
 
Si l’acte posé la semaine dernière par le président sortant en reconnaissant sa défaite et promettant de quitter paisiblement le pouvoir mérite d’être salué, sa remise en cause des résultats définitifs sont à dénoncer et à rejeter avec force. Pour une fois depuis plus de 22 ans que la volonté exprimée du peuple allait être respectée, ce n’est pas le moment de retomber dans les méandres cauchemardesques d’une autocratie.  Il revient à présent au peuple souverain gambien et son président élu de défendre leur volonté, leur victoire. Adama Barrow et ses alliés n’ont pas le droit de trahir le peuple en laissant la victoire lui échapper. Il revient à lui surtout d’user de tout son poids à lui conféré par le peuple, afin de ramener Jammeh à ses premières déclarations.
 
A l’instar du chef de la diplomatie sénégalaise, la CEDEAO et l’UA doivent dire clairement à Jammeh de respecter l’expression démocratique de son peuple. Ils doivent lui enjoindre de se tenir à ses paroles, ses engagements pris après la proclamation des résultats provisoire.
 
Convaincus que le dernier mot reviendra à la voix du peuple, nous pensons qu’un enseignement capital est à tirer de la première décision de Jammeh, c’est qu’il a fait faux bond à Essozimna Gnassingbe. Si le président togolais pouvait avoir un interlocuteur qui lui ressemblait dans son mode de gouvernance, c’était la personne de Yahya Jammey. Leur accointance idéologique s’était ostensiblement matérialisée à Accra lors du sommet sus-mentionné. Voilà Faure Gnassingbé très probablement fils unique de l’autocratie en Afrique de l’Ouest. Aura-t-il l’épaule assez large pour porter ce lourd poids ? Pendant combien de temps résisterait-il encore aux sirènes de plus en plus pressants de l’état de droit ?
 
L’Afrique occidentale semble s’inscrire irréversiblement dans une dynamique démocratique. Le Ghana vient de renforcer cette assertion. L’alternance semble de plus en plus entrée dans les mœurs ; seul le Togo semble encore être le récalcitrant en la matière. Mais que pourrait un seul Etat, qui plus est de cette taille et de ce poids contre la marche de l’histoire de toute une sous-région, voire de tout un continent ?
 
Ici et là encore en Afrique – heureusement de moins en moins – on compte quelques foyers de résistance au changement, représentés par Paul Bya (qui dirige son pays 6 mois sur 12 mais qui s’accroche toujours au pouvoir), Denis Sassou Nguesso, Ali Bongo, Pierre Nkurunziza et Joseph Kabila dont on ne compte plus le nombre de cadavres qu’ils ont enjambés pour se maintenir au pouvoir. La roue de l’histoire, le Cameroun, la RDC, le Burundi, le Congo Brazzaville ou encore le Togo ne s’y échapperont pas.
 
 

La Rédaction de FSA
 
Radio Kanal K, Suisse

 
lomévi (www.togoactualite.com)
 

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