fauregnasavril2013
 
Survoler les problèmes de l’heure, incriminer ses opposants et leur faire une leçon de politique , user de la langue de bois, bluffer les Togolais naïfs…c’est cela Faure Gnassingbé dans ses (rares) discours servis à la Nation. Et à l’occasion de la célébration le samedi 27 avril dernier du 53e anniversaire de l’accession du Togo à la souveraineté internationale, son allocution de circonstance était très attendue. Surtout par rapport à l’actualité sociopolitique très chargée. 25 minutes d’horloge, c’est le temps qu’aura duré son discours de la nuit du 26 avril, le plus long de Faure Gnassingbé. Et l’homme n’a pas manqué à sa réputation.
 

Micro-hommage à Sylvanus Olympio

 
L’indépendance du Togo, voilà l’événement qui était célébré ce samedi 27 avril 2013, et on en était au 53e anniversaire. Cette liberté avait été arrachée au prix de vies perdues et de mille sacrifices de braves hommes et femmes. La lutte était incarnée par un homme: Sylvanus Olympio. Même si derrière il y avait d’autres braves gens, c’est lui qui était au front, surtout lorsqu’il s’agit de rencontrer les dignitaires de l’ancienne métropole et les convaincre de la légitimité d’accorder l’indépendance aux Togolais. Un tel personnage mérite tous les honneurs. Mais c’est un tout petit hommage que Faure Gnassingbé a rendu au « Père de l’indépendance ». « Je salue tout particulièrement, la mémoire du tout premier Président du Togo indépendant, Sylvanus Olympio. Nous avons commémoré cette année même, le cinquantième anniversaire de sa disparition dans le recueillement et dans un esprit de réconciliation nationale ». C’est juste ce que le Prince a dit à propos de Sylvanus Olympio. Et son nom, Faure Gnassingbé ne l’a prononcé que deux fois. On dirait même qu’il l’a fait à contrecœur.
 
Sous d’autres cieux, les pères de l’indépendance sont vénérés. Comme au Ghana à côté où la mémoire de Kwame N’Krumah est honorée comme cela se doit. Mais au Togo, son pendant n’a aucune place. Non seulement les honneurs dus à sa personne et à son action ne lui sont pas rendus, mais en plus le régime Gnassingbé s’emploie à tronquer l’histoire et à effacer même ses pages. Le jour où il doit être seul à recevoir les honneurs, et là où sa photo ou son buste devraient trôner tout(e) seul(e), on lui adjoint ceux de tous les autres présidents connus par le Togo. Cet hommage à minima rendu à Sylvanus Olympio est simplement proportionnel à la place qui lui est réservée par la dynastie Gnassingbé.
 

Actualité politique et sociale

 

Grève des travailleurs, assassinat de Sinandaré

 
Ce serait un scandale si Faure Gnassingbé ne l’avait pas abordé. Les travailleurs en particulier et les Togolais en général l’attendaient sur le sujet qui occupe l’actualité sociale et cristallise les rancœurs, et le commun d’entre eux espérait qu’il annonce des décisions majeures. Mais tout ce beau monde n’a eu que ses yeux pour pleurer. L’orateur a semblé en plus ne rien maitriser. « Comme chacun a pu le constater, le secteur de l’éducation est en proie depuis des mois à des agitations récurrentes. Les revendications s’additionnent d’année en année, perturbant ainsi de manière répétitive le rythme de la vie scolaire…Tous les efforts que nous avons déployés, en réponse aux revendications des enseignants, sont malheureusement accueillis par de nouvelles exigences», a dardé Faure Gnassingbé.
 

 
Non maitrise du sujet ou langue de bois ? Difficile à dire. Mais c’est à croire que le locataire du Palais de la Marina satisfait chaque année les exigences légitimes des enseignants et que celles contenues dans la plateforme revendicative introduite par la Synergie des travailleurs du Togo (Stt) et qui motivent la grève sèche dans le secteur depuis quelque temps sont nées l’année passée seulement. Et pourtant le commun des Togolais sait que ces revendications datent de Mathusalem. Et ce sont les pauvres enseignants que Faure accuse, malheureusement, de « prendre en otage l’éducation de nos enfants, l’avenir de notre nation ».
 
Pour ceux qui ne le savent pas – ils sont sans doute nombreux -, Faure Gnassingbé adore les enfants. « Nos enfants sont ce que nous avons de plus cher. Ce sont eux qui doivent mobiliser toute notre énergie. Ils sont notre priorité absolue! », a-t-il déclamé. De vrai, vous demandez-vous ? Une interrogation légitime, car cet amour (sic) ne s’est pas ressenti dans la gestion de la grève des enseignants. Le Prince de la République n’a rien fait pour les calmer très tôt afin qu’ils retournent dispenser les cours aux enfants qui sont sa « priorité absolue ». Au contraire, il a laissé pourrir la situation, a poussé les élèves à descendre dans la rue ; et pour toute réponse, a lâché à leurs trousses des corps habillés à la gâchette facile. Et ce qui devrait arriver, arriva. Anselme Sinandaré est tombé le 15 avril 2013 à Dapaong sous des balles meurtrières de nos vaillants forces de l’ordre, suivi 48 heures plus tard par Douti Sinanlengue qui a succombé aux coups encaissés en marge des manifestations. Le plus cocasse, Faure Gnassingbé a été aphone devant ces événements tragiques, et c’est seulement ce samedi qu’il a profité de son discours pour « condamner fermement l’acte inconsidéré qui a coûté la vie au jeune Anselme Gouyano Sinandare, précocement arraché à notre affection », exprimer à la famille éplorée sa « peine profonde » et « les sincères condoléances du Gouvernement ». Douze (12) jours exactement donc après les événements qui se sont passés entre ses jambes ! Et pourtant il avait promptement réagi aux attentats de Boston où trois (03) Américains furent tués. A peine la bombe avait-elle fini d’exploser qu’il envoya une lettre de compassion à Barack Obama. Priorité aux autres.
 
L’un des signes particuliers de Faure Gnassingbé, c’est d’adorer le rafistolage, de vouloir guérir le cancer avec du paracétamol bref, de laisser les solutions idoines au profit du dilatoire. Les problèmes des enseignants, c’est avec l’organisation de ce qu’il appelle « les Grandes Assises de l’Education au Togo » qu’il compte les régler. « Les représentants des parents d’élèves, des enseignants, des syndicats, des élus et des acteurs économiques ainsi que toutes les parties prenantes de l’éducation, seront conviées à ces assises. Les préoccupations des uns et des autres doivent être prises en compte pour dégager les solutions qui garantiront la stabilité et l’accessibilité de tous à un enseignement de qualité », a-t-il déclaré. La même démarche devrait être observée pour le secteur de la santé aussi.
 

Affaire d’incendie : Faure maintient le curseur sur ses opposants

 
Le Togolais lambda devrait le croire étranger à la croisade déclenchée contre le Collectif « Sauvons le Togo » au lendemain du sinistre de Lomé et penser que ce sont ses sous-fifres qui font du zèle. Mais un pan du discours a confirmé ce que nombre de citoyens avisés voyaient depuis. « Rien ne peut justifier les incendies criminels qui ont dévasté les marchés de Kara et de Lomé. Aucun agenda politique, aucun combat de quelque nature que ce soit, ne peut justifier de tels égarements !…Il n’est pas tolérable de détruire ce que nous avons construit ensemble pendant des décennies et des décennies, au prix de privations et d’immenses sacrifices », a lâché Faure Gnassingbé, faisant sans doute allusion au Cst dont des responsables et des militants sont inculpés dans cette affaire ; de là à conclure à une entreprise organisée depuis le sommet ou avec sa bénédiction, le pas est vite franchi.
 
Et dans cette veine, il adoube la justice à continuer l’acharnement contre ses opposants que dénoncent pourtant des partis politiques français et allemands, exigeant par la même occasion la libération des interpellés. « C’est l’occasion pour moi de saluer les efforts que la justice continue de déployer pour la manifestation de la vérité. Ces efforts doivent être poursuivis avec détermination et en toute indépendance. Le travail de la justice doit se faire dans la sérénité et dans le respect des principes de l’Etat de droit, à toutes les étapes de la procédure. Le travail de la justice doit aller jusqu’au bout, quoi qu’il nous en coûte ! », déclare-t-il. Et pourtant c’est manifeste que la procédure ouverte dans cette affaire n’a rien de judiciaire et d’équitable. C’est plutôt une chasse aux opposants. Le régime en place veut profiter de cette affaire pour décapiter le Collectif « Sauvons le Togo » rempli d’ « emmerdeurs » qui troublent le sommeil du Prince, l’empêchent de mal gouverner et de frauder les prochaines législatives en silence. Contrairement au principe qui recommande que l’instruction se fasse à charge et à décharge, malgré la légèreté de l’accusation, l’absence de preuves et les retournements de situations, les enquêtes ne sont orientées que vers ce regroupement politique.
 
C’est à des manipulations qu’on recourt pour faire exister l’accusation. Dans leurs lieux de détention, des inculpés dans cette affaire sont l’objet de tentatives de corruption de la part d’officiels de l’Etat. Il leur est demandé de charger les leaders du Collectif, contre des fortunes et une vie de prince loin du Togo. Le jeune Toussaint Tométy dont les aveux avaient servi à ouvrir les hostilités contre les opposants, a fait volte-face depuis le 16 mars 2013. Dans une lettre envoyée à Jean-Pierre Fabre, et lors des auditions devant le juge d’instruction, « Le jeune manipulé qui crache des noms » a révélé avoir été torturé, manipulé, soudoyé pour incriminer les responsables du Collectif. Il a cité des noms, et pas des moindres. Dans un Etat de droit où il existe une véritable justice, ces révélations auraient pu faire changer un tant soit peu l’orientation des enquêtes. Mais rien n’y fit. Le corps du délit officiellement présenté jusqu’ici n’est constitué que de pseudos cocktails Molotov, d’allumettes, de bidon d’essence et de préparation mystique, des éléments assez légers pour expliquer des incendies de cette ampleur. Cette version est battue en brèche aujourd’hui par le rapport des deux experts français dépêchés au chevet du Togo par François Hollande qui conclue à l’usage du kérosène, un combustible qui n’est pas à la portée de tout le monde. Un élément assez important pour ouvrir de sérieuses pistes sur les pyromanes et leurs commanditaires. Mais pas suffisant à la justice de Faure Gnassingbé pour fouiller ailleurs. Et c’est la procédure telle qu’orientée sur ses opposants, que le magistrat suprême du Togo, censé veiller au respect des règles de droit qu’on s’est librement prescrites, souhaite voir aller à terme.
 
Sur le drame même qui frappe les bonnes femmes, il a joué au père compatissant. « Je sais qu’aucun mot de réconfort ne peut effacer la détresse humaine qui s’est nouée en ces nuits tragiques du mois de janvier. Mais je tiens à réitérer aux commerçantes et commerçants qui ont tout perdu en un seul jour, la compassion et la solidarité unanime de notre nation », a-t-il déclamé. Lui qui ne s’est jamais donné la peine de descendre en personne au grand marché d’Adawlato pour consoler les commerçantes.
 

Elections transparentes et recensement impeccable pour Faure

 
On pouvait penser que le long mutisme observé sur la situation sociopolitique tendue du pays pouvait améliorer son appréhension des choses. Mais hélas. Faure Gnassingbé est resté égal à lui-même. S’agissant du recensement électoral clôturé hier, il se félicite « du bon déroulement des opérations, sur toute l’étendue du territoire national ». Déconnexion de la réalité, aveuglement volontaire…?
 
On est tout simplement étonné de cette vue des choses, d’autant plus qu’elle n’est pas tellement conforme à la réalité sur le terrain. L’opération de recensement aussi bien dans la première que dans la seconde zone n’a pas été un long fleuve tranquille. Elle a vibré au rythme des problèmes, des irrégularités et des manœuvres de fraudes. Lenteur ou non fonctionnement des kits, nonchalance des opérateurs de saisie, recensement de mineurs et d’étrangers, enrôlement multiples…voilà autant de problèmes relevés. La dernière, au niveau des garnisons, les cartes d’électeurs auraient été ramassées après des éléments par la hiérarchie. A quelle fin ? Pas besoin d’être sorcier pour présager des manœuvres de préparation de fraudes.
 
Malgré toutes les critiques faites à la préparation du processus électoral, Faure Gnassingbé lui, trouve que « les innovations et les divers réaménagements apportés au cadre électoral sont de nature à garantir une compétition sereine, ouverte et transparente». Mais c’est constant qu’à l’allure où le processus est conduit, il serait difficile d’en attendre un miracle. Les aménagements qui devraient donner cette assurance, ce sont les réformes institutionnelles et constitutionnelles fondamentales souhaitées par l’Accord politique global (Apg) et la matérialisation des recommandations des missions d’observation électorale de l’Union européenne. C’est ce que l’opposition s’est tuée à réclamer, mais ses cris sont tombés dans des oreilles de sourds. Les exhortations de Bruxelles étant aussi multipliées par zéro par le pouvoir, l’institution refuse de financer les prochaines législatives. Ce n’est pas du fatalisme, mais du réalisme ; la transparence et l’équité du prochain scrutin, deux éléments étaient à même d’en assurer une bonne part : le découpage électoral et la composition équilibrée de la commission électorale. Le découpage justement annoncé pour les législatives reste inique, et la Céni n’est qu’une assemblée d’inconditionnels de Faure Gnassingbé et de Gilchrist Olympio et leurs alliés.
 

Le grand vertueux, drôle de lutte contre la prévarication

 
C’aurait été une surprise que Faure Gnassingbé boucle son allocution sans jouer au plus vertueux du Togo et donner un cours de realpolitik à ses adversaires politiques. Il a justement tenu à « rappeler aux acteurs politiques, qu’au-delà des divergences de choix et des moyens d’action, divergences inhérentes à toute société pluraliste, nous avons en partage une communauté de destin, faite de l’héritage du passé, des défis du moment et des promesses de l’avenir. Ces repères doivent nous exhorter, à tout moment, à ne privilégier que l’intérêt du Togo, qui est un et indivisible ». La culture de l’ouverture et le sens du compromis, « ces valeurs qui sont au cœur de notre identité nationale nous incitent constamment à l’écoute et à l’acceptation de l’autre, dans sa différence, à la modération et à la tolérance. Elles récusent tous les extrémismes, toutes les violences, d’où qu’elles viennent », a-t-il chanté.
 
C’est sous ce manteau d’homme super vertueux et de donneur de leçon qu’il a aussi abordé la grande question de la bonne gouvernance, et nommément la lutte contre les détournements de deniers publics, les prévarications, les surfacturations et autres. « Nous devons donc continuer à traquer dans les administrations publiques ou privées le phénomène des surfacturations, des fausses factures et autres formes de prévarications. Ces pratiques alourdissent indûment les charges de l’Etat au profit de quelques individus. Elles le privent des précieuses ressources dont il a tant besoin pour la mise en œuvre de nos projets de développement économique et social. Nous devons donc continuer à combattre avec énergie, les abus et les prodigalités qui grèvent durement les ressources de l’Etat », a plaidé Faure Gnassingbé. Et ça, c’est une cause noble, et c’est tout le peuple togolais qui a à y gagner. Car, le Prince l’avait déjà reconnu, c’est une minorité de gens qui accaparent les ressources de l’Etat. C’est un état de chose qui doit être combattu, et on consent. Plus que des paroles, il faut alors des actes ; et s’il y a quelqu’un de mieux indiqué pour donner le bon exemple, c’est bien le locataire du Palais de la Marina. Mais c’est le mauvais qu’il a donné, à quelques pâtées de ce discours super vertueux. En décorant un certain Dr Badjona Sognè qui n’est pas un saint en matière de gestion efficiente.
 
En effet, Faure Gnassingbé a élevé au rang de Commandeur de l’ordre du Mono, le médecin militaire qui se trouve être son Conseiller médical. Et pourtant il s’agit de cet homme qui a géré en toutes autarcies et opacité entre 2010 et 2011 le Projet BIDC, financé à hauteur de dix milliards FCFA, et censé aider à renouveler le plateau technique du système de santé public au Togo. En lieu et place d’équipements neufs et performants, ce sont des matériels « tout risque » qui furent achetés, repeints, et le reste de l’argent « géré » par le super Conseiller en santé du Prince. Faure Gnassingbé devrait justement inaugurer les matériels au CHU Sylvanus Olympio, et tout était préparé ; mais à l’heure H, le scanner « xoxotsoin » (occasion peinturé) a refusé de fonctionner. Conséquence, cérémonie annulée. La presse responsable, soucieuse de la bonne gestion des ressources publiques en a abondamment parlé et appelé qui de droit à agir. Mais le Prince n’a rien fait, et cette affaire est passée par pertes et profits. Quel crédit accorder au juste à Faure Gnassingbé qui joue au vertueux mais pose des actes contraires ?
 
Que retenir finalement du discours éreintant de Faure Gnassingbé ? Pas grand-chose ; un euphémisme pour ne pas dire RIEN ! D’ailleurs les Togolais attendaient des décisions, au regard de la tension sociale et politique dans le pays ; mais ils ont été déçus. On a suivi un homme absent devant les situations où il est requis mais qui sait faire la morale aux autres, comme aux enseignants et indirectement aux politiques à qui il dit qu’il y a un temps pour revendiquer et un autre pour bâtir ; un homme qui sait paraitre bon dans les discours, bluffer ses compatriotes – les naïfs, bien sûr. Prêchi-prêcha, c’est à cela qu’il faut réduire cette nième sortie. Un discours typiquement Faure Gnassingbé.
 
Tino Kossi
 
Liberté Togo
 
 

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here