Le gouvernement togolais se satisfait des petites réalisations alors qu’une montagne de besoins est exprimée par la population. La mise à disposition des communes de véhicules de fonction a été vue comme une prouesse alors que chaque commune a besoin d’une multitude d’infrastructures pour son développement.
Cette semaine, l’une des informations phares a été la mise à disposition des communes du Togo de véhicules de commandement. 117 pick-up commandés auprès d’un concessionnaire ont été livrés. Ils ont été ensuite réceptionnés par le ministre de l’Economie et des Finances, Sani Yaya, et celui en charge de l’Administration territoriale, Payadowa Boukpessi puis exposés, le 09 septembre 2020, sur le parking de l’Hôtel Sakarawa.
Cette information a été diversement traitée par la presse locale. Des médias y ont vu un geste de générosité de la part du gouvernement et même du président de la République. Chez le confrère republicoftogo.com qui excelle dans la propagande, il s’agirait même d’un cadeau de bienvenue. « Chaque maire a désormais une voiture de fonction offerte par l’Etat… La fourniture des 117 voitures est une sorte de cadeau de bienvenue », écrit-il.
Des titres louangeurs, il y en a eu à profusion, au point de susciter un débat dans l’opinion. Le confrère Directeur de cabinet du ministère de la Communication y est allé même de ses analyses pour offrir une sorte de parapluie à ceux qui se sont livrés à l’exaltation du gouvernement. Il faut comprendre dans le satisfecit manifesté par une partie de la presse locale celui des autorités togolaises elles-mêmes. Selon le ministre Payadowa Boukpessi cité par une agence de presse, il s’agit d’une initiative du chef de l’Etat dont le but est « d’offrir une meilleure condition de travail aux différents maires du pays ».
Très reconnaissant envers le « généreux donateur », le maire de la Commune Avé 1, Kodjo Alexandre Aziabu a versé dans le griotisme. « 117 maires ! 117 voitures neuves de commandement pour les maires ! Mon Président, Vous avez fait fort, et il faut le faire comme cet homme selon Albert Einstein, dont ‘‘la valeur tient dans sa capacité à donner et non dans sa capacité à recevoir’’. Je n’avais point de doute, mais je dois reconnaître que vous me donnez l’espoir que je promets de partager avec les populations de notre chère Commune Avé 1. ENSEMBLE AVEC VOUS ! », s’est-il emporté. Il ne lui manquait qu’à s’étendre au sol et ramper en signe de remerciement. Nul doute qu’il ne sait pas qu’un maire a besoin de véhicule de commandement.
En effet, le gouvernement togolais est un habitué du satisfecit devant les plus infimes réalisations. Pour de simples mises en service de latrines publiques, on dépêche ministres et directeurs de cabinet pour des cérémonies plus dispendieuses que l’ouvrage à inaugurer. La remise à la population de Vogan de deux tricycles transformés en ambulance a nécessité, en septembre 2018, l’organisation d’une cérémonie officielle avec présence effective de la ministre directrice de cabinet de la Présidence de la République. Pour l’inauguration de salles de cinéma, usine de production de jus, bassins de rétention d’eau, pistes rurales et bâtiments scolaires, etc. c’est Faure Gnassingbé lui-même qui sort de son palais, s’offre un bain de foule et fait croire à ceux qui le suivent qu’il vient de leur offrir ciel et terre. A ces occasions, le chef de l’Etat arbore également un sourire qui dénote de sa satisfaction d’avoir réalisé le centième des prouesses de ses collègues chefs d’Etat.
Et pourtant, les exemples de réalisations plus encourageantes sont légion dans les autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Au Ghana voisin par exemple, le président Nana Akufo-Addo a accompli sa promesse de campagne de doter chaque commune d’ambulance. En janvier 2020, 307 ambulances ont été remises aux collectivités territoriales. En Afrique sub-saharienne, cela peut être considéré comme une véritable réalisation, contrairement aux 117 véhicules de commandement qui représentent peu si l’on tient compte des besoins des communes qui se chiffrent à plusieurs milliards de francs CFA. Installer par exemple une unité de sapeurs pompiers pour couvrir 2 ou trois communes serait un exploit. Doter les établissements scolaires d’infrastructures adéquates, réhabiliter, construire et équiper des hôpitaux… sont des réalisations qui peuvent être considérées comme des actions efficaces.
Faure Gnassingbé et ses collègues doivent savoir qu’ils doivent aller bien au-delà de ces minuscules réalisations dont ils se glorifient. Pour y arriver, il faut sécuriser les ressources du pays, non pas à travers les dépenses de prestige d’un clan ou dans les poches de la minorité pillarde, mais en les utilisant de façon à satisfaire d’abord les besoins exprimés par les populations. D’ailleurs, les maires seraient dans de meilleures conditions de travail si Payadowa Boukpessi se recyclait sur la gestion des collectivités territoriales, afin d’éviter les conflits de compétence et les ingérences ridicules. A quand donc la dotation en ambulances de chaque commune ?
G.A. / Liberté Togo